vendredi 27 décembre 2019

RIEN N'EST NOIR : quand un roman méne à la peinture

RIEN N'EST NOIR
CLAIRE BREST




Quand un roman mène à la peinture, ou plutôt à la découverte de deux peintres mexicains que je connaissais pas du tout, à savoir Frida Kahlo et Diego Rivera !

Ce livre raconte leur histoire d'amour passionnelle, déchirante et compliquée dans une vie hors du commun dans le monde de l'art qui les mène à voyager.

C'est surtout la biographie d'une femme captivante, hors normes, qui apprend à peindre pendant une longue hospitalisation l'obligeant à demeurer alitée.

Quand Frida Khalo rencontre Diego Rivera en 1928, elle est une jeune femme au corps meurtri suite à un accident. Quant à Diego, c'est un homme d'une quarantaine d'année qui est une célébrité dans le monde de la peinture.



Malgré leurs difficultés à vivre ensemble, leurs tromperies, ils demeureront attachés, comme aimantés l'un à l'autre même quand ils se trouveront éloignés l'un de l'autre.

La romancière a eu la très bonne idée de donner une couleur à ses chapitres qu'elle décline tout au long des différentes parties. Nous commençons avec le bleu (bleu de cobalt, bleu d'acier, bleu roi etc) pour terminer par le noir (noir pur, noir d'encre etc.) en étant passé par le rouge et le jaune.


Extrait : " A son contact, la fête monte d'une octave, les insolences se réveillent, les grains de beauté brillent, les intrépidités endormies s'échauffent. Ça grésille. Sa seule présence annule l'érotisme flottant des beaux parleurs et des corps bien bâtis. Il capte et captive. Frida, en le fixant, songe à ces points lumineux, agaçant clignotements qui persistent à s'agiter devant l’œil, même paupières closes, quand des lumières agressives ont tant impressionné la rétine qu'elles perpétuent leur présence fantôme, à l'intérieur des yeux cillés. Par quelle grâce, l'aura du monstre suscite-t-elle ces poudroiements aphrodisiaques ? Parce qu'il est laid, Diego, d'une laideur franche et amusée d'elle-même. Une laideur gustative qui ouvre l'appétit; on a envie de mordre ce gros ventre, d'en avoir la gorge pleine, les dents sales, de lécher les doigts puissants, de passer la langue sur ses yeux trop prononcés, trop éloignés, sans couleur claire"

C'est un roman bien écrit qui nous décrit une passion amoureuse à laquelle l'on s'attache.

Et puis c'est un livre qui m'a amené à découvrir les œuvres de ces deux peintres !
Merci à la lecture qui nous ouvre l'horizon !


Bonnes fêtes de fin d'année en compagnie des livres...

J-C Togrège
27/12/2019


vendredi 20 décembre 2019

CINE /// HORS NORME : un film admirable !

HORS NORMES
DE ERIC TOLEDANO ET OLIVIER NAKACHE

avec Vincent Cassel, Reda Kateb, Hélène Vincent etc.


Admirable, c'est le mot qui me vient après avoir vu ce film !

Le silence palpable d'émotions à la fin de la séance en disait long sur l'impact de "Hors Normes" sur les spectateurs.

Admirables aussi tous les éducateurs qui quotidiennement accompagnent les personnes handicapées avec un dévouement qu'il faut saluer.

Quant à Vincent Cassel et Reda Kateb, ils sont excellents et totalement crédibles pendant les presque 2 heures du film.


Nous suivons le parcours de deux associations qui prennent en charge des personnes très lourdement touchées par l'autisme dont aucune structure ne veut. Les sortir de l'isolement, de l'enfermement, les socialiser, c'est cela leur credo !

Ces malades forment des binômes avec des référents qui sont des jeunes en situation d'insertion sociale, cela sous l’œil attentif des deux éducateurs.

Alors certes, d'un point de vue administratif, ces associations sont hors normes et pas toujours dans les clous, ce qui leur vaut des soucis avec les organismes de contrôle...

Je reviens à mon terme "admirable" car, avec un sujet social difficile, les deux réalisateurs ont fait également une oeuvre de cinéma comportant une véritable histoire, des personnages consistants auxquels l'on s'attache et une réalisation de qualité.

Nous ne tombons jamais dans le pathos et pourtant l'émotion est bien là, palpable avec ce qu'il faut d'humour pour alléger le sujet. Quand rire ou sourire il y a, ce n'est jamais de la moquerie à l'égard des malades.

J'y ai vu un film plein d'humanisme et d'espérance, un film contre l'immobilisme, un film de brassage social réussi, un film qui fait réfléchir, un film où tout individu a sa place dans la société même les "hors normes.



Cinéphilement vôtre

J-C Togrège




vendredi 13 décembre 2019

GONCOURT 2019 / Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon

TOUS LES HOMMES N'HABITENT 
PAS LE MONDE DE LA MÊME FAÇON

JEAN-PAUL DUBOIS



Avant d'entrer dans le récit, je vais d'abord m'arrêter sur le titre de ce livre, le trouvant particulièrement bien choisi et original, alors que chacun sait que c'est un exercice difficile.

Ne trouvez-pas qu'il sonne joliment, poétiquement ?

Ce titre fait s'interroger, voguer notre imagination avant même d'en avoir lu une seule page. Rien qu'en cela, je trouve que Jean-Paul Dubois est très fort.

Et puis, en y réfléchissant, il est vrai que nous n'habitons pas tous le monde de la même façon !




En exergue, il se trouve deux citations dont une de Rosalind Krauss qui me plait bien :

"Tout cela fait penser à la suite des jours à laquelle rien n'a donné forme ni direction, que rien n'habite ni n'anime et dans laquelle rien ne fait sens".

Je ne dirai rien de la seconde qui est de Charles Bukowski.

Mais arrivons enfin au sujet du livre.

Paul Hansen est en prison à Montréal depuis deux ans. Il nous fait le récit de sa vie carcérale dans la cellule qu'il partage avec un gros dur craint de tous (mais qui a un point faible très insolite) avec qui il s'entend bien. Ce récit sera entrecoupé des souvenirs de Paul des années 1950 jusqu'aux années 2000.

Paul est est l'enfant d'un couple hétéroclite composé d'un pasteur qui a perdu la foi et d'une femme féministe tenant un cinéma. Le couple connaitra des turbulences  dans les années 1970 quand l'épouse voudra y diffuser "Gorge profonde", au titre suffisamment explicite pour n'en rien dire de plus...

En paraphrasant François Busnel, j'ajouterai que je ne "divulgache" pas grand chose car le roman est composé de bien d'autres événements et de personnages intéressants tant par leurs singularités que par leurs faiblesses.

Jean-Paul Dubois a une belle plume qui sait être originale et profonde.
A peine a t-on lu quelques lignes de l'auteur que l'on saisit tout de suite l'évidence d'un style.


L'on y trouve aussi un humour subtil teinté d'humanité et de nostalgie.

Extrait : "En coupant le contact de la voiture garée tout près du quai Lombard, mon père passa sa main sur son visage et dit : "Quel drôle de voyage." Ma mère ouvrit la porte passager et regarda vers le fleuve. Étrangement, malgré l'heure et les impédimenta de ce voyage harassant, ni l'un ni l'autre ne semblait pressé de quitter cette voiture pour retrouver l'ordinaire de leurs vies, préférant prolonger encore un peu cette impression de complicité qui les avait unis tout au long de l'interminable trajet, se relayant derrière le volant pour parvenir ensemble à terminer une oeuvre commune, revenir au pied de leur appartement, dont chacun redoutait secrètement qu'un jour ou l'autre, la porte palière ne claque à nouveau."

Pour conclure, je dirai que le titre correspond bien à l'éthique du personnage principal...

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
13/12/2019
 





mercredi 4 décembre 2019

PARCE QU'ON A TOUS BESOIN D'HISTOIRES !

LA DISPARITION DE STEPHANIE MAILER
JOËL DICKER




Parce qu'on a tous besoin d'histoires, adultes et enfants !

Parce qu'on a tous besoin de raconteurs d'histoires, d'auteurs à l'imagination fertile, de ces livres qu'on ne lâche plus, qui nous emmènent loin de notre quotidien.

Parce qu'on a tous besoin de se distraire et que la lecture est à la portée de tous, quelque soit l'endroit où l'on se trouve.




Si j'énonce ceci, c'est qu'en lisant le manifeste en faveur de la littérature jeunesse et ses 14 propositions, je me faisais la réflexion que nombre d'entre elles pouvaient s'appliquer également aux lecteurs adultes. Jugez-en par vous-mêmes !

- Parce qu'on a besoin de l'autre dès la naissance
- Parce que nous cherchons des réponses
- Parce qu'on est en quête de sens
- Parce qu'on a besoin de symboles forts
- Parce qu'on besoin de miroirs
- Pour mettre des mots sur nos émotions
- Pour découvrir le sentiment de liberté
- Pour être moins seul
- Pour le bonheur de prendre des risques
- Pour tisser des liens sociaux
- Par nécessité de transmission
- Pour la musique des histoires écrites
- Pour développer notre imaginaire
- Pour s'émerveiller

 Mais, je ne vous ai encore rien dit du dernier roman de Joël Dicker, si ce n'est que vous aurez compris que c'est un récit addictif.

Début 2014, alors que Jesse Rosenberg, surnommé Capitaine 100% pour le succès de ses enquêtes, s'apprête à quitter la police, survient Stéphanie Mailer. Elle lui affirme qu'il s'est trompé de coupable, 20 ans plus tôt et qu'elle lui en révélera davantage prochainement. 

Malheureusement, sans rien dévoiler puisque c'est dans le titre, elle va disparaître...

Rosenberg, en compagnie de Derek Scott, son équipier de l'époque, va se replonger dans ce fait divers sanglant de 1994 qui avait coûté la vie au maire, sa famille et à une passante.

Le roman de 800 pages comprend de nombreux personnages, des retours en arrière, des changements de narrateur et nombre de rebondissements.  Comme dans ses romans précédents, il y a sera également sujet d'écriture.

Pour qui aime les histoires, c'est parfait.

Une fois plongé dans ce livre, vous n'entendrez plus rien autour de vous !



Extrait :

"Elle haussa les épaules, fit mine de partir. J'étais certain qu'elle bluffait et, effectivement, elles s'arrêta après quelques pas et se tourna vers moi :
- La réponse était juste sous vos yeux, capitaine Rosenberg. Vous ne l'avez simplement pas vue.
J'étais à la fois intrigué et agacé.
- Je ne suis pas sûr de vous suivre, Stéphanie.
Elle leva alors sa main et la plaça à hauteur de mes yeux.
- Que voyez-vous, capitaine ?
- Votre main.
- Je vous montrais mes doigts, corrigea-t-elle.
- Mais moi je vois votre main, rétorquai-je sans comprendre.
- C'est bien le problème, me dit-elle. Vous avez vu ce que vous vouliez voir, et non pas ce que l'on vous montrait. C'est ce que vous avez raté il y a vingt ans."

 Bonnes et belles lectures.

J-C Togrège
04/12/2019

mercredi 20 novembre 2019

LIVRE /// LOIN : un roman d'aventures comme on n'en fait plus guère!

LOIN
ALEXIS MICHALIK




En exergue, se trouvent ces mots de Charles Baudelaire :

 " Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, l'univers est égal à son vaste appétit."

Avec ce livre, nous embarquons pour un grand roman d'aventures de 640 pages. Si je parle d'embarcation, c'est que nous y voyageons beaucoup.

Partant de Paris, nous irons en Autriche, en Allemagne, en Russie, en Arménie, en Turquie pour ne citer que quelques pays.

Voyager pour voyager, avoir un horizon plus large pour au final se trouver soi-même, voilà ce qui arrive aux principaux personnages : Antoine, Anna et Laurent.



Tout cela commence par une carte postale arrivée avec 17 ans de retard sur laquelle il est écrit : "Je pense à vous, je vous aime".

Ces mots sont ceux d'un père ayant quitté sa famille du jour au lendemain sans rien dire, il y a 20 ans.

Ils vont déclencher chez Antoine (le fils) un désir de quête l'amenant à faire une parenthèse dans sa vie bien sage pour se lancer à la recherche de ce père disparu. Laurent, son meilleur ami et sa sœur Anna vont l'accompagner dans son projet.

Leurs aventures rocambolesques vont se succéder à travers le monde avec une folle inventivité. Sans cesse, un rebondissement, une nouvelle piste nous tiennent en haleine. Les dialogues bien menés y sont largement pour quelque chose, ce qui est normal pour le dramaturge qu'est Alexis Michalik.

Une fois le livre refermé, l'on se dit que tout de même que ce fut parfois un peu "gros". Et pourtant, l'on a marché, l'on y a cru, tant le récit est addictif. Même si j'ai perçu un petit ralentissement à la moitié du livre en raison de digressions historiques par ailleurs intéressantes, il faut reconnaître que des romans d'aventure comme celui-ci on n'en fait plus guère.

De même, le portrait à charge d'Antoine sur son côté "trop guindé, coincé" m'a laissé un peu songeur. Sa sœur, largement extravagante mais décrite de façon plus sympathique, se moque de lui. Allons donc, il ne trompe pas sa fiancée, ne fume pas d'herbe, ne se saoule pas... Ce serait donc des signes de ringardise selon le narrateur, voire l'auteur ?

Hormis ces quelques réserves, ce roman m'a fait passer un excellent moment en rognant sur mes nuits...

Extrait : "Ami lecteur, avant de pénétrer dans les méandres du récit, je voudrais te poser une
 question : Qui es-tu ?  
Je voudrais que tu réfléchisses un instant à ce qui fait que tu es toi.
Il n'y a pas l'ombre d'un mouvement sectaire derrière cette entrée en matière, il n'y a pas de paroisse, pas de salut, pas d'enfer. Tout juste des questions, car les questions sont la vie même. Tant qu'il existera quelqu'un pour questionner, et pour se questionner, l'humanité vivra, avancera, reculera, s'effondrera, renaîtra de ses cendres.
Donc, qui es-tu ? 


Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
20/11/2019








mercredi 13 novembre 2019

LA MAIN DIABOLIQUE

LA MAIN DIABOLIQUE



J'aime quand un roman me mène à poursuivre le thème abordé par des recherches connexes.

Cela peut être sur le net, dans des livres, dictionnaires, d'autres romans, voire des films.

Ce fut le cas avec "Hantise" où Virginie Lauby aborde le thème de la main diabolique qui agit indépendamment du corps auquel elle est reliée.

L'autrice précise qu'elle a écrit cette histoire en souvenir d'un film qu'elle a vu par le passé et dont il lui reste quelques souvenirs.

Dans "Hantise", un musicien à succès a un grave accident de circulation. Un chirurgien lui greffe alors une nouvelle main ... Je n'en dirai pas plus, si ce n'est pour dire que le sujet est habillement renouvelé, bien écrit et les personnages attachants.

Et puis, l'histoire est associée à une musique composée spécialement pour le livre que l'on peut écouter sur le site de Virginie Lauby. C'est une démarche très originale, comme la bande-son d'un film.

Extrait : "Je la lève jusqu'à hauteur de mes yeux. Le bandage ne recouvre que mon poignet, laissant mon pouce et mes phalanges à l'air libre. La peau est rosée. Un fin duvet blond la recouvre, légèrement plus foncé que mes cheveux. Au moins, ils ne se sont pas plantés de couleur. Je place ma main gauche à côté d'elle. Elles n'ont pas la même longueur ! Je la retourne et étudie attentivement sa paume. Les lignes font des sillons plus creusés. Je ne peux m'empêcher de reconnaître la ligne de vie. Elle est courte. Mais ce n'est pas la mienne. Je réalise seulement qu'il a fallu un mort pour que je sois encore entier. (...)

Ce livre m'a amené à relire ensuite une nouvelle de Maupassant ("La main d'écorché") et à regarder le film "les mains d'Orlac" du réalisateur Edmond T Greville.

Comme vous le voyez, cette histoire m'a "hanté"... 

Alors si vous connaissez des auteurs ayant aussi abordé ce thème, n'hésitez pas à me le faire savoir...

Bonnes et belles lectures !

J-C Togrège
13/11/2019 


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Complément du 15/12/2019




 Une lectrice m'a recommandé "la quatrième main" de John Irving qui explore aussi avec la truculence et l'humour de l'auteur, ce thème de la main greffée qui conserve une mémoire de sa vie passée, y compris dans le domaine amoureux...


Ici, la veuve du donneur demande un droit de visite comme condition sine qua non à la greffe de la main venant de son mari...
  




Extrait : - Elle veut seulement la voir, j'imagine avait répété Patrick. (Sur ce, il s'était fait un silence déconcerté.) Pas la toucher, j'espère.
Elle ne veut pas qu'on se tienne par la main, tout de même ?
- Personne n'aura le droit de la toucher, cette main pendant une période considérable après l'opération, répondit Zajac, rassurant.
-Mais qu'est-ce qu'elle entend par là, au juste, une seule visite, deux ? Pendant un an ? 
Zajac haussa les épaules.
-Indéfiniment - voilà ses conditions."

Cette greffe changera la vie de ce Patrick Wallingford, grand séducteur et journaliste peu scrupuleux exploitant les faits divers à la télé.

Merci à Nathalie pour ce roman !

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Complément du 27/12/2019



Je poursuis et complète cette chronique avec un film qui me fut conseillé par une lectrice : J'ai perdu mon corps" de Jérémy Clapin.

Je ne savais pas ce que j'allais voir hormis ce thème de la main animée.

Eh bien, c'est une merveille, une pépite du film d'animation et cocorico car c'est français !




Il y a de l'originalité, du fantastique, du réalisme, de la poésie, un graphisme très réussi, des dialogues et une musique de qualité.  Vous comprendrez que je suis totalement tombé sous le charme de ce film.

Il y a deux histoires dans  le récit, d'abord celle fantastique d'une main sectionnée qui recherche son corps ce qui l'amène à affronter le monde.  Les déplacements de la main sont très réalistes...

Et puis, l'on suit l'histoire de Naoufel et de Gabrielle.
Je dirai simplement que le garçon est tombé amoureux de la voix de la jeune fille (sans l'avoir vue) et qu'il fera tout ce qu'il peut pour se rapprocher d'elle. Cette partie est très tendre et délicate.

Une vraie réussite !

Merci à Chantal !

Remarque à Nathalie : Le roman préféré de Gabrielle est "Le monde selon Garp" de John Irving.


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Complément de juin 2020

Nous avons complété ce thème en regardant le film de 1943 "la main du diable" de Maurice Tourneur avec Pierre Fresnay qui est très convainquant dans le film. 

Une ambiance fantastique sur ce thème de l'homme qui vent son âme au diable en échange de la réussite. 

Un récit bien mené, de bons acteurs, et l'ambiance des vieux films !















samedi 9 novembre 2019

LES ROMANS POLICIERS DE YASMINA KHADRA


LES ROMANS POLICIERS DE YASMINA KHADRA



Il y a certains auteurs dont il est préférable d'espacer la lecture de leurs romans, tant l'on y retrouve la même trame, la même construction, voire les mêmes artifices. Ce n'est pas que ce soit mauvais en soi car cela peut nous faire passer de bons moments de temps à autre, et comme vous le savez, un bon plaisir de lecture, ça ne se refuse pas.

Certains de ces auteurs sont régulièrement en tête de vente...


Et puis, d'autres auteurs plus exigeants se renouvellent, abordent des sujets différents, explorent d'autres formats d'écriture et de récit.

C'est le cas de Yasmina Khadra dont les thèmes sont très éclectiques et parfois très inattendus.

Il s'est rendu célèbre avec sa trilogie sur l'affrontement Orient/Occident, a écrit un très beau roman d'amour ("Ce que le jour doit à la nuit"), s'est glissé dans la peau de Kadhafi pour décrire ses derniers jours, puis dans celle d'un terroriste (Kahlil). Et puis, il écrit aussi des romans policiers, c'est d'ailleurs ainsi qu'il a commencé sa carrière d'écrivain.


"L'outrage fait à Sarah Ikker" est sa dernière publication. Il s'agit d'une enquête menée suite au viol de la femme d'un lieutenant de police. J'ai été surpris par un retournement de situation que je n'avais pas vu venir...
Outre la qualité de l'histoire, c'est aussi le moyen de parler du statut des femmes au Maroc dans le couple et dans la société.



Cela m'a donné envie de lire un autre de ces romans policiers : Qu'attendent les singes ?

La commissaire Nora Bilal mène l'enquête sur le meurtre d'une jeune étudiante et cela va la mener jusqu'aux élites algériennes qui se considèrent au dessus du commun des mortels.

Cela ne sera pas sans danger...

A travers ce récit se dessine le portrait d'un pouvoir corrompu et cynique.


Extrait : "Il y a ceux qui font d'une lueur une torche et d'un flambeau un soleil et qui louent une vie entière celui qui les honore un soir; et ceux qui crient au feu dès qu'ils voient un soupçon de lumière au bout de leur tunnel, tirant vers le bas toute main qui se tend vers eux.
En Algérie, on appelle cette dernière catégorie : les Béni Kelboun.
Génétiquement néfastes, les Béni Kelboun disposent de leur propre trinité :
Ils mentent par nature,
trichent par principe

et
nuisent par vocation.
Ceci est leur histoire."

Yasmina Khadra, réputé pour son style poétique et littéraire, a une écriture plus âpre dans ses romans policiers. L'on y trouve moins de métaphores et de "belles phrases". Le style se fait plus percutant, plus adapté à un récit d'enquête.

Un auteur à multi facettes dont on ne se lasse pas.

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
09/11/2019

jeudi 31 octobre 2019

LIVRE /// CADAVRE EXQUIS : un livre horrible, dérangeant et prenant !

CADAVRE EXQUIS
D'AGUSTINA BAZTERRICA


Une fois ce livre plein d'horreur et dérangeant commencé, j'en fus comme captif !

Nous sommes dans un monde où les animaux n'existent quasiment plus, suite à un virus qui les a contaminés.

Pour continuer à consommer de la viande, les hommes ont alors l'idée de créer une sous-espèce humaine destinée à la consommation.

L'un des premières choses faites, c'est de les priver de la parole en leur coupant les cordes vocales(...ce qui existe d'ailleurs aujourd'hui dans certains laboratoires qui font de l'expérimentation sur les animaux !)

Le vocabulaire dans cette société a aussi son importance.  Ainsi l'on parlera de vente d'extrémité supérieure pour désigner les mains.


Nous suivons le parcours de Marco Tejos qui travaille dans un abattoir. C'est un homme qui a vécu des drames dans sa vie. Il a un travail bien rémunéré qui lui permet de vivre correctement. Cependant, il se pose tout de même des questions sur la façon dont ils traitent ces "têtes" (terme utilisé pour parler de ces humains consommés).

Il va lui être offert une "femelle d'élevage" qu'il va progressivement regarder sous un angle différent...


Bien sûr, l'on comprend bien le propos de l'écrivaine qui en remplaçant les animaux d'élevage par des "sous-humains" veut nous faire réfléchir sur nos rapports avec les espèces animales.

Et alors, rien ne nous est épargné sur la maltraitance et les conditions d'abattage, ce qui rend certaines scènes difficilement soutenables.

C'est aussi un moyen de montrer comment l'inacceptable peut devenir acceptable dans une société, comment le vocabulaire peut aider à cela...

Extrait :

"Chacun sait que, dans les maisons de retraite publiques, la plupart des vieux, lorsqu'ils meurent ou qu'on les laisse mourir, sont ensuite conduits au marché noir. C'est la viande la moins chère qu'on puisse trouver, parce qu'elle est sèche et malade, gavée de produits pharmaceutiques. De la viande avec un nom et un prénom. Dans certains cas, que ce soit dans les institutions publiques ou privées, les membres de la famille autorisent la vente du corps et paient leurs dettes grâce à cela."

Quant à la fin totalement inattendue, elle m'a complétement saisi d'effroi !

Pour conclure, voilà un 1er livre réussi pour cette romancière argentine, un livre qui ne s'oublie pas et pose des questions.

Bonne lecture !

J-C Togrège
31/10/2019


samedi 26 octobre 2019

LIVRE /// LE BAL DES FOLLES - Victoria MAS

LE BAL DES FOLLES
VICTORIA MAS



Ce roman place le cadre de son action à la fin du XIXème siècle à l'hôpital de la Salpêtrière où l'on enfermait alors les "folles". Un neurologue très célèbre, Jean-Martin Charcot, y fit des études sur malades en recourant à l'hypnose pour comprendre l'hystérie.

Le concept de folie, toujours difficile à cerner de nos jours, était très large à cette époque où tout comportement déviant car non conforme aux règles de la société pouvait y être assimilé.

Et puis, rappelons-nous que c'est le code Napoléon qui régit alors la situation juridique des femmes, les plaçant sous l'autorité du père ou du mari, à même de demander un placement.

Gare à celles qui ne rentraient pas dans le rang !


Victoria Mas nous fait fréquenter un certain nombre de femmes vivant dans cet hôpital : Louise, une jeune fille traumatisée suite à un viol, Eugénie qui communique avec les esprits, Thérèse une prostituée qui a jeté à l'eau son souteneur, autant de femmes considérées comme folles...

Un autre personnage féminin très intéressant est Geneviève, une intendante-infirmière totalement éblouie par la science du grand homme Charcot, qui peu à peu va avoir un regard différent sur les "aliénées".

Le titre est en rapport avec un bal qui était organisé chaque année pour assouvir les bas instincts des gens du monde. Ils pouvaient alors côtoyer au son de la musique ces folles qu'ils regardaient avec dénigrement et mépris. C'était pour eux un moment de fête, comme s'ils étaient dans un zoo.

L'écriture est fluide et agréable, le récit bien mené et passionnant au point que j'ai été tenté de regarder les dernières pages tant le devenir des personnages me passionnait. Heureusement, j'y ai résisté car cela m'aurait gâché la lecture !

Voilà un bon roman sur la condition des femmes au XIXème siècle qui m'a fait ensuite chercher des informations sur internet au sujet  de Charcot, la Salpêtrière, le code napoléon, etc.

L'on peut aussi y voir une ode à la liberté et à la différence.

Pour finir, si le patronyme de l'autrice vous dit quelque chose, alors oui, il s'agit bien de la fille de l'interprète de "Toute première fois" et "En rouge et noir"

Extrait " Une fois qu'une fille a passé les portes de la Salpêtrière, plus personne, encore moins la famille, ne souhaite en entendre parler. Le père Cléry ne fait pas exception. Sa fille maintenant aliénée, évoquer même son prénom reviendrait à le déshonorer. Dans ce monde, maintenir la réputation d'un patronyme importe plus que de gardes ses filles. Chez les Cléry, seul le fils constitue encore un espoir" .

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
26/10/2019

vendredi 25 octobre 2019

JEUNESSE /// DES TROUS DANS LE VENT : poèmes en promenade

DES TROUS DANS LE VENT
Poèmes en promenade

Auteurs : Bernard Friot et Aurélie Guillerey
Illustrations : Aurélie Guillerey



La poésie c'est un souffle frais sur notre vie, une autre vision du monde, plus aérienne, plus aérée.

La poésie, c'est jouer avec les mots, les images, c'est n'en faire qu'à sa tête, et ça fait du bien.

La poésie c'est pour tout le monde, enfants comme adultes.

La poésie, ce serait tout de même dommage de s'en passer !



Ce livre jeunesse est magnifique tant par ses poèmes que par les illustrations sur des tons rosés-mauves.  Les enfants s'y retrouveront par les thèmes du quotidien qui y sont abordés avec une grande légèreté dans l'écriture. Quant aux illustrations, elles ont la beauté de la simplicité qui fait mouche.

Les grands enfants que sont les adultes y trouveront aussi une fraîcheur toute poétique qui les touchera également.

Un bien beau livre plein de charme !

Extrait :

"Je suis un arbre, dit l'enfant, et j'ai des branches
pour faire chanter le vent.

Je suis un chemin, dit l'enfant, et je sème des cailloux
pour faire trébucher les géants.

Je suis un lac, dit l'enfant, et j'attends la pluie
pour dessiner un soleil en pointillé (...)


Bonne promenade en poésie.

J-C Togrège
25/10/2019



 




CINE /// DEUX MOI : un film de Klapisch d'une grande sensibilité

DEUX MOI
DE CEDRIC KLAPISCH
 
avec François Civi, Ana Girardot, Eve Haïdara, François Berléand



C'est l'histoire de deux trentenaires célibataires vivant à Paris et mal dans leur peau. Ils souffrent tous deux de la solitude.

Très vite, j'ai pensé à la chanson d'Alain Souchon, "l'ultra moderne solitude" qui date déjà de  1988. Autant dire que cela ne s'est pas arrangé dans un monde connecté avec les réseaux sociaux, la géolocalisation, les sites de rencontres et autres.

A quoi tient-il que les relations humaines soient devenues aussi difficiles dans notre monde ?

Pourquoi est-il devenu plus facile de parler à un inconnu sur le net plutôt qu'à son voisin ?




A travers cette très jolie histoire, Cédric Klapisch a fait un film d'une grande sensibilité admirablement servi par François Civi et Ana Girardot. L'on est pris de sympathie pour ces deux jeunes gens qui se débattent dans un monde se déshumanisant et se robotisant.

Ne pensez-pas que ce soit un film triste, même si le constat sociétal peut l'être car il y a aussi beaucoup d'humour et de tendresse. L'humain demeure malgré tout l'Inhumain qui nous entoure.
Au final, le message reste positif.

En résumé, j'ai beaucoup aimé cette comédie romantique qui prend le temps de s'installer et qui nous surprend, le tout avec le regard d'un cinéaste également sociologue.

Cinéphilement vôtre

J-C Togrège
25/10/2019


dimanche 20 octobre 2019

LE CRI DES ARBRES : J-C Togrège -

LE CRI DES ARBRES



Leurs cris couvriraient le bruit des moteurs
s'ils pouvaient crier.
Ils crieraient de ne pas être respectés
et abattus en masse.
Ils ne crieraient pas de douleur mais d’effroi
pour alerter les hommes.
Ils crieraient que c’est grande erreur
de saccager la planète.

Leurs cris couvriraient le bruit du monde
s’ils pouvaient crier.
Une longue lamentation pleine d’accablement
à l’idée d’une terre sans forêt.
Leurs cris deviendraient des hurlements,
un tapage si tonitruant
Que quelqu’un les entendrait enfin peut-être…



Ils crieraient pour que les hommes les voient
dans toute leur splendeur
Et cessent de les réduire en charpie
Sans considération.
Ils crieraient de colère devant cette bêtise
à leur préférer le béton.
lls crieraient pour rappeler leur présence
depuis la nuit des temps.

Les arbres crieraient
à s’en exploser les cordes vocales
Si seulement ils le pouvaient !

JC Togrège
19/12/2018

extrait du recueil "En éveil" 
contact : jctogrege@gmail.com

PS : recueil disponible à la librairie rémoise "Guerlin, Rougier et Plé" (place d'Erlon), au Carrefour de Bazancourt et par correspondance