mercredi 27 février 2019

LIVRE /// SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT

ET QUELQUEFOIS J'AI COMME UNE GRANDE IDÉE
KEN KESEY


Nous avons tous une zone de lecture de confort dans laquelle nous nous sentons à l'aise et où nous retrouvons facilement nos repères. Ce peut-être un style d'écriture, un genre, une époque, enfin des romans dans lesquels on entre avec facilité car on en connait les codes.

Ce livre-ci m'a fait sortir de ma zone de confort !

Non pas parce que ce soit un pavé de 894 pages, d'autant que j'aime les longs romans, mais parce que la narration est très particulière et multiple.


Autant vous l'avouer, il m'a fallu au moins 70 pages pour rentrer dans le sujet, commencer à me familiariser avec les personnages et surtout avec l'écriture de Ken Kesey. Une fois le livre terminé, j'ai relu ces 70 pages qui étaient restées en partie obscure. Autant dire qu'il faut s'accrocher !


Narration multiple au point que parfois je me perdais dans celui qui venait de prendre la parole dans le récit. J'eus du mal de prime abord à aborder ces changements de locuteurs signalés parfois simplement par une parenthèse ou par un passage à la ligne. A ceci s'ajoutait dans les dialogues les pensées des uns et des autres souvent en italique mais pas toujours. Sans une attention extrême, cela devenait vite le grand brouillard.

Ken Kesey, c'est un illustre inconnu puisqu'il s'agit de l'auteur de "Vol au dessus d'un nid de coucou" que tout à chacun connait au moins par le film de Milos Forman.

Alors qu'une grève est décrétée par le syndicat tout puissant, une famille de bûcherons décide ne pas en tenir compte et brave alors toute une ville de l'Oregon. Parce qu'elle a besoin de bras pour honorer son contrat avec la scierie, cette famille rappelle le cadet parti depuis de nombreuses années.

Voilà pour le contexte dans lequel la haine, l'amour, les rancœurs, la vengeance, les non-dits vont faire tout voler en éclats. Et puis il y a la nature, le fleuve indompté, un métier difficile et la vie qui malmène les êtres !

En dire plus tiendrait de la gageure compte-tenu de tout ce qui se passe dans ce livre avec les nombreux personnages dont nous suivons les pensées et les actions.

Pour conclure, je dirai que sortir de ma zone de confort me fut très salutaire, tant il est bon de multiplier ses expériences de lecture et d'aller là où l'on n'a pas l'habitude d'aller avec une concentration accrue.

A la fin du roman, il y a cette annotation de l'éditeur :" Cette œuvre a nécessité 8 années et le travail acharné d'une vingtaine de personnes pour voir le jour en français ; ne vous laissez pas décourager, prenez le temps, remettez à plus tard si besoin, mais n'abandonnez pas, c'est l'un des plus grands livres qu'il nous ait été donné de lire."

Bonne aventure !

JC Togrège
27/02/2019

vendredi 22 février 2019

CINE /// LES INVISIBLES

LES INVISIBLES
LOUIS-JULIEN PETIT

avec Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvosky, Deborah Lukumuena

 Le pari de ce film est réussi !

Celui d'être à la frontière de deux genres sans que l'un n'écrase l'autre, celui de marier l'humour avec un vrai sujet de société, celui des femmes à la rue.

Celui d'être tout à la fois une chronique sociale et une "comédie" avec des réparties cocasses où le rire n'est pas méchant mais bienveillant. La question peut être : peut-on rire sur un tel sujet ? Oui, s'il s'accompagne d'une réflexion et s'il n'est pas là pour dénigrer les plus faibles.

Celui de faire un film "grand public" qui grandit le spectateur et ne l'abaisse pas dans la médiocrité de nombres de comédies françaises.



Il nous est conté la vie d'un centre social de jour pour femmes à la rue, avec des travailleuses sociales investies et inventives. Des femmes qui ne font pas un métier par hasard mais qui ont cette envie d'aider l'autre.

Il nous est présenté un groupe de femmes cabossées par la vie, produit de notre société occidentale qui exclut de plus en plus et peine à intégrer les plus faibles... que tout à chacun peut un jour devenir.

L'une des leçons de ce film, c'est de montrer qu'il faut rendre leur dignité aux gens pour qu'ils reprennent confiance, s'appuyer sur leurs atouts et compétences (et tout le monde en a !) pour repartir.

Ce film est profond, engagé, bien joué, avec un scénario qui tient la route tout le long sans jamais tomber dans le misérabilisme ou la facilité du jeu de mots douteux.

Cinéphilement vôtre.

JC Togrège
23/02/2019

ENVIRONNEMENT /// UN BOL D'AIR


Un bol d’air

Prendre un bol d’air, rien de plus sain
C’est ce que disait ma grand-mère
En me menant au parc par la main.
Cela tonifie le corps et le caractère.

Un bol d’air, c'était de l'air pur.

Prendre un bon bol d’air par ici
C’est goûter à différents parfums 
Alcool, drêches, vinasse, chou pourri
Sans oublier les arômes de bassin.

Peut-on parler d’air pur ? 

Parfois, allégrement, les fragrances
Des usines s’enchevêtrent, se nuancent
Ajoutant encore un peu de variété
A un panel déjà bien développé.

D’abord c’est quoi l’air pur ?

Les camions avec leur diesel
complètent les odeurs industrielles
En pétaradant sous nos fenêtres.
De la route ils sont les maîtres !

Et l’air pur, me direz-vous ?

Un peu de sérieux, petits villageois
Ne devriez-vous pas être en joie
De vivre près d’un pôle de compétitivé
A l’excellence reconnue et méritée ?

Quant à l’air pur, oubliez ces fadaises…

JC Togrège

(Texte en rapport avec des années d'observation olfactive qui est paru dans mon recueil "En Eveil" - en vente par correspondance - 15 euros ou à la librairie "La Belle Image" à Reims 46 rue
 Chanzy)

vendredi 15 février 2019

LIVRE /// LES ROMANS DE MATHIAS MALZIEU : un univers loufoque, poétique et très inventif


LA MÉCANIQUE DU CŒUR
DE MATHIAS MALZIEU


Ajout du 15/02/2019 : Suite échange avec une lectrice, je publie sur le blog cette chronique de 2014, précisant que depuis j'ai vu l'adaptation en dessin animé de "la mécanique coeur". C'est une petite merveille.Outre les livres cités ci-dessous, je recommande également "journal d'un vampire. A l'hôpital, il eut beaucoup de transfusions... il  se nourrissait donc de sang tel un vampire plantant ses crocs dans les jugulaires. En pyjama, car c'est ainsi que l'on est vêtu quand on est un patient hospitalisé.

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Mathias Malzieu, un auteur dont j’ai découvert la plume depuis peu, une plume inventive, loufoque, poétique, décalée avec des histoires écrites comme des contes. Un grand bol de fraîcheur inventif, un homme qui  aime les mots, qui sait encore rêver dans notre monde matérialiste, une façon très personnelle de nous toucher avec aussi beaucoup d’humour décalé.

Il était une fois un petit garçon qui naquit le jour le plus froid du monde et dont le cœur se gela. La sage femme le ramena à la vie en lui greffant une horloge. Mais attention, il y aura des règles à respecter, en plus de la remonter chaque matin à l’aide d’une petite clef.



Extrait :
« Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles.
   Deuxièmement, maîtrise ta colère.
  Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux.
 Car alors pour toujours à l'horloge de ton cœur la grande aiguille des heures transpercera ta peau,  tes os imploseront, et la mécanique de ton cœur sera brisée de nouveau."

Bien sûr, notre héros tombera amoureux, et sa vie sera alors en jeu...

Je suis de ceux qui ne connaissent que de nom le groupe « Dionysos » dont il est le chanteur , qui se rappellent seulement un chanteur survolté aperçu lors d’une victoire de la musique d’il y a quelques années. Je suis aussi de ceux qui ont manqué (là je m’en veux !) le film d’animation « la mécanique du cœur » tiré du roman.

 En somme, ce fut une rencontre inattendue avec ce romancier, suite à une main lectrice-amie m’ayant tendu un autre de ses romans « le plus petit baiser jamais rencontré », autre livre-conte dont je vous recommande aussi la lecture.

Dans celui-ci, il s’agit d’un inventeur dépressif à la recherche d’une fille qui se volatilisa après un baiser échangé.

Grâce à ses livres, vous sortirez de votre quotidien pour entrer dans un univers où le rêve côtoie la réalité.

Extrait « ll doit rester quelques rêves d’enfant cachés sous mon oreiller, je tenterais de ne pas les écraser avec ma tête lourde de soucis d’adulte »

Bonne et belle lecture

JC Togrège
27/04/2014



jeudi 14 février 2019

CINE /// LA MULE - CLINT EASTWOOD : un film remarquable !

LA MULE
DE CLINT EASTWOOD

avec Clint Eastwood, Bradley Cooper, Laurence Fishbur



Ce film se décline de différentes façons ce qui en fait sa richesse et son intérêt :

L'on peut y voir l'histoire d'un vieil homme qui fut passionné toute sa vie par la culture des fleurs et qui se retrouve désargenté. Par hasard, il devient alors transporteur de drogue (la mule) pour payer ses factures. Cela lui rapportera beaucoup plus que toute une vie de labeur.
Drôle d 'époque et drôle d'échelle de valeurs...

L'on peut y voir  aussi une enquête policière et tout le travail pour remonter et démanteler une filière de drogue. Comment se douter que derrière ce vieux Monsieur au volant de sa voiture se cache un passeur de drogue ?




L'on peut y voir aussi et surtout un homme qui se rend compte tardivement qu'il a délaissé sa famille pour son travail. Rejeté par ceux qu'il a fait souffrir (son ex-femme, sa fille), il cherche un chemin pour renouer. Seule sa petite-fille lui trouve des excuses et a une certaine complicité avec lui.
Certes, il est très âgé, a du mal à s'ouvrir aux autres mais se dit que peut-être il est encore temps...

Clint Eastwood est excellent dans ce rôle qui lui permet de montrer ses différentes facettes. Il crève littéralement l'écran par tant de justesse et de profondeur.
Nulle trace de cabotinage dans son jeu, c'est remarquable !
Et puis, il est entouré d'excellents acteurs.

Ce film d'une facture classique totalement maîtrisée nous tient en haleine pendant 2 heures, sans trace d'ennui mais pas sans émotion.

N'oublions pas la musique composée par Arturo Sandoval pour compléter cette réussite.

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
14/02/2019





vendredi 8 février 2019

LIVRE /// SALINA - LAURENT GAUDE : Une histoire envoûtante comme un conte et un style de grande qualité !

SALINA
LAURENT GAUDE



Laurent Gaudé est un écrivain que j'admire pour la qualité de son style, pour son sens de la narration (souvent proche du conte)  et pour la diversité de ses sujets. Avec lui, le mot "littéraire" n'est pas usurpé et prend tout son sens.

C'est le contraire de l'auteur à succès qui exploite un filon avec les mêmes recettes année après année.

Ce roman raconte l'histoire de Salina, une femme à la vie difficile, abandonnée dès sa naissance et recueillie par Mamambala après que les hyènes l'eurent épargnée. 

La tâche de son troisième fils sera de raconter cette histoire afin que le cimetière ouvre ses portes et accepte la dépouille de sa mère. 




Les thèmes de la transmission, de la vengeance, du refus de se soumettre sont présents dans ce texte également teinté d'humanisme. 

Extrait : "Moi Malaka, fils élevé dans le désert par une mère qui parlait aux pierres, je vais raconter Salina, la femme aux trois exils. Je vais dire ma mère qui gît là, au fond de la barque, et le monde qui apparaîtra sera fait de poussière et de cris. A l'époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait des soleils qui faisaient saigner la peau et un désir de vengeance sauvage. A l'époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait une enfant venue de nulle part. Elle est née loin, Salina, si loin que personne ne connaît le lieu exact ni de qui elle fut l'enfant, pas même elle. Moi Malika, qui dois faire le récit de sa vie pour que le cimetière décide de s'ouvrir ou pas, je choisis de commencer par ce jour de marche, à l'autre bout de sa vie, car c'est là que tout débute."

Ce roman m'a tant enchanté pour la beauté du verbe et le sujet que je me suis replongé dans son œuvre.


J'ai d'abord relu ce qui est sans doute son chef d’œuvre : "Le soleil des Scorta" dans lequel
l'on suit l'histoire d'une famille à Montepuccio, petit village d'Italie du Sud de 1870 nos jours.  L'on y retrouve le thème de la transmission, chaque membre de cette famille devant un jour laisser à un descendant ce qu'il a appris de la vie. La fierté d'être un Scorta habite les générations les unes après les autres, leur permettant de faire face au village.
Ce livre obtint le prix Goncourt 2004.

Extrait "Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur, nous l'avons en nous. D'aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons.(...)"




Et puis j'ai découvert "Pour seul cortège" paru en 2012, roman d'une grande originalité nous ramenant au temps des derniers jours d'Alexandre le Grand. Il y a dans ce récit quelque chose d'étrange se rapprochant de l'épopée antique. Roman choral nous faisant entendre les voix d'Alexandre mort, de la tête décapitée d'un émissaire et de la fille d'un roi déchu appelée au chevet du roi.





A chaque roman, Laurent Gaudé sait magnifier les mots et se faire conteur !

Bonnes et belles lectures

JC Togrège
08/02/2019