vendredi 9 juin 2017

BILLET D'HUMEUR /// VOILA QUAND ON S'APPELLE ... DUR DUR !

VOILA QUAND ON S'APPELLE...DUR DUR !

Dans "Le côté de Guermantes", Proust aborde de jolie façon les "tics verbaux" qui d'un coup se mettent à fleurir à foison dans les conversations.

Extrait ci-dessous :

(...) Quel était dans ce cas le bourgeois à qui M. de Guermantes avait entendu dire : "quant on s'appelle", il n'en savait sans doute rien. Mais une autre loi du langage est que de temps en temps, comme font leur apparition et s'éloignent certaines maladies dont on n'entend plus parler ensuite, il naît, on ne sait trop comment, soit spontanément, soit par un hasard comparable à celui qui fit germer en France une mauvaise herbe d'Amérique dont la graine prise après la peluche d'une couverture de voyage était tombée sur un talus de chemin de fer, des modes d'expressions qu'on entend dans la même décade dites par des gens qui ne se sont pas concertés pour cela. Or, de même qu'une certaine année j'entendis Bloch dire en parlant de lui-même : "Comme les gens les plus charmants, les plus brillants, les mieux posés, les plus difficiles, se sont aperçus qu'il n'y avait qu'un seul être qu'ils trouvaient intelligent, agréable, dont ils ne pouvaient se passer, c'était Bloch", et la même phrase dans la bouche de bien d'autres jeunes gens qui ne le connaissaient pas et qui remplaçaient seulement Bloch par leur propre nom, de même je devais entendre souvent le "quand on s'appelle".

Si en cette fin de XIXème siècle, le "quand on s'appelle" agaçait l'auteur de "A la recherche du temps perdu",  que dirait-il  en entendant aujourd'hui à tout propos la préposition "voilà" ?

Ce petit mot tout simple, tel une mauvaise herbe, se retrouve partout, à tout propos, que ce soit en milieu de phrase quand celle-ci devient bancale et que le locuteur n'arrive pas à la poursuivre ou le plus souvent pour la clore, comme si un simple point n'était pas suffisant.

L'ennui avec ces tics verbaux, c'est le risque de contamination, et que malgré soi ils se mettent à surgir dans notre propre bouche. Oh, j'ai failli terminer en écrivant "quoi', autre plaie verbale que certains utilisent à la fin de chaque phrase !

Un peu de patience car, comme le souligne Proust, aussi vite sont-ils apparus qu'ils disparaissent soudain, sans doute remplacés par un autre tic verbal devenu mode.

Qui utilise encore le "dur dur !" que l'on entendait partout dans les années 80 ? Cette petite expression fut même reprise par un groupe opportuniste pour en faire un tube puis par un horripilant bambin nous assénant son " dur dur d'être un bébé !" Trop c'était trop !

Qui se souvient encore du snob "distinguo" qui émaillait les discours dans les années 1970 ?

Alors un peu de patience, car tôt ou tard, une utilisation abusive mène à la saturation qui équivaut à la disparition de l'intrus.

Voilà, quoi  !

JC Togrège
10/06/2017

3 commentaires:

  1. Voilà quoi ! Merci JC pour ce petit moment d'évasion
    MPH

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  2. "effectivement" est bien répandu de nos jours et ne se contente pas de ponctuer mais se faufile entre les mots de façon un peu horripilante

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