NE TIREZ PAS SUR L’OISEAU MOQUEUR
DE HARPEE LEE
C’est le cas pour « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » unique roman d’Harper Lee (auteur américain) publié en 1960 au moment de la lutte anti-ségrégationniste.
« Il se leva et marcha jusqu’au bout de la véranda. Après avoir examiné la glycine, il revint nonchalamment vers moi.
- D’abord, Scout, un petit truc pour que tout se passe le mieux entre les autres, quels qu’ils soient, et toi : tu ne comprendras jamais aucune personne tant que tu n’envisageras pas la situation de son point de vue...
- Pardon ?
- ...tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n’essaieras pas de mettre à sa place. »
Atticus Finch, qui tient ce discours à sa fille Scout, est un avocat veuf et humaniste. Il élève seul ses deux enfants dans les années 1930, époque de la Grande Dépression, à Alabama. Sa seule l’aide, c’est celle d’Alpirnia, sa vieille cuisinière noire.
La petite fille, à travers le récit de trois années , nous amène dans le monde savoureux de l’enfance qui s’interroge sur le monde qui l’entoure sans être encore empreint des préjugés, a-priori, idées toutes faites des adultes.
Scout, c’est une petite fille qu’on pouvait qualifier autrefois de garçon manqué, qui traine vêtue d’une salopette avec son frère ainé et se pose des tas des questions.
J’ai toujours pensé qu’un très bon roman pouvait nous dépeindre plus fidèlement une époque qu’un livre d’histoire, et c’est le cas avec celui-ci. Voilà ce qu’était le racisme ordinaire et bien-pensant aux Etats-Unis dans les années 30 à l’égard de la communauté noire. Les braves gens pouvaient s’offusquer de ce qui se passait en Europe avec la montée de l’extrême droite et l’antisémitisme tout en considérant comme des sous-hommes les Noirs qui vivaient à côté d’eux.
Comme le montrera le récit du procès d’un jeune homme noir accusé à tort d’avoir violé une femme blanche, même la pire racaille blanche pouvait être soutenue en dépit des faits.
Si ce livre nous touche encore aujourd’hui, c’est qu’il est universel car le racisme continue à pourrir les rapports entre les peuples avec ce même principe imbécile qui fait que certains considèrent leur communauté supérieure aux autres.
S’il nous touche, c’est aussi par le regard porté par l’enfant sur le monde des adultes. C’est comme une bonne bouffé de fraîcheur !
Quant au récit, il est touchant (jamais larmoyant), parfois drôle, initiatique et instructif.
Et puis, le pouvoir du titre « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » ? C’est cela aussi la force de la littérature. N’a t’on pas envie de savoir ce qui se cache derrière ?
Selon le proverbe américain, tuer l’oiseau moqueur, cet oiseau qui n’a d’autre vocation que de chanter, est un péché. N’est-ce pas comme retirer la grâce en ce monde ? A vous d’en juger ? Je ne souhaite pas déflorer davantage le récit.
Vous souhaitant de belles lectures,
Bien courtoisement
JC Georget
21/09/2014
(chronique republiée le 14/11/2024)