vendredi 12 mai 2017

LIVRE /// L'OEUVRE - EMILE ZOLA /// un magnifique roman sur la passion de créer

L'OEUVRE
EMILE ZOLA



Relire un auteur admiré, c'est comme retrouver un ami que l'on n'a pas vu depuis longtemps, un ami auquel on pense et qu'on espère revoir un jour avec en filigrane la petite crainte aussi de n'être plus au diapason.

Je n'avais pas lu Zola depuis des années, voire des décennies mais n'avais pas oublié sa belle petite musique, la qualité de son style et la profondeur de ses romans. Je n'ai pas été déçu et ai replongé dans ce 14ème volume de la série des Rougon-Macquart.

Quelles retrouvailles magnifiques !

Claude Lantier, un soir de pluie, rencontre Christine, une jeune provinciale perdue dans ce Paris qu'elle ne connait pas. Un amour très fort naîtra avec notamment une période idyllique à la campagne, mais c'est sans compter sur la passion qui anime Claude et qui deviendra la grande rivale de Christine : la peinture !

Vivre avec un peintre maudit, très doué mais boudé par ses contemporains, s'apparentera à un calvaire que l'on voit progresser inéluctablement dans la vie du couple. Claude, tout entier à son œuvre, est trop exigeant, jamais content de son travail qu'il reprend sans cesse. Alors que ses esquisses, selon l'avis de ses amis artistes, sont très fortes, il gâche tout en s'acharnant à vouloir trouver la perfection.

Je n'irai pas plus loin dans le récit mais sachez que les pages de révolte de Christine, criant son amour pour regagner son homme face à son adversaire de toujours, sont poignantes et émouvantes. Elle hurlera sa haine pour cette peinture qui les sépare et les rend malheureux.

A travers ce roman, nous voilà projetés dans le Paris artistique de la fin du XIXème siècle avec un groupe d'amis passionnés par l'envie de créer soit par l'écriture, la sculpture  ou la peinture. Certains resteront des "purs" refusant la compromission tandis que d'autres lorgneront vers la réussite sociale et iront vers des concessions.

Ce livre, c'est celui du rapport du créateur avec son œuvre (la foi qui l'anime, la quête de l'idéal, l'impossibilité d'arrêter malgré la souffrance de l'échec), celui de l'évolution de l'amitié (certains réussissant et d'autres non !) mais c'est aussi une grande histoire d'amour tragique et intense.

Extraits :

"Et d'un élan, dans une crise de folle rage, il voulut se jeter sur sa toile, pour la crever du poing. Ses amis le retinrent. Voyons, était-ce enfantin, une colère pareille ! Il serait bien avancé ensuite quant il aurait abîmé son œuvre. Mais lui, tremblant encore, retombé à son silence, regardait le tableau sans répondre, d'un regard ardent et fixe, où brûlait l'affreux tourment de son impuissance. Rien de clair ni de vivant ne venait plus sous ses doigts, la gorge de la femme s'empâtait de tons lourds; cette chair adorée qu'il rêvait éclatante, il la salissait, il n'arrivait même pas à la mettre à son plan. Qu'avait-il donc dans le crâne, pour l'entendre ainsi craquer de son effort inutile ? Était-ce une lésion de ses yeux qui l'empêchait de voir juste ? Ses mains cessaient-elles d'être à lui, puisqu'elles refusaient de lui obéir ? Il s'affolait davantage, en s'irritant de cet inconnu héréditaire, qui parfois lui rendait la création si heureuse, et qui d'autres fois l'abêtissait de stérilité, au point qu'il oubliait les premiers éléments du dessin. Et sentir son être tourner dans une nausée de vertige, et rester là quand même avec la fureur de créer, lorsque tout fuit, tout coule autour de soi, l'orgueil du travail, la gloire rêvée, l'existence entière ?"

Alors relisons ce grand auteur, il a tant encore à nous dire aujourd'hui !

Bonne et belle lecture

JC Togrège
12/05/2017

PS 06/06/2017 :  Sur la recommandation d'une lectrice, j'ai lu la nouvelle d'Edgar Allan Poe "le portrait ovale", histoire d'un peintre qui prend sa femme pour modèle.

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