dimanche 31 décembre 2017

CINEMA /// LES LUMIERES DE LA VILLE : UN CHEF D'OEUVRE QUE JE REVOIS CHAQUE ANNEE

LES LUMIERES DE LA VILLE
CHARLIE CHAPLIN
 
 
Avec Charlie Chaplin, Virginia Cherrill, Harry Myers
Film sorti en 1931





Ceux qui me connaissent savent l'admiration que je voue à Charlie Chaplin (un génie !) et à ses films intemporels.

Parmi sa filmographie, il y en a un que je ne peux pas rester plus d'un an sans le revoir : "Les lumières de la ville" (ou City Lights).

Alors que le cinéma parlant s'était installé, il sortit ce film sonore sans dialogues (mais avec des intertitres comme du temps du muet) estimant plus que tout l'art de la pantomime. Ce fut déjà une gageure en soi !








Bien sûr je connais ce film par cœur et pourtant il continue à me faire rire et surtout à me toucher, comme aucun autre.

L'histoire peut se résumer ainsi : une jeune fille aveugle et pauvre vend des fleurs pour survivre. Par un quiproquo, elle prend Charlot, le vagabond, pour un homme riche. Lui de son côté tombe éperdument amoureux de la jeune fille et va tout faire pour l'aider.

La jeune fille "voit" en lui, non pas le misérable dont tout le monde se moque, mais l'homme de cœur sensible et bon. Sa cécité lui permet d'aller au-delà des apparences de ceux qui n'ont pas son handicap !

Par amour, Charlot lui permettra de recouvrer la vue, tout en sachant qu'ainsi son mythe tombera et qu'alors il la perdra. Son amour est totalement désintéressé, au service de l'être aimé

Et puis, surtout, il y a cette scène finale où ils se retrouvent par hasard, lui plus loqueteux que jamais après un séjour en prison, et elle devenue fleuriste avec son magasin sur le boulevard.

Cette scène que j'ai vue des dizaines de fois me fait venir les larmes aux yeux à chaque fois, tant la charge émotionnelle est poignante et réussie. Et pourtant tout se passe dans le regard des deux acteurs où il y apparait une succession de sentiments (la crainte, la peur, l'étonnement, la déception, la pitié, l'amour). C'est beau, c'est magnifique, c'est exceptionnel, c'est du génie !

Réussir une telle scène alors qu'en plus les deux acteurs avaient des relations tendues, c'est véritablement l'art cinématographique à son sommet.

https://www.youtube.com/watch?v=T4JvEkyIKhU


 
 
 

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
31/12/2017


vendredi 29 décembre 2017

POETISER SA VIE !



Poétiser sa vie


Il est temps de modérer notre allure futile
De vibrer de toute notre âme, de ressentir
De retoquer cette vaine course infertile.
Etre dans le Temps qui se vit, ne plus courir
Là est l’urgence, poétisons notre vie !

Parsemons nos heures de moments de beauté
D’enchantement, de rêve, de créativité
Fréquentons le monde des poètes immortels
Notre destinée n’en sera que plus belle
Là est le chemin, poétisons notre vie !

Pour qu’une journée nous charme, peu suffit
S’extasier devant la délicatesse d’une fleur
Contempler du ciel sa palette de coloris
Rencontrer une rime, une sonate, un auteur
Là est le salut, poétisons notre vie !

Il est vital de pourfendre les dieux païens :
Rentabilité et Compétitivité
De s’affranchir des servitudes du quotidien
Et de notre démarche d’automate agité.
Le temps c’est de la Vie, poétisons là !


JC Togrège
23/12/2017

 

samedi 23 décembre 2017

ALBUM JEUNESSE : UN NOËL POUR LE LOUP - DEDIEU

UN NOËL POUR LE LOUP
DEDIEU





Une double réussite pour cet album jeunesse de Dedieu !

Des illustrations très travaillées, soignées et magnifiques, dans des tons doux en grand format (35cm x 25cm), parfois en double page.

Un texte bien écrit pour une histoire somme toute triste, qui renouvelle le thème du Loup.








Loup veut inviter tous ses voisins pour le repas de Noël.
Il prépare un bon repas et des cadeaux pour chacun car il souhaite que tous s'amusent.
Et puis, il s'ennuie tout seul !
Mais, sa mauvaise réputation ne rebutera t-elle pas les autres animaux ?

Pour avoir lu ce livre auprès de groupes d'enfants, j'ai pu constater leur émerveillement devant les illustrations, le temps qu'ils mettaient à bien regarder les détails.

Quant au récit, il est prenant.
Comment ? Ce loup n'a jamais connu un repas de famille pour Noël ? Cela sonne fort dans l'imaginaire des enfants en cette période de fêtes.

Certes, il est nécessaire d'en expliquer certains mots car le vocabulaire est d'un bon niveau. Cela contribue à ce qu'il soit réussi.

Extrait" Du creux des arbres sortaient de délicieux fumets. Des parfums de gâteaux embaumaient les bosquets. Les sucreries s'accumulaient"

Le style en rend la lecture à haute voix très agréable tant pour le lecteur que pour l'auditoire. Écouter une histoire, c'est aussi goûter la saveur des mots.

Espérant que de nombreux albums jeunesse trouveront leur place au pied des sapins, afin que les enfants fassent leur cette devise " Les livres sont nos amis pour toute la vie !',


Bonne et belle lecture.

JC Togrège
23/12/2017

PS : Ce livre me semble difficile d'accès au-dessous de six ans.



vendredi 22 décembre 2017

LIVRE - CINE /// KNOCK : Louis Jouvet a tant imprégné ce rôle....

KNOCK
 


Je ne vous parlerai pas de la nouvelle adaptation cinématographique de Lorraine Lévy avec Omar Sy dans le rôle vedette, car je n'ai pas souhaité la voir au-delà de la bande annonce.


Ce n'est pas qu'Omar Sy ne soit pas talentueux, loin de là ( je l'ai déjà apprécié dans d'autres films), mais dans mon esprit, celui qui incarnera à jamais Knock ne peut être autre que Louis Jouvet. Même la version théâtrale de Fabrice Luchini ne m'a pas convaincu, tout au moins pour les extraits que j'ai vus, trouvant l'interprétation trop "clamée".






Louis Jouvet, avec sa voix profonde et imposante, a tant imprégné ce personnage que cela ressemble presque à une gageure de lui succèder.

Seulement voilà, qui parmi les jeunes générations connait encore Louis Jouvet, artiste majeur du cinéma français dans le cinéma français des années 30/50 ?  L'on ne parle plus guère de lui, et même le DVD de son Knock n'est pas disponible.
Il en est de même pour l'auteur de cette pièce de théâtre de 1924 qu'est Jules Romains.

Aussi, je considère que c'est une très bonne chose que des reprises soient faites avec des acteurs actuels populaires pour tirer de l'oubli tant l'acteur que le romancier. L'on sait qu'un film à succès draine alors vers le livre une partie de ceux qui ont aimé le récit.

Pour ma part, j'ai préféré relire la pièce qui raconte l'histoire d'un charlatan (ce fameux Docteur Knock) passé maître en manipulation. Prendre l'ascendant sur sa clientèle, c'est pour lui le moyen de s'enrichir et de briller.

J'y ai vu un miroir de notre époque passée championne dans l'art de la manipulation, que ce soit à travers des techniques de vente enseignées aux commerciaux, les messages publicitaires harcelants nous prenant pour des gogos ou autre discours de communiquant dévoyé.

Mais, vous, ça vous gratouille ou ça vous chatouille ?

Extrait  :

Knock (...) : De quoi souffrez-vous ?
 Le tambour : Attendez que je réfléchisse ! Voilà. Quand j'ai dîné, il y a des fois que je sens une espèce de démangeaison ici. (il montre le haut de son épigastre)  Ca me chatouille, ou plutôt ça me gratouille.
Knock (d'un air de profonde concentration) : Attention. Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous gratouille?
Le tambour : Ca me gratouille. (Il médite.)  Mais ça me chatouille bien un peu aussi...

(...)
 Knock (il médite d'un aire sombre) : Est-ce que ça ne vous gratouille pas davantage quand vous avez mangé de la tête de veau à la vinaigrette ?
Le tambour : Je n'en mange jamais. Mais il me semble que si j'en mangeais, effectivement, ça me gratouillerait plus.

Knock : Ah ! ah ! très important. Ah ! ah ! Quel âge avez-vous ?(...)


Et si vous voulez revoir Jouvet : https://www.youtube.com/watch?v=Bglpy83gISs



Cinéphilement vôtre

JC Togrège

PS 07/01/2018 : Nous avons pu revoir le film en DVD. Quel grand acteur que ce Jouvet !

mardi 19 décembre 2017

LIVRE /// LA PROMESSE DE L'AUBE : un magnifique roman de Romain Gary


LA PROMESSE DE L’AUBE
DE ROMAIN GARY
 

Alors que l'adaptation cinématographique de ce film vient de sortir, je publie la chronique que j'avais écrite en 2011 après avoir lu ce magnifique roman de Romain Gary.
 
Puisse le film être à la hauteur d'un tel chef d'œuvre !
 
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J'étais en CE2 et avais alors pour maîtresse (l'on ne disait pas alors "institutrice" et encore moins "professeur des écoles"), Melle D..., personne sévère et stricte, mince et fort souvent habillée tout de noir. Contrairement à ses autres collègues enseignantes, elle ne portait pas de blouse et était toujours en pantalon, vêtement alors peu porté par les femmes.

J'allais oublier de préciser que c'était mon année scolaire 1968/1969. (Bigre ma brave dame ! ça ne nous rajeunit guère !)

 J'étais subjuguée lorsque cette Melle D. nous racontait l'histoire de France ou les leçons de morale, tant elle y mettait de l'intonation et de l'interprétation. Pourquoi raconter cela me direz-vous ? Quel intérêt pour vous, amis de la lecture ?

 
 

Il s'avère que j'ai très longtemps gardé en souvenir une leçon de morale de cette époque dont le thème devait être le partage ou quelque chose de proche. Je la réentends encore nous lire cet extrait de roman pour illustrer son propos  :

 Extrait de " La promesse de l'aube"

"..Depuis treize ans, déjà,  seule, sans mari, sans amant, elle luttait ainsi courageusement, afin de gagner, chaque mois, ce qu'il nous fallait pour vivre, pour payer le beurre, les souliers, le loyer, les vêtements, le bifteck de midi - ce bifteck qu'elle plaçait chaque jour devant moi - ce bifteck qu'elle plaçait chaque jour devant moi dans l'assiette, un peu solennellement, comme le signe même de sa victoire sur l'adversité. Je revenais du lycée et m'attablais devant le plat. Ma mère, debout, me regardait manger avec cet air apaisé des chiennes qui allaitent leurs petits.
Elle refusait d'y toucher elle même et m'assurait qu'elle n'aimait que les légumes et que la viande et les graisses lui étaient strictement défendues.
Un jour , quittant la table, j'allai à la cuisine boire un verre d'eau.
Ma mère était assise sur un tabouret; elle tenait sur ses genoux la poêle à frire où mon bifteck avait cuit. Elle en essuyait soigneusement le fond graisseux avec des morceaux de pain qu'elle mangeait ensuite avidement et , malgré son geste rapide pour dissimuler la poêle sous la serviette, je sus soudain, dans un éclair, toute la vérité sur les motifs réels de son régime végétarien.
Je demeurai là un moment, immobile, pétrifié, regardant avec horreur la poêle mal cachée sous  la serviette et le sourire inquiet, coupable, de ma mère, puis j'éclatai en sanglots et m'enfuis."

 
 Ce récit m'avait fasciné !
 
Elle terminait sa leçon en nous disant que par la suite la mère et l'enfant avaient partagé le bifteck en deux parts égales. Je n'ai su que des décennies plus tard, qu'il s'agissait d'un extrait d'un livre de Romain Gary, "La promesse de l'aube". Lorsque je me suis trouvé face à ces lignes, ce fut une véritable petite madeleine de Proust, me projetant dans cette classe de l'école primaire du centre ville de Reims.

 
Dans ce livre remarquable, l'auteur y raconte sa mère qui était un personnage fantasque, une sorte de "Mère Courage", qui ne vivait que pour son fils qu'elle élevait seule. Elle l'admirait, l'adorait et faisait tout pour lui car elle était persuadée qu'il avait un trait de génie, sans trop savoir encore dans quelle domaine il se distinguerait; mais elle était sûre d'une chose, il serait quelqu'un d'important, adulé par les femmes et reconnu par ses contemporains. Quelle charge lourde à porter pour un enfant qui voulait que sa mère soit fière de lui ! Cela lui fit écrire ses lignes-ci, qui explique le titre de son livre  :

 Autre extrait de " La promesse de l'aube"

"... Ce fut seulement aux abords de la quarantaine que je commençais à comprendre. Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça arrive ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que  des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il faut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants."

 Magnifique, non ?

Nul doute pour moi que cet auteur est l'un des très grands du XXème siècle ! Sa langue est belle, riche, limpide et teintée d'humour par petites touches délicates.

 
Je vais conclure par une "morale" en rapport avec mon préambule scolaire.

Les leçons de morale n'étaient sans doute pas inutiles quand elles étaient illustrées avec talent et pédagogie... puisque l'enfant que j'étais a conservé en lui ce récit de Romain Gary.

 

Vous espérant de belles lectures,
Bien courtoisement

JC Togrège
 

21/11/2011

samedi 16 décembre 2017

CINEMA /// COCO : Une réussite pour les petits et les grands !

COCO
DE LEE UNKRICH ET ADRIAN MOLINA




Si je voulais la faire "faux intello", je dirai doctement que nous avons visionné un film d'animation à l'esthétique exceptionnelle.

Si je voulais un alibi, je pourrais dire que nous avons emmené notre petit-fils voir un dessin animé, mais ce serait mentir car nous y sommes allés en couple.

La vérité, c'est que nous avons eu une belle émotion cinématographique avec "Coco, film intergénérationnel des studios Disney Pixar.







Miguel est un petit garçon qui rêve de devenir un grand guitariste dans une famille où la musique est honnie et bannie (bref, vous imaginez, l'horreur absolue !). Lors de la fête des morts au Mexique (El dia de los Muertos), Miguel se retrouve vivant au pays des morts.

Ce film est riche en couleurs, en inventions visuelles, en musique, en rythme, le tout avec un scénario très original qui connaît un vrai rebondissement. Il faut du talent pour parler de choses pas faciles comme la mort et la mémoire familiale, surtout lorsqu'une grande partie du public est composée d'enfants.

Ce film, c'est aussi la célébration de la Musique, la place qu'elle prend dans la vie !

La réussite, c'est que ce n'est ni mièvre ni superficiel, chacun (grands et petits) pouvant y trouver son plaisir, son axe de réflexion, son émotion. Et si la véritable mort, c'était lorsque plus personne ne pensait à vous ?

Il fut curieux de voir cette épidémie de "poussière dans l'œil" sans considération d'âge...

Je dirai quand même que ce "Coco" me semble difficile d'accès pour les tout petits (moins de 5 ans) et les " grincheux jamais contents". Pour tous les autres, je le recommande ardemment.

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
16/12/2017








mercredi 13 décembre 2017

LIVRE /// SORTIRAI-JE INDEMNE DE PROUST ?

SORTIRAI-JE INDEMNE DE PROUST ?


Contrairement à ce que j'avais pensé, l'année 2017 ne me suffira pas pour la lecture des 7 romans qui composent "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust.

Novembre et décembre m'ont permis de m'immerger dans les 5ème et 6ème romans qui sont deux aspects de l'histoire d'amour du narrateur pour Albertine : "La Prisonnière" et "Albertine disparue"

Dans le premier, Marcel Proust se livre à un décorticage scrupuleux du sentiment de jalousie, le mal que peut se faire le narrateur à imaginer des infidélités, des préférences d'Albertine, et du mal qu'il cause aussi à celle-ci, d'où ce titre de "Prisonnière. Quant à l'autre pendant de l'histoire, il s'agit de la perte de cet amour possessif et du temps nécessaire à son effacement.

Et bien sûr, il y est encore question du temps, de la mémoire, de l'oubli, de la mort, enfin de tous les grands thèmes de Proust.

Mais, mon interrogation est d'un tout autre ordre !

Après un tel chef d'œuvre d'écriture, de réflexions, d'analyses, que vais-je pouvoir lire ?
Ne vais-je pas trouver que tout autre style est fade, qu'il y manque de la profondeur ?
Une fois les sommets côtoyés, comment reprendre une vie de lecteur normal ?

En somme sortirai-je indemne de Proust ?

Il me semble qu'il y a des auteurs hors norme qui changent le lecteur en lui ouvrant des horizons inattendus, qui le rendent plus exigeants. Leur fréquentation nous fait nous sentir plus intelligents, ils nous aident à mieux comprendre le monde.

Certes j'exagère, je le sais bien !

La littérature est riche, multiple et nul doute que je continuerai à vibrer, à m'enthousiasmer et que mon appétit de lecture demeurera insatiable. Et puis, si besoin, les poètes m'aideront dans cette transition.

Vous l'avez compris, l'œuvre de Proust restera comme l'un de mes événements marquants de 2017.

Extrait :

"On dit quelquefois qu'il peut subsister quelque chose d'un être après sa mort, si cet être était un artiste et mit un peu de soi dans son œuvre. C'est peut-être de la même manière qu'une sorte de bouture prélevée sur un être, et greffée au cœur d'un autre, continue à y poursuivre sa vie même quand l'être d'où elle avait été détachée a péri."

Bonnes et belles lectures !

JC Togrège
13/12/2017





samedi 9 décembre 2017

CHANSON /// JULIETTE : Un très beau spectacle à Charleville !

JULIETTE
"J'AIME PAS LA CHANSON"




Cela faisait des années que nous voulions voir sur scène Juliette, cette chanteuse pas comme les autres.

Nous y avons mis le temps car  Juliette a déjà trente ans de carrière derrière elle, mais ça y est, nous avons assisté à son spectacle "J'aime pas la chanson" dans le beau théâtre de Charleville ce samedi.
 
Une si longue attente pour un grand ravissement, un rendez-vous qu'il ne fallait pas manquer duquel l'on ressort le regard pétillant avec l'impression d'être plus intelligent qu'en y entrant.





Si j'emploie le mot  "spectacle", c'est que c'est bien plus qu'un tour de chant. La mise en scène s'apparente à celle d'une pièce de théâtre. Juliette nous invite chez elle alors qu'elle reçoit des amis pour faire de la musique. Rien n'y manquera, pas plus le concierge que le voisin irrité par le bruit.

Quant aux chansons de Juliette, ce sont des pépites abordant des thèmes très diversifiés, inattendus et toujours sous un angle bien à elle. Ses chansons sont multi-facettes, parfois malicieuses, pleine d'humour, drôles (les bijoux de famille) parfois profondes et émouvantes ("Météo marine", l'exil avec "Aller sans retour") et toujours très bien écrites. Les mélodies qui en forment l'écrin sont toutes aussi diverses.

Car Juliette aime les mots ! Elle s'en délecte pour notre plus grand plaisir. Sa diction étant parfaite, nous pouvons en apprécier toute la saveur.

Dans ce spectacle, elle était au piano et entourée de 4 musiciens multi-instrumentistes nous permettant d'entendre des sonorités éclectiques (accordéon, flûte, contrebasse, trombone, clarinette, sousaphone,trompette et de nombreuses percussions)

Pour qui en douterait, la chanson française, bien que si peu médiatisée, n'est par morte. Nous en eûmes la preuve brillante ce samedi.


album devant paraître en février 2018


Musicalement vôtre

JC Togrège

mercredi 29 novembre 2017

SCENE DE VIE : ECROULEMENT DE PAL ! ça devait arriver...

ECROULEMENT DE PAL
"ça devait arriver !"




 

Tout  lecteur connait un jour ce phénomène intempestif de l'écroulement de PAL (Pile à lire) !

A force d'entasser livres sur livres, d'y glisser des revues à reprendre un jour, comme me l'a dit mon épouse  "ça devait arriver " et cela s'est produit au mauvais moment évidemment.

Il a suffi de peu de choses, un énième livre même pas très gros posé négligemment et l'un des pieds de la travailleuse de couture servant à cette PAL a cédé.

Patatras !

Il ne restait plus qu'à tout ramasser...






De facto, ce fut aussi le moment de trier ! Alors, j'y ai vu deux romans de Yasmina Khadra (sans doute lié à l'effet du dernier que j'avais lu et pas trop aimé, d'où ce purgatoire ?), certains encore sous cellophane (tel un Jean-Paul Dubois), un Stephen King commencé pour un tiers depuis au moins 6 mois (celui sur l'assassinat de Kennedy - essoufflement de lecture ?), un Gide (Les nourritures terrestres, pas facile), les lettres de Mme de Sévigné (acheté récemment et un effet direct de la lecture de Proust, s'agissant d'un des livres préférés de la grand-mère du narrateur), un gros pavé de Matthieu Ricard (le début m'avait fortement intéressé, à reprendre au plus vite) mais je ne vais pas vous les lister tous, cela deviendrait soporifique. 

D'autres n'avaient plus leur place sur  une PAL et ont rejoint la bibliothèque. Quant aux revues, ce fut le moment de les ranger.

Une fois ce tri fait, il restait le problème du support de la PAL puisque l'un des pieds était endommagé. Et là, pour ceux qui connaissent mes dons de bricoleur, nous entrions dans une phase fort hasardeuse et délicate..

Je voulus d'abord voulu utiliser une colle à bois, de celle dont on nous assure une prise facile et très rapide... qui ne prit jamais et n'eut comme effet de me maculer les doigts.

Je songeai alors à clouer le tout, mais encore fallait-il trouver un marteau et un clou ? Certes, il y en a dans la maison mais de là à les débusquer c'était autre chose. Bon, après des recherches, je dénichai au garage un marteau et un clou rouillé... Armé de mes deux "mains gauches", je tentai de clouer ce pied récalcitrant mais constatai rapidement que le bois était en train de se fendiller. Mon habileté manuelle était de nouveau prise en défaut et ce n'est pas l'envie qui me manquait de tout envoyer valser ! Je n'osai imaginer le sourire narquois qu'aurait pu avoir mon père ébéniste à la vue de mes lamentables tentatives...

Ce n'est pas que je veuille me défendre mais je fais partie de cette catégorie de personnes persécutées par les objets ! Quoi que je fasse leur volonté s'oppose à la mienne...

Finalement, je recourus à un expédient basique quoique peu esthétique, un gros élastique. Alors cela tiendra ce que ça tiendra, mais le support PAL était de nouveau opérationnel, à condition d'en réduire le poids.

Pas si facile que cela la vie de lecteur !




la PAL réduite de 2/3


Bonnes et belles lectures

JC Togrège
29/11/2017

samedi 25 novembre 2017

LIVRE /// PROUST FAIT-IL PEUR ?

LA PRISONNIERE
MARCEL PROUST



Proust fait-il peur ?
Drôle de question, non ?




Si je commence par cette interrogation quelque peu provocatrice, c'est parce que j'ai remarqué que mes chroniques sur "Proust" étaient parmi les moins lues de mon blog.

Alors que j'arrive presque au bout de mon voyage dans "La recherche du temps perdu" avec ce 5ème roman paru de façon posthume (La Prisonnière - éditée en 1923 alors que Marcel Proust est mort en 1922),  j'aimerais vous dire comme ce fut un beau voyage. Un voyage commencé en novembre 2016 avec encore deux escales en vue : "Albertine disparue" que je viens de commencer et "Le temps retrouvé".


Certes, l'on est loin d'une partie des publications actuelles où il y a des rebondissements à chaque page, où tout est aseptisé (peu de descriptions, des phrases courtes, un vocabulaire réduit) de peur que le lecteur ne décroche, ne "zappe".

Chez Proust d'abord, il y a une maîtrise absolue de la langue et une grande beauté de l'écriture qu'il ne faut pas réduire à ses longues phrases où l'on peut se perdre. Il faut simplement réapprendre à lire lentement, accepter de revenir en arrière, et croyez-moi cela reste abordable à tous. Je vais dire une évidence mais lire demande un petit effort dont on est largement récompensé. Ah oui, je sais que le mot "effort" est maintenant perçu comme négatif, ce qui est une absurdité en soi.

Quant on commence une lecture de Proust, il faut s'attendre à des digressions (cela permet à l'auteur de nous parler de la Vie) et à une analyse des sentiments sur maintes et maintes pages. Rien n'est survolé, tout est décortiqué, l'on suit les méandres de la pensée du narrateur. Pour qui n'aime que l'action, je comprends que cela puisse dérouter.

Pour être franc, il est vrai qu'il est nécessaire de disposer de temps pour s'y consacrer et avoir l'esprit dispos. Si j'ai mis 20 ans pour le lire (j'ai acheté l'œuvre en 1989), ce n'est pas pour rien !

Ne croyez pas non plus que ce soit un pensum d'ennui et de sérieux ! L'humour y est largement présent, le déceler devient un délice. Entendons-nous, je ne parle pas des grosses blagues bien graveleuses et faciles si en vogue actuellement mais d'un humour subtil, d'une mise en ridicule de certains personnages. D'ailleurs un livre et un spectacle furent consacrés à l'humour dans l'œuvre de Proust.

Et puis quel plaisir de devenir un familier de "la sonate de Vinteuil", de Mme Verdurin (son salon abominable de préjugés bourgeois), de la "Petite Madeleine, de Swann, d'Odette (la Cocote parvenue), d'Albertine, de Françoise et bien sûr du narrateur (mondain oisif vivant de sa fortune,remettant sans cesse son envie d'écriture, amoureux si exigeant et compliqué).

Enfin, cela témoigne aussi d'une époque disparue (fin XIXème siècle - début XXème siècle) et de cet art des grands romanciers de nous plonger dans un autre monde que le nôtre.

Après un si long préambule, venons-en au thème de "La Prisonnière" qui est celui de l'amour exclusif et de la jalousie. La prisonnière c'est Albertine ! Elle demeurera quelques mois chez notre narrateur qui voudra tout connaître de ses faits et gestes avec cette obsession de savoir si Albertine est également attirée par les femmes.

Extrait : "Combien je souffrais de cette position où nous a réduits l'oubli de la nature qui, en instituant la division des corps, n'a pas songé à rendre possible l'interpénétration des âmes ! Et je me rendais compte qu'Albertine n'était pas même pour moi (car son corps était au pouvoir du mien, sa pensée échappait aux prises de ma pensée) la merveilleuse captive dont j'avais cru enrichir ma demeure, tout en y cachant aussi parfaitement sa présence, même à ceux qui venaient me voir et qui ne la soupçonnaient pas au bout du couloir dans la chambre voisine, que ce personnage dont le monde ignorait qu'il tenait enfermée dans une bouteille la Princesse de la Chine ; m'invitant sous une forme pressante, cruelle et sans issue, à la recherche du passé, elle était plutôt comme une grande déesse du Temps."

Bonne et belle lecture

JC Togrège
25/11/2017







mardi 14 novembre 2017

VIVE SAINTE CECILE ! : Une belle tradition à perpétuer

VIVE SAINTE CÉCILE !



Tout musicien, croyant ou non, connaît cette date du 22 novembre où l'on célèbre Sainte Cécile, patronne des musiciens. Il est Inutile de préciser que, les week-end limitrophes de cette date, les instrumentistes sont accaparés par leur passion, soit en ponctuant la messe de morceaux de musique, soit lors de concerts laïcs.

Quelqu'en soit la forme, c'est la "grand-messe" pour les musiciens !


Après la musique, vient le moment de se retrouver tous ensemble autour d'un apéritif ou d'un repas. Eh oui, car le plaisir de jouer ensemble, c'est associer les mots Musicalité, Convivialité et Amitié.



Il y a quelques années, nous avions retrouvé dans "les malles du passé" une vieille partition sur un papier jauni intitulée "Vive Sainte  Cécile " de Paul Dupuy, un canon à deux voix égales. En exergue, il y était porté la remarque suivante : Pour une fin de séance, ou banquet, en l'honneur de Sainte Cécile".

Ce n'est pas qu'il s'agisse d'une œuvre impérissable, la mélodie est facile, les paroles simples mais c'est révélateur d'une époque où des banquets accompagnaient très souvent cette célébration et où l'on chantait.


Je n'ai aucune précision sur  ce compositeur ni sur la date de cette chanson (années 1910/1920 ou après-guerre ?) ne possédant qu'une page de la partition sans date d'édition.

En voici le 1er couplet et le refrain :

" Pour la Sainte Cécile,
En campagne comme en ville,
Tout musicien jubile
Car le plus inhabile
Sans se faire de bile
Peut chanter ce cœur facile


Vive Sainte Cécile
Vive Sainte Cécile"


Y eut-il d'autres couplets ?

Comme l'écrivait si bien Marcel Proust dans " La Prisonnière", la musique c'est une forme de communication :

Extrait " ... Des personnes plus agréables causèrent un moment avec moi. Mais qu'étaient leurs paroles, qui, comme toute parole humaine extérieure, me laissaient si indifférent, à côté de la céleste phrase musicale avec laquelle je venais de m'entretenir ? J'étais vraiment comme un ange qui, déchu des ivresses du Paradis, tombe dans la plus insignifiante réalité. Et de même que certains êtres sont les derniers témoins d'une forme de vie que la nature a abandonnée, je me demandais si la Musique n'était pas l'exemple unique de ce qu'aurait pu être - s'il n'y avait pas eu l'invention du langage, la formation des mots, l'analyse des idées - la communication des âmes."

Puisse cette tradition de fêter ensemble l'amour de la Musique se perpétuer encore très longtemps au sein des Harmonies, Orchestres et Fanfares !

Puissions-nous, musiciens et mélomanes, continuer à faire vibrer notre âme toute la vie grâce à la Musique !

Vive Sainte  Cécile !



J-C Togrège
12/11/2017
(ajouts des photos 22/11/2020 et 20/11/2023)


mercredi 8 novembre 2017

CINE /// LE SENS DE LA FETE : une comédie divertissante de qualité !

LE SENS DE LA FETE
DE ERIC TOLEDANO ET OLIVIER NAKACHE
 

Avec Jean-Pierre Bacri, Gilles Lelouche, Eye Haidara, Jean-Paul Rouve, Vincent Macaigne




Disons-le tout de suite, si vous cherchez un divertissement de qualité au cinéma, "Le sens de la fête" ne pourra que vous ravir.

C'est rythmé, les dialogues sont bons et percutants, les personnages haut en couleur et intéressants, le scénario va crescendo et le rire n'est pas vulgaire (contrairement à nombre de comédies made in France, oui je sais, je l'ai déjà dit mais ça continue à être produit...)

Et puis, si vous aimez Jean-Pierre Bacri en bougon attachant, vous verrez comme ce rôle est fait pour lui et comme il y excelle.




Max, incarné par Jean-Pierre Bacri, est traiteur/organisateur de soirées. Il sait faire mais ce mariage friqué qu'il a en charge va être pour lui une descente en enfer.

 Rien ne va se passer comme cela devrait. Son équipe se dispute, commet des impairs et c'est sans compter sur une recrue de dernière minute qui n'a jamais exercé ce métier. Et puis, il a face à lui un marié complétement "improbable", cela pour le bonheur du scénario qui peut partir haut les cieux. 

Outre Jean-Pierre Bacri, tous les acteurs sont bons et sonnent "juste" tout au long de cette longue journée de mariage.

Je suis obligé de préciser qu'un déroulement heureux sera en partie le fait d'un flûtiste, et tant pis si cela fait dans l'égocentrisme musical.

Et si vous hésitez encore, sachez que ces deux réalisateurs sont ceux qui ont fait "Intouchables".

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
08/11/2017

mardi 7 novembre 2017

14/18 /// NETTOYEUR DE TRANCHEES - JC TOGREGE -

NETTOYEUR DE TRANCHEES A VIE
JC TOGREGE

 


 
La première vague, après avoir franchi la première
ligne ennemie, nettoie à fond le terrain conquis,
fouille les boyaux et les cheminements
 


2 heures du matin, et encore une fois ce réveil prématuré, en sueur et les yeux hagards, le cœur qui  cogne dans la poitrine après ce même cauchemar !
 
 
 

 


Il faut quelques longues minutes douloureuses à Paul pour revenir à lui,  que son rythme cardiaque reprenne sa mesure et qu’il puisse identifier  son lit, l’armoire, le guéridon et son épouse Georgette couchée à ses côtés.  Elle dort paisiblement, habituée maintenant à ce que l’obscurité ne soit pas totale. Il prend le verre d’eau posé sur la table de nuit pour humecter ses lèvres sèches, rafraichir sa gorge. Il sait que l’endormissement sera long à revenir mais il est chez lui et non là-bas.
 
Il  avait essayé de dormir volet tout à fait clos mais il se réveillait alors hurlant et gesticulant, se croyant de nouveau dans l’horreur de la guerre. Il dérangeait toute la maisonnée, ses cris broyant le silence de la nuit. Au moins maintenant, le retour à la réalité était facilité par un rai de clarté de lune. Il reprenait conscience un peu  plus rapidement de l’endroit où il se trouvait.

Vingt ans ont passé depuis son retour mais rien n’y fait. Il ne peut pas oublier ce rôle d’assassin qu’on lui fit endosser, qu’on lui imposa, celui de nettoyeur de tranchées.


Nettoyeur de tranchées , comment pourrait-il en parler ? Cela ne fait pas partie des faits glorieux dont se vantent les anciens combattants telles les montées au front . Ce ne fut jamais tout à fait officiel dans les états-majors, cela ne colle pas avec l’image de la « Grande Guerre », alors l’on n’en dit mot, ça reste en soi comme une honte, un péché impardonnable. Comment les autres pourraient ils comprendre ? Et comment le regarderaient-ils ensuite ?  Non, il valait mieux garder le silence.

Et pourtant, une fois qu’une tranchée avait été prise à l’ennemi, c’est bien eux, les nettoyeurs de tranchées, qu’on envoyait faire le sale boulot, tuer tout ce qui était encore vivant, à coup de grenades lancées dans les boyaux, de pistolet puis au couteau à grande lame. Certains utilisaient même une pelle bien aiguisée car elle tranchait net et ne restait pas bloquée dans la chair. Il fallait agir vite afin qu’il ne restât personne pour tirer dans le dos des copains qui devaient continuer leur avancée.

Pour ne pas devenir fou, il avait vite compris qu’il ne fallait surtout pas regarder les yeux. Eviter le regard des blessés qu’il allait achever, ce regard affolé de celui qui comprend que sa vie à peine commencée va lui être volée , que c’en est fini, qu’il n’y aura pas de pitié, qu’il n’y aura que la violence du coup, une déchirure, et puis plus rien !

Il n’avait pu empêcher que certains regards ne pénètrent subrepticement dans ses yeux et n’y demeurent à jamais, sentinelles toujours en veille. Ce sont ces regards qui surgissaient la nuit pour tourmenter sa conscience, toutes les nuits et cela jusqu’à sa dernière.

 Il les comprenait si bien. Ce n’était pas cela être soldat, là c’était être bourreau, assassin. Refuser aurait valu d’être passé par les armes pour refus d’obéissance face à l’ennemi, alors pour rester en vie encore un peu il avait obtempéré.
 
fusée éclairante au-dessus des tranchées
 

Il se souvenait encore de cette permission de fin 1915, six jours obtenus au bout de cinq mois au front, le retour auprès de la famille qu’il fallait rassurer et puis ce vendredi où il avait voulu fuir pour ne pas y retourner. Il avait alors tout lâché à sa mère sur l’ignominie du combat et surtout sur sa sale besogne. Il ne voulait plus tuer, lacérer les corps, il ne prendrait pas ce train, il fuirait plutôt ou resterait tapi n’importe où.

 La Maria, sa mère, avait reçu le choc de sa déclaration, mais avait tenu bon face à son fils. Ne pas prendre le train du retour, c’était déserter, c’était l’arrestation par les gendarmes et être fusillé. La nation était alors inflexible et ne rechignait pas à faire des exemples.

S’il y avait une petite chance, une toute petite chance, pour que son Paul restât vivant, il fallait la tenter. Elle l’avait laissé crier, dire l’indicible, l’horreur, le sang, les corps explosés, les râles.  Elle avait vu ses deux grosses larmes d’homme qui avaient coulé lentement sur ses joues, compris sa détresse. Elle lui avait pris la main, lui avait parlé et parlé encore jusqu’à l’anesthésier pour qu’il renonçât à son projet de fuite.

Puis elle l’avait accompagné jusqu’au train, l’âme déchirée, toute en pleurs à l’intérieur. Qui sait si elle ne l’envoyait pas se faire tuer ! Elle l’avait même remis avec une autorité inflexible dans le train alors qu’il en était descendu, les yeux affolés...

 Depuis, il avait compris tout cela, cette souffrance et le courage qui avaient été celui de la Maria, petite femme forte de caractère qui lui avait sauvé la vie. Et pourtant dans le train, comme il l’avait maudite sa mère, celle qui le renvoyait vers les carnages, vers l’inhumain.

Et maintenant, cette vie, qu'elle était difficile à affronter avec tous ces morts qui le hantaient !

A tout jamais, il le savait, chaque nuit, il endosserait l’habit du nettoyeur de tranchées et en souffrirait, cela il le ressentait du plus profond de son être.
 
Une tranchée bouleversée au moyen de mines
et conquise à la baïonnette
 
Cette affliction perpétuelle qui surgissait la nuit, c'était le prix qu'il devrait payer pour avoir survécu aux tranchées. Cela, Paul l'avait su dès retour !

 

JC Togrège
"Moments de vie"
19/10/2017

PS : Ces photos sont extraites de "L'album de la Guerre" paru en 1932 à partir de clichés et dessins publiés par "L' Illustration" de 1914 à 1921. Deux grands livres de la bibliothèque de mon grand-père paternel également sortis des malles du passé.