mercredi 20 novembre 2019

LIVRE /// LOIN : un roman d'aventures comme on n'en fait plus guère!

LOIN
ALEXIS MICHALIK




En exergue, se trouvent ces mots de Charles Baudelaire :

 " Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, l'univers est égal à son vaste appétit."

Avec ce livre, nous embarquons pour un grand roman d'aventures de 640 pages. Si je parle d'embarcation, c'est que nous y voyageons beaucoup.

Partant de Paris, nous irons en Autriche, en Allemagne, en Russie, en Arménie, en Turquie pour ne citer que quelques pays.

Voyager pour voyager, avoir un horizon plus large pour au final se trouver soi-même, voilà ce qui arrive aux principaux personnages : Antoine, Anna et Laurent.



Tout cela commence par une carte postale arrivée avec 17 ans de retard sur laquelle il est écrit : "Je pense à vous, je vous aime".

Ces mots sont ceux d'un père ayant quitté sa famille du jour au lendemain sans rien dire, il y a 20 ans.

Ils vont déclencher chez Antoine (le fils) un désir de quête l'amenant à faire une parenthèse dans sa vie bien sage pour se lancer à la recherche de ce père disparu. Laurent, son meilleur ami et sa sœur Anna vont l'accompagner dans son projet.

Leurs aventures rocambolesques vont se succéder à travers le monde avec une folle inventivité. Sans cesse, un rebondissement, une nouvelle piste nous tiennent en haleine. Les dialogues bien menés y sont largement pour quelque chose, ce qui est normal pour le dramaturge qu'est Alexis Michalik.

Une fois le livre refermé, l'on se dit que tout de même que ce fut parfois un peu "gros". Et pourtant, l'on a marché, l'on y a cru, tant le récit est addictif. Même si j'ai perçu un petit ralentissement à la moitié du livre en raison de digressions historiques par ailleurs intéressantes, il faut reconnaître que des romans d'aventure comme celui-ci on n'en fait plus guère.

De même, le portrait à charge d'Antoine sur son côté "trop guindé, coincé" m'a laissé un peu songeur. Sa sœur, largement extravagante mais décrite de façon plus sympathique, se moque de lui. Allons donc, il ne trompe pas sa fiancée, ne fume pas d'herbe, ne se saoule pas... Ce serait donc des signes de ringardise selon le narrateur, voire l'auteur ?

Hormis ces quelques réserves, ce roman m'a fait passer un excellent moment en rognant sur mes nuits...

Extrait : "Ami lecteur, avant de pénétrer dans les méandres du récit, je voudrais te poser une
 question : Qui es-tu ?  
Je voudrais que tu réfléchisses un instant à ce qui fait que tu es toi.
Il n'y a pas l'ombre d'un mouvement sectaire derrière cette entrée en matière, il n'y a pas de paroisse, pas de salut, pas d'enfer. Tout juste des questions, car les questions sont la vie même. Tant qu'il existera quelqu'un pour questionner, et pour se questionner, l'humanité vivra, avancera, reculera, s'effondrera, renaîtra de ses cendres.
Donc, qui es-tu ? 


Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
20/11/2019








mercredi 13 novembre 2019

LA MAIN DIABOLIQUE

LA MAIN DIABOLIQUE



J'aime quand un roman me mène à poursuivre le thème abordé par des recherches connexes.

Cela peut être sur le net, dans des livres, dictionnaires, d'autres romans, voire des films.

Ce fut le cas avec "Hantise" où Virginie Lauby aborde le thème de la main diabolique qui agit indépendamment du corps auquel elle est reliée.

L'autrice précise qu'elle a écrit cette histoire en souvenir d'un film qu'elle a vu par le passé et dont il lui reste quelques souvenirs.

Dans "Hantise", un musicien à succès a un grave accident de circulation. Un chirurgien lui greffe alors une nouvelle main ... Je n'en dirai pas plus, si ce n'est pour dire que le sujet est habillement renouvelé, bien écrit et les personnages attachants.

Et puis, l'histoire est associée à une musique composée spécialement pour le livre que l'on peut écouter sur le site de Virginie Lauby. C'est une démarche très originale, comme la bande-son d'un film.

Extrait : "Je la lève jusqu'à hauteur de mes yeux. Le bandage ne recouvre que mon poignet, laissant mon pouce et mes phalanges à l'air libre. La peau est rosée. Un fin duvet blond la recouvre, légèrement plus foncé que mes cheveux. Au moins, ils ne se sont pas plantés de couleur. Je place ma main gauche à côté d'elle. Elles n'ont pas la même longueur ! Je la retourne et étudie attentivement sa paume. Les lignes font des sillons plus creusés. Je ne peux m'empêcher de reconnaître la ligne de vie. Elle est courte. Mais ce n'est pas la mienne. Je réalise seulement qu'il a fallu un mort pour que je sois encore entier. (...)

Ce livre m'a amené à relire ensuite une nouvelle de Maupassant ("La main d'écorché") et à regarder le film "les mains d'Orlac" du réalisateur Edmond T Greville.

Comme vous le voyez, cette histoire m'a "hanté"... 

Alors si vous connaissez des auteurs ayant aussi abordé ce thème, n'hésitez pas à me le faire savoir...

Bonnes et belles lectures !

J-C Togrège
13/11/2019 


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Complément du 15/12/2019




 Une lectrice m'a recommandé "la quatrième main" de John Irving qui explore aussi avec la truculence et l'humour de l'auteur, ce thème de la main greffée qui conserve une mémoire de sa vie passée, y compris dans le domaine amoureux...


Ici, la veuve du donneur demande un droit de visite comme condition sine qua non à la greffe de la main venant de son mari...
  




Extrait : - Elle veut seulement la voir, j'imagine avait répété Patrick. (Sur ce, il s'était fait un silence déconcerté.) Pas la toucher, j'espère.
Elle ne veut pas qu'on se tienne par la main, tout de même ?
- Personne n'aura le droit de la toucher, cette main pendant une période considérable après l'opération, répondit Zajac, rassurant.
-Mais qu'est-ce qu'elle entend par là, au juste, une seule visite, deux ? Pendant un an ? 
Zajac haussa les épaules.
-Indéfiniment - voilà ses conditions."

Cette greffe changera la vie de ce Patrick Wallingford, grand séducteur et journaliste peu scrupuleux exploitant les faits divers à la télé.

Merci à Nathalie pour ce roman !

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Complément du 27/12/2019



Je poursuis et complète cette chronique avec un film qui me fut conseillé par une lectrice : J'ai perdu mon corps" de Jérémy Clapin.

Je ne savais pas ce que j'allais voir hormis ce thème de la main animée.

Eh bien, c'est une merveille, une pépite du film d'animation et cocorico car c'est français !




Il y a de l'originalité, du fantastique, du réalisme, de la poésie, un graphisme très réussi, des dialogues et une musique de qualité.  Vous comprendrez que je suis totalement tombé sous le charme de ce film.

Il y a deux histoires dans  le récit, d'abord celle fantastique d'une main sectionnée qui recherche son corps ce qui l'amène à affronter le monde.  Les déplacements de la main sont très réalistes...

Et puis, l'on suit l'histoire de Naoufel et de Gabrielle.
Je dirai simplement que le garçon est tombé amoureux de la voix de la jeune fille (sans l'avoir vue) et qu'il fera tout ce qu'il peut pour se rapprocher d'elle. Cette partie est très tendre et délicate.

Une vraie réussite !

Merci à Chantal !

Remarque à Nathalie : Le roman préféré de Gabrielle est "Le monde selon Garp" de John Irving.


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Complément de juin 2020

Nous avons complété ce thème en regardant le film de 1943 "la main du diable" de Maurice Tourneur avec Pierre Fresnay qui est très convainquant dans le film. 

Une ambiance fantastique sur ce thème de l'homme qui vent son âme au diable en échange de la réussite. 

Un récit bien mené, de bons acteurs, et l'ambiance des vieux films !















samedi 9 novembre 2019

LES ROMANS POLICIERS DE YASMINA KHADRA


LES ROMANS POLICIERS DE YASMINA KHADRA



Il y a certains auteurs dont il est préférable d'espacer la lecture de leurs romans, tant l'on y retrouve la même trame, la même construction, voire les mêmes artifices. Ce n'est pas que ce soit mauvais en soi car cela peut nous faire passer de bons moments de temps à autre, et comme vous le savez, un bon plaisir de lecture, ça ne se refuse pas.

Certains de ces auteurs sont régulièrement en tête de vente...


Et puis, d'autres auteurs plus exigeants se renouvellent, abordent des sujets différents, explorent d'autres formats d'écriture et de récit.

C'est le cas de Yasmina Khadra dont les thèmes sont très éclectiques et parfois très inattendus.

Il s'est rendu célèbre avec sa trilogie sur l'affrontement Orient/Occident, a écrit un très beau roman d'amour ("Ce que le jour doit à la nuit"), s'est glissé dans la peau de Kadhafi pour décrire ses derniers jours, puis dans celle d'un terroriste (Kahlil). Et puis, il écrit aussi des romans policiers, c'est d'ailleurs ainsi qu'il a commencé sa carrière d'écrivain.


"L'outrage fait à Sarah Ikker" est sa dernière publication. Il s'agit d'une enquête menée suite au viol de la femme d'un lieutenant de police. J'ai été surpris par un retournement de situation que je n'avais pas vu venir...
Outre la qualité de l'histoire, c'est aussi le moyen de parler du statut des femmes au Maroc dans le couple et dans la société.



Cela m'a donné envie de lire un autre de ces romans policiers : Qu'attendent les singes ?

La commissaire Nora Bilal mène l'enquête sur le meurtre d'une jeune étudiante et cela va la mener jusqu'aux élites algériennes qui se considèrent au dessus du commun des mortels.

Cela ne sera pas sans danger...

A travers ce récit se dessine le portrait d'un pouvoir corrompu et cynique.


Extrait : "Il y a ceux qui font d'une lueur une torche et d'un flambeau un soleil et qui louent une vie entière celui qui les honore un soir; et ceux qui crient au feu dès qu'ils voient un soupçon de lumière au bout de leur tunnel, tirant vers le bas toute main qui se tend vers eux.
En Algérie, on appelle cette dernière catégorie : les Béni Kelboun.
Génétiquement néfastes, les Béni Kelboun disposent de leur propre trinité :
Ils mentent par nature,
trichent par principe

et
nuisent par vocation.
Ceci est leur histoire."

Yasmina Khadra, réputé pour son style poétique et littéraire, a une écriture plus âpre dans ses romans policiers. L'on y trouve moins de métaphores et de "belles phrases". Le style se fait plus percutant, plus adapté à un récit d'enquête.

Un auteur à multi facettes dont on ne se lasse pas.

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
09/11/2019