lundi 31 juillet 2017

LIVRE /// L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS /// un livre idéal pour les vacances : une histoire captivante, un très bel imaginaire, de l'humour et du fond

L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS
ANDRYS KIVIRAHK


Un livre idéal pour les vacances dont j'ai dévoré les 450 pages en l'espace d'un week-end tant il est captivant !

Quand il me fut prêté par ma fille, j'avais regardé la 4ème de couverture et vu qu'il s'agissait d'un roman venant d'Estonie.

L'Estonie, l'Estonie ? Bon, je vous l'avoue, j'ignorais où cela se trouvait  précisément, sachant seulement que c'était l'un de ces pays ayant repris leur indépendance à la chute de l'URSS. Puisque j'ai cherché, autant vous en faire profiter : c'est un pays de l'Europe du Nord ayant pour voisin la Lettonie et la Russie, et séparé de la Finlande par la mer Baltique. Et puis, j'ai découvert que l'Estonie avait intégré l'Europe en 2004 et opté pour l'Euro, preuve qu'avec les livres l'on apprend sans cesse.

Ces considérations géographiques énoncées (merci Wikipédia !), revenons-en à celui qui m'a enchanté prolongeant mon incursion dans le monde du merveilleux après " Une fée pour l'éternité".

L'histoire se déroule en Estonie au Moyen-âge ge alors que le pays est envahi par les hommes de fer (ces chevaliers allemands appelés ainsi en rapport avec l'armure qu'ils portaient) et que le narrateur, Leemet, voit s'écrouler son monde. La plupart des siens quittent la forêt pour rejoindre les villages, entrer dans "la modernité" pour adopter le monde de vie des vainqueurs et devenir des agriculteurs.

Leemet reste fidèle aux traditions du peuple estonien et demeure l'un des rares à parler encore la langue des serpents lui permettant de communiquer avec les animaux. Il va vivre la situation de ceux qui se retrouvent seuls ou presque dans ses convictions face à la masse moutonnesque. Alors quelle attitude adopter ? Rester dans sa forêt avec sa famille et continuer à dialoguer avec ses amis les serpents ? Ou dans un esprit grégaire, fuir la solitude et aller au village ?

Croyez-moi, lui et sa famille vont vivre des tas d'aventures avec maints rebondissements, tant l'auteur a une imagination débridée et fertile, tout cela servi avec humour.

Entre un couple d'anthropopithèques élevant des poux et complétement tournés vers le passé, sa sœur Salme amoureuse d'un ours, Ints son ami le serpent royal, son grand-père "aviateur", Meene l'homme rampant toujours ivre etc., les amateurs de grand voyage dans l'imaginaire seront servis avec largesse.

Et puis, il y a largement du fond dans ce livre qui peut aussi se lire comme un pamphlet contre l'intolérance religieuse qui fait des ravages dans les deux mondes. Dans celui des forêts, sévit un faux sage assoiffé de sang et totalement fou qui se prétend l'interlocuteur des génies, et dans l'autre, l'on y trouve les adorateurs de Jésus Christ qui brûlent ceux qu'ils considèrent comme des suppôts de Satan. Leemet regarde ces extravagances avec stupeur, rejetant ces deux formes d'intolérance qui prospèrent sur l'ignorance. 

L'on peut y voir également une lecture sur les peuples minoritaires qui disparaissent emmenant dans le néant leurs cultures, leurs coutumes et leurs langues.

Quant au style, il coule, il court, les dialogues sont savoureux, il sert complétement cette histoire foisonnante où la sottise se prend une volée de bois vert.


Extraits :

"Alors personne n'en sait rien de cette clé ?
-Non, mais il y a quand même une légende que le vieux a oublié de te raconter. Il paraît qu'à la nuit du solstice d'été la fougère fleurit, et que c'est précisément la fleur de fougère qui est la clé.
-Ça fleurit, les fougères ?
-Bien sûr que non. Mais c'est si bon de croire qu'il suffit de traîner dans la forêt une nuit de solstice et de cueillir une fleur, et hop ! Voilà la clé. Il y a des gens qui préfèrent entretenir ce fragile espoir plutôt que d'accepter l'idée qu'ils auront bon faire la culbute ou le poirier, la Salamandre restera toujours introuvable. Les hommes vivent d'espoir, aussi ténu soit-il : ils ne se satisfont jamais de l'idée que quelque chose soit irrémédiable."



"Quand j'étais tout petit garçon, je prenais les moines pour les femmes des hommes de fer, vu qu'ils portent le même genre de robes. En vérité, ils n'étaient pas bien beaux et je m'étonnais de ce que les hommes de fer puissent se choisir ce genre de compagnes. Eux-mêmes n'étaient guère plus attirants : à l'époque, je croyais que leurs visages étaient en fer et qu'ils n'avaient ni nez ni bouche. Ce n'est que plus tard que j'en vis un qui enlevaient leur heaume et que je compris que c'étaient des êtres humains0 Une autre fois, j'avais vu un moine en train de pisser et je m'étais précipité chez Oncle Vootele, hors d'haleine, les yeux exorbités :
"Tonton, tonton ! La moine elle a un zizi"
" Bien sûr, tous les hommes en ont un."

"Alors les moines, c'est des hommes ? Je croyais que c'étaient les femmes des hommes de fer."...

Je vous recommande ce livre différent, parfois drôle, parfois triste, mais toujours alerte et très enlevé pour vos vacances. Le dépaysement sera total !

"L'homme qui savait la langue des serpents" a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire 2014.

Bonnes et belles lectures estivales

JC Togrège
31/07/2017


PS : Merci Lucie ! Il me reste à effacer les petites croix....


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