Voilà un
livre curieux et envoûtant que ce roman de Delphine De Vigan où le réel et la
fiction s’entremêlent jusqu’à ne plus décerner le vrai du faux,
l’autobiographie de la fiction. Et cela commence avec la photo de la couverture
où l’on croit y deviner l’auteur adolescente, et puis non, ce n’est pas elle,
mais cela aurait pu car il y a une ressemblance physique indéniable.
L’histoire,
c’est celui d’une romancière qui a connu un très grand succès avec une
biographie sur sa mère bipolaire (« Rien ne s’oppose à la nuit », un
livre que j’avais beaucoup aimé) et qui n’arrive plus à écrire. Tiens tiens, se
dit on, on est dans l’autobiographie. Et puis l’on va vers la fiction quand
Delphine (car elle utilise son prénom dans le roman) rencontre une prénommée L.
(on n’en saura jamais plus sur son identité) qui va la subjuguer et prendre une
place de plus en grande dans sa vie, jusqu’à quasiment la
« vampiriser » en ce sens, qu’elle va agir en son nom, tout cela au nom de l’amitié, de la main
tendue etc.
Non
seulement L. prend en main la vie de Delphine mais en plus elle s’immisce dans
ce qui doit être ce prochain livre dont
elle n’a pas écrit une ligne depuis plusieurs années. Il y a alors des
discussions sur l’écriture et la création, des réflexions sur les mérites de
l’autofiction par rapport aux personnages inventés, les demandes du lectorat
qui veut du vrai. Les arguments s’échangent de part et d’autre, L. finissant
par lui imposer ses idées.
Le réel et
la fiction devenant indémêlables , la question peut aussi se poser : cette
L. existe t’elle vraiment ?
Je vous
recommande cette lecture tant pour cette formidable oscillation entre le vrai et le faux
que pour toutes les interrogations sur ce qu’est la création littéraire et le
rôle de l’écrivain.
Extraits :
« Je ne te parle pas du résultat. Je te parle de l’intention. De l’impulsion. L’écriture doit être une recherche de vérité, sinon elle n’est rien. Si à travers l’écriture tu ne cherches pas à te connaître, à fouiller ce qui t’habite, ce qui te constitue, à rouvrir tes blessures, à gratter, creuser avec les mains, si tu ne mets pas en question ta personne, ton origine, ton milieu, cela n’a pas de sens. Il n’y a d’écriture que l’écriture de soi. Le reste ne compte pas. C’est pour ça que ton livre a rencontré un tel écho. Tu as quitté le territoire du romanesque, tu as quitté l’artifice, le mensonge, les faux-semblants. Tu es revenue au Vrai, et tes lecteurs ne s’y sont pas trompés. Ils attendent de toi que tu persévères, que tu ailles plus loin. Ils veulent ce qui est caché, escamoté. Ils veulent que tu en vienne à dire ce que tu as toujours contourné. Ils veulent savoir de quoi tu es faite, d’où tu viens. Quelle violence a engendré l’écrivain que tu es. Ils ne sont pas dupes. Tu n’as levé qu’un pan du voile et ils le savent très bien/ Si c’est pour recommencer à écrire des petites histoires de sans-abri ou de cadres supérieurs déprimés, tu aurais mieux fait de rester dans ta boîte de marketing. »
« Quiconque a connu l’emprise mentale, cette prison invisible dont les règles sont incompréhensives, quiconque a connu ce sentiment de ne plus pouvoir penser par soi-même, cet ultrason que l’on est seul à entendre et qui interfère dans toute réflexion, toute sensation, tout affect, quiconque a eu peur de devenir fou ou de l’être déjà, peut sans doute comprendre mon silence face à l’homme qui m’aimait. C’était trop tard »
Bonne et belle lecture
JC Togrège
JC Togrège
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