jeudi 29 décembre 2016

LIVRE /// MILLE FEMMES BLANCHES DE JIM FERGUS

MILLE FEMMES BLANCHES
Les carnets de May Dodd
 
JIM FERGUS


Voilà un moment (plusieurs années !) que ce livre figurait sur ma liste des livres à acheter ou emprunter !

Lorsque la suite sortit ("La vengeance des mères") et que l'auteur la présenta, de nouveau j'avais été séduit par cette approche visant à présenter la culture indienne et son génocide commis par les Européens.

En l'espace de quelques jours, les 500 pages furent "avalées" avec gourmandise, tant le sujet et le récit sont prenants. Découvrir une culture tout en se distrayant ( car n'oublions pas que lire c'est avant tout un plaisir), c'est merveilleux non ?

Le grand Jim Harrison lui-même (disparu au mois de mars 2016) avait salué ce livre : "un roman splendide, puissant et engagé".

Roman engagé car les Blancs sont montrés pour ce qu'ils furent : des envahisseurs avides et prêts à tout pour s'emparer de la terre, ne tenant pas leurs promesses (combien de traités avec les Indiens furent bafoués !) et plein de mépris pour ceux qu'ils nommaient des "sauvages" qu'il fallait soit civiliser en les parquant soit détruire.

Mais cela dit, si le roman est captivant, c'est parce que l'histoire des personnages, un groupe de femmes, l'est totalement.

Tout commence par la proposition d'un Chef Indien cheyenne d'échanger 1000 femmes blanches contre 1000 chevaux, dans le but de réunir les deux peuples grâce aux enfants qui naitront des unions.
Non, Mesdames, ne vous offusquez pas trop, car chez les Indiens, le cheval était hautement considéré et capital pour la vie...

Jim Fergus part d'une réelle proposition qui ne fut jamais concrétisée pour en faire une histoire où nous suivons le parcours des femmes qui se sont portées volontaires pour ce projet d'intégration. Volontaires, en ce sens, que cela leur permettait pour la plupart de sortir soit d'asile soit de prison, ce qui relativise ce volontariat...

Là où c'est fort, c'est que cette culture cheyenne nous est montrée à travers le regard de toutes ces femmes via le journal que tient l'une d'entre elle, May Dodd. La structure du roman divisé en carnets provenant du journal intime lui donne une crédibilité et un fort réalisme, tout en nous rendant proche de l'héroïne, femme courageuse et indépendante d'esprit.

Les Indiens ne sont pas montrés non plus sans leurs défauts, certaines de leurs pratiques étant sanguinaires (lutte entre tribus ennemis). Néanmoins, il en ressort que cette civilisation était très proche de la nature et bien différente de la nôtre.

Un tout petit regret pour la traduction, c'est que les noms indiens aient été retranscrits en anglais et non en français. Exemple : "Down Woman pour "Celle qui tombe dans le feu".
Certes des astérisques nous donnent la signification en français.


Extrait :

"A cause du mal que vous avez apporté avec vous" - à cet instant Little Wolf posa la main sur sa joue couverte de cicatrices - " et à cause des guerres que vous nous avez déclarées" - ici il mit sa paume sur sa poitrine car il avait maintes fois été blessé au combat - "nous sommes maintenant peu nombreux. Le Peuple disparaîtra bientôt entièrement, comme les bisons de notre pays. Je suis le grand homme-médecine de mon peuple et mon devoir est d'assurer sa survie. Cela n'est possible pour nous qu'en intégrant le monde de l'Homme Blanc - je veux dire que nos enfants doivent devenir membres de votre tribu. C'est pourquoi nous avons l'honneur de demander au Grand Père le présent de mille femmes blanches. Nous les épouserons afin d'apprendre, à nous et à nos descendants la vie nouvelle qu'il nous faudra mener quand le bison aura disparu" (...)
"Ainsi reprit-il enfin, nos guerriers logeront leur graine de cheyenne dans le ventre des femmes blanches. Elle s'épanouira dans leurs entrailles et la prochaine génération de nos enfants viendra au jour dans votre tribu pour jouir de tous les privilèges qui y sont associés".

Un roman très réussi qui nous emporte totalement.

Que l'année 2017 vous apporte de belles lectures !

JC Togrège
29/12/2016







mercredi 28 décembre 2016

NOEL /// CHANSON INCONTOURNABLE : PETIT PAPA NOEL

PETIT PAPA NOEL
L'HISTOIRE DE LA CHANSON
-


S'il y a une chanson incontournable chaque mois de décembre, et cela depuis des décennies, c'est bien ce "Petit Papa Noël", tube intemporel connu de toutes les générations.

Tout concert de Noël, se déroule-t-il en maison de retraite, salle des fêtes, à l'Eglise, sur la place du village,  ne peut que se terminer par  "Petit Papa Noël".

Tout à chacun, toutes générations confondues, en connait les paroles et se plait à les entonner. Pour les petits, c'est plein d'espoir qu'ils la chantent dans l'attente du miracle de la distribution des cadeaux, et pour les grands c'est la nostalgie de la petite enfance et de tout ce que cela comporte de merveilleux.

Beaucoup, même parmi les jeunes, y associent aussitôt le nom de Tino Rossi alors que bien d'autres chanteurs l'ont enregistrée depuis. En somme une chanson consensuelle amenant le sourire sur toutes les lèvres.

Mais d'où vient cette chanson ?

Se rappelle t-on qu'elle fut chantée pour la première fois par Tino Rossi dans un film musical sorti en décembre 1946 et se nommant "Destins" ?

Curieuse destinée d'ailleurs pour ce film de Richard Pottier complétement oublié aujourd'hui qui ne laissa une postérité exceptionnelle qu'à une seule de ses chansons, ce fameux "Petit Papa Noël" composé par Henri Martinet avec des paroles de Raymond Vinci.

Alors et le scénario me direz-vous ?

Le film étant disponible sur you tube, nous l'avons regardé et comprenons qu'il soit tombé dans l'oubli. Tout tourne autour de Tino Rossi et de ce qu'on peut appeler ses roucoulades. Ce n'est pas que ce soit totalement mauvais, parfois cela a même un charme un peu désuet mais reconnaissons qu'il ne s'y passe pas grand chose.

C'est une histoire de jumeaux (Tino Rossi y joue les deux rôles), l'un a réussi et est devenu un chanteur populaire et l'autre a raté sa vie et sort de prison. Ce dernier fait alors "chanter" son frère allant jusqu'à kidnapper son neveu pour lui extorquer de l'argent.

Dans le film, "Petit Papa Noël" est la berceuse que chante son papa à son enfant de 4 ans nommé Jacky pour l'endormir. Plein de bons sentiments à la guimauve, le film se terminera bien.

Il faut se rappeler que Tino Rossi était alors une vedette d'une très grande popularité, notamment auprès du public féminin. Certains n'hésitaient pas à dire qu'il était le "Rudolph Valentino" français. Il avait déjà tourné dans une dizaine de films et était "bankable", comme l'on dirait aujourd'hui, c'est à dire qu'un film pouvait se monter sur son nom et rapporter gros.


https://www.youtube.com/watch?v=WQushjP2Wqk


Cette chanson, utilisée à plusieurs reprises dans le film comme un leitmotiv, a  depuis conquis une place de 1er choix dans la magie de Noël et gageons que ce sera pour longtemps encore.

JC Togrège
28/12/2016

Extrait de "Variations autour de Noël" 

mercredi 21 décembre 2016

LIVRE /// DU COTE DE CHEZ SWANN DE PROUST

CHARLES SWANN ET ODETTE DE CRECY
 

La lecture de Proust à haute voix, au final, c'est une méthode qui me convient bien puisque je viens de finir ce 1er roman de "A la recherche du temps perdu".

Certes, c'est plus long car il m'aura tout de même fallu 5 semaines, tout en alternant avec d'autres livres.

 "Du côté de chez Swann" est en trois parties. Dans la 1ère nommée "Combray"  le narrateur raconte son enfance (dont l'épisode de "la Madeleine" qui a fait l'objet d'une chronique précédente) et c'est écrit à la 1ère personne du singulier. Dans la 2ème partie qui est antérieure, car se passant avant la naissance du narrateur, c'est à la 3ème personne du singulier et cela conte les amours de Charles Swann et d'Odette de Crécy. Enfin, dans la 3ème partie beaucoup plus courte (Nom de pays, le nom) c'est un retour au narrateur nous parlant de son amour d'enfance pour Gilberte, la fille de Swann.

L'amour de Swann pour Odette repose d'abord sur un malentendu d'ordre esthétique. Ce dandy fortuné et séducteur, n'est pas vraiment attiré par Odette lorsqu'il la rencontre, ce n'est pas son type de femme. Mais elle lui fait penser à un personnage de tableau de Botticelli, cela va l'intriguer et la faire voir sous un jour différent.

Cette Odette, disons-le de suite, nous lecteurs, nous comprenons très vite que c'est une "cocotte" de luxe, une demi-mondaine comme on les appelait à cette époque. L'on perce son jeu de séduction, encouragé dans le salon de Mme Verdurin  rempli de snobs ridicules dont l'auteur se moque avec humour.

Les jeux de l'amour et de la séduction, le bonheur (avec des petits riens tels la phrase musicale de la sonate de Vinteuil qui est comme leur hymne, des formules propres à eux deux "faire cattleya"), la désillusion, la jalousie, toutes ces phases nous sont largement décrites.

Et pour finir, Swann, redevenu lucide, aura ce propos " Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre!"

En conclusion, je dirai qu'il ne faut pas avoir peur de Proust, c'est un auteur accessible au plus grand nombre. Il est juste nécessaire d'adapter sa vitesse de lecture pour en apprécier le style, ses longs développements, ses belles tournures. Et quel plaisir que son bon usage de l'imparfait du subjonctif !

 Il y a aussi de l'humour et de l'ironie notamment dans la description des salons mondains, des pages pleines de poésie magnifiant la nature, des analyses pertinentes sur le temps.

Extrait :

"Mme Verdurin, voyant que Swann était à deux pas, prit cette expression où le désir de faire taire celui qui parle et de garder un air innocent aux yeux de celui qui entend, se neutralise en une nullité intense du regard, où l'immobile signe d'intelligence du complice se dissimule sous les sourires de l'ingénu et qui enfin, commune à tous ceux qui s'aperçoivent d'une gaffe, la révèle instantanément sinon à ceux qui la font, du moins à celui qui en l'objet"

Bonne et belle lecture

JC Togrège
21/12/2016

PS Petit détail amusant : hier soir, alors que nous étions couchés, je lisais la préface (car je lis les préfaces après avoir lu le livre, certaines racontant trop le récit), quand la fatigue venant, mes yeux se fermèrent, mes mains se détendirent; le livre tomba à deux centimètres de la tête de mon épouse qui sursauta. Etre mariée à un lecteur comporte des risques ...





dimanche 18 décembre 2016

NOEL /// BELLE NUIT DOUCE NUIT

STILLE NACHT, HEILIGE NACHT -


  BELLE NUIT, SAINTE NUIT
 
Il était une fois la légende de l’un des chants de Noël les plus célèbres de par le monde : « Stille Nacht, heilige Nacht » ou « Belle nuit, sainte nuit ».

Oberndorf, petite ville autrichienne proche de Salzburg, à la lisière de la frontière allemande.

Le vent souffle fort, l’hiver est rude en cette fin d’année 1818, l’on entend même les loups hurler au loin dans la nuit. Les rues enneigées et glaciales sont désertes, les habitants se calfeutrant dans leur maison.

Le Père Joseph Mohr est dans sa petite église Saint Nicolas, ses préoccupations vont vers les préparatifs de la messe de Noël, qui aura lieu dans deux jours. Il n’a été nommé Prêtre dans cette paroisse que depuis un an et ne veut pas manquer cette célébration où les fidèles seront nombreux.

Il réfléchit à son prêche et aux musiques qui accompagneront cette messe. Il passe les doigts nonchalamment sur le clavier de l’orgue pour y jouer quelques notes, il aurait temps aimer être musicien et mettre ses poèmes en musique. Et là, en guise de son, c’est un souffle épuisé, asthmatique  qui sort des entrailles de l’instrument.

Précipitamment, il enfile sa cape, se rend chez l’instituteur, Franz Xaver Gruber qui est aussi l’organiste de l’Eglise. Par chance, il est chez lui. Aussitôt le prêtre l’amène sur le lieu de son inquiétude. L’examen de l’instrument permet de comprendre que les soufflets de l’orgue ont été rongés par les souris. Quelle calamité que ces rongeurs qui prolifèrent quoiqu’on y fasse !

La réparation n’est pas possible en si peu de temps, et puis les routes sont impraticables, tout est gelé. Les deux hommes sont anéantis, c’est la messe de Noël qui est compromise ! Comment la concevoir sans musique ?

Le Père Joseph ne veut pas décevoir ses fidèles ouailles et les priver de la magie de Noël. Il sait que l’instituteur, à ses heures libres, compose sur sa guitare. Il lui remet un poème qu’il a écrit il y a peu « Stille Nacht, Heilige Nacht » et lui demande d’en faire une mélodie pour guitare et voix. Cela permettrait de sauver la cérémonie.

En deux jours, naquit alors une chanson magique qui séduisit d’abord les habitants de la petite ville d’Oberndorf avant de traverser les frontières, les continents et le temps pour devenir incontournable.

Peut-on dire que l’esprit de Noël souffla sur le compositeur ?

Même si ceci n’est qu’une légende enjolivée à partir de faits réels, il est bon d’y croire car Noël c’est précisément le moment où l’on doit croire au merveilleux.

Alors belle et douce nuit de Noël à tous...

JC Togrège
06/12/2015


Extrait du recueil "Variations autour de Noël"(à paraître)

LIVRE /// TANA FRENCH ROMANCIERE IRLANDAISE ?

COMME DEUX GOUTTES D'EAU
TANA FRENCH


Auteur irlandais ou pas ?

Tana French est née aux Etats-Unis mais a grandi en Irlande, en Italie et au Malawi  (Afrique Australe)

Tana French vit maintenant en Irlande depuis 1990 où elle y publie des romans policiers se déroulant dans ce pays.

Alors romancière irlandaise ou pas ?

Il s'agit d'une histoire d'infiltration d'une policière au sein d'un groupe que les enquêteurs appellent "le club des cinq", ce qui représente en soi un petit clin d'œil à nos lectures d'enfant.

Ce "club des cinq", ce sont 5 étudiants (3 garçons, 2 filles) qui vivent ensemble, presque dans un monde clos, fréquentant peu leurs autres condisciples. L'une des filles, Cassie, est retrouvée assassinée dans des circonstances bizarres. Etant le sosie d'une policière, la police va faire croire qu'elle s'en est sortie après un coma lui ayant provoqué une amnésie partielle, et l'infiltration peut se faire...

La difficulté de la policière, Cassie Maddox, qui va prendre la place de Cassie, c'est qu'elle va d'abord être en empathie avec le groupe, puis se prendre de sympathie pour ces jeunes pas comme les autres qui vivent en amitié, partageant tout, dans une vieille demeure que l'un d'eux a reçu en héritage. Comment rester lucide et objective dans une enquête dans ces conditions ?

Outre l'intrigue policière, ce sont justement les rapports de Cassie avec la bande qui nous intéressent, ainsi que leur façon à tous de vouloir vivre différemment avec de beaux idéaux.

Et puis la personnalité de la jeune fille assassinée est très complexe, elle fuit tout le temps, prenant à chaque fois une nouvelle identité...

Extrait :

Cette histoire est celle de Lexie Madison, pas la mienne. J'aurais aimé raconter l'une sans m'immiscer dans l'autre, mais c'est impossible. Je croyais nous avoir fermement cousues, toutes les deux, épaule contre épaule, avoir bien serré les sutures mais être capable de les briser. Or, peu à peu, nos liens se sont raffermis, approfondis ; ils sont devenus souterrains, invisibles. Et ils m'ont échappé. Pourtant, je suis responsable : de tout ce que j'ai fait.

Bonne et belle lecture

JC Togrège
18/12/2016


vendredi 16 décembre 2016

LIVRE /// L'HORIZON DE PATRICK MODIANO

 
L'HORIZON
DE PATRICK MODIANO


Ouvrir un "Modiano", c'est comme retrouver un vieil ami avec qui l'on reprend le fil de la conversation arrêtée, avec qui l'on se sent tout de suite bien, en connivence, et même en osmose.

L'on sait qu'au delà de l'histoire, souvent assez tenue, ce qui nous charmera ce sera d'abord le ton du récit, l'ambiance, la relation au temps, aux souvenirs. L'ambiance de ces romans, mais comment décrire cela ? C'est la petite musique de l'écrivain, on la ressent ou on ne la ressent pas.

Cela me fait penser à sa formule "le printemps de l'hiver" pour décrire les jours ensoleillés de janvier et février qui se prêtent à la promenade. Quelle jolie façon d'exprimer les choses !

Lire un "Modiano", ce n'est pas qu'un moment de lecture, c'est beaucoup plus et c'est difficile à expliquer. Son style est si unique qu'il nous emporte à chaque fois quelque soit le sujet, aussi peu consistant soit-il.

Le personnage du roman, la soixantaine, fait vagabonder sa mémoire sur différents épisodes de sa jeunesse et se souvient de Margaret Le Coz, jeune fille énigmatique, qu'il rencontra par hasard 40 ans plus tôt, qu'il fréquenta et perdit un jour où elle s'enfuit dans un train. Tous les deux avaient en commun de fuir quelqu'un qui les harcelait.

C'est une quête de la mémoire (comme très souvent chez l'auteur), une enquête  qui nous mène en France et en Allemagne. Ce n'est pas de la nostalgie en temps que telle, c'est au-delà, une recherche des moments vécus reconstitués petit à petit.

Par delà ses réminiscences vieilles de 40 ans sur cette relation avec Margaret, c'est une interrogation sur le temps qui passe, les chemins empruntés (pourquoi celui-ci, plutôt qu'un autre ?), la permanence des lieux (leur mémoire ?) et sur l'horizon.

L'horizon, voici ce qu'il en écrit "au moins avec le doute, il demeure encore une forme d'espoir, une ligne de fuite vers l'horizon. On se dit que le temps n'a peut-être pas achevé son travail de destruction et qu'il y aura encore des horizons."

L'horizon, c'est un peu comme l'espoir, l'avenir  non ?

Sur cette question, je ne peux que vous recommander ce beau roman publié en 2010.


Extrait :

"Mais, à mesure qu'il remontait le cours du temps, il éprouvait parfois un regret : pourquoi avait-il suivi ce chemin plutôt qu'un autre ? Pourquoi avait-il laissé tel visage ou telle silhouette, coiffée d'une curieuse toque en fourrure et qui tenait en laisse un petit chien, se perdre dans l'inconnu ? Un vertige le prenait à la pensée de qui aurait pu être et qui n'avait pas été"

Bonne et belle lecture

JC Togrège

samedi 10 décembre 2016

CINE /// MOI, DANIEL BLAKE


MOI, DANIEL BLAKE
 
 
Un film de Ken Loach
avec Dave Johns, Hayles Squires, Dylan McKiernan

Une monumentale claque à l'ultra-libéralisme  !

Voilà ce qu'est pour moi ce film social où Ken Loach dépeint les laissés pour compte du système économique qui sévit en Angleterre, où les plus faibles sont laminés par des administrations sans âme.

Daniel Blake est un homme malade approchant la soixantaine (il a fait un grave infarctus),  qui a travaillé honnêtement toute sa vie comme menuisier. Il se retrouve face à des pseudo "professionnels de santé" qui le jugent apte à reprendre une activité, à travers des questionnaires rigides et inadaptés, tandis que son médecin lui interdit formellement de retravailler.

Le voilà dans une situation à la Kafka ! Puisqu'il ne peut pas toucher de pension d'invalidité, il faut qu'il s'inscrive comme demandeur d'emploi pour espérer toucher une allocation lui permettant de subsister, tout en sachant qu'il n'a plus les capacités pour travailler. Il lui faut alors prouver qu'il cherche du travail, sous peine de sanctions financières.

Au cours de ses multiples entretiens auprès du  Pôle Emploi britannique, il se trouve face à des "conseillers" sans empathie, récitant des formules apprises par cœur. Gare à l'employé qui s'éloigne de ce rôle, le manager le rappelle alors vite à l'ordre.

Il y rencontre Katy, une jeune mère avec deux enfants, également plongée dans la détresse. Une amitié va naître entre eux, chacun essayant de secourir l'autre et d'apporter un peu de chaleur dans un monde qui les exclut.

Daniel Blake va se heurter à la dureté d'un système qui broie les plus pauvres. Malgré cela, il va demeurer combattif, debout et digne, rappelant son identité d'être humain qui a droit au respect comme tout à chacun, d'où ce titre  qui clame son nom "Moi, Daniel Blake".

Alors qu'il sait tout faire de ses mains, il lui faut affronter le monde inconnu de l'informatique pour télécharger les formulaires demandées pour faire valoir ces droits, dans une société moderne où lui dit-on tout est dématérialisé.

La réalisation est sobre et efficace, le jeu des acteurs excellent, le tout pour servir un discours militant profondément humaniste et décrier un néo-libéralisme ravageur et cynique.

Sans entrer une seule minute dans le pathos (malgré des scènes difficiles) ce film bouleverse, nous fait réfléchir et nous indigner.

Je n'ai pas pu m'empêcher d'établir un parallèle avec certains programmes politiques français. Le message n'en était que plus percutant et glaçant.

Gare à nous, à ce que l'Angleterre d'aujourd'hui ne soit pas la France de demain...

Cinéphilement vôtre

JC Togrège

PS : Pour les personnages habitant à Reims ou aux alentours, je signale que ce film est encore en salle au cinéma Opéra de Reims.


 

jeudi 8 décembre 2016

NOEL /// LA MAGIE DE NOEL



LA MAGIE DE NOËL




 La magie de Noël n'existe pas pour tous. Certains ne voient dans cette fête qu'une grande occasion de faire un bon repas en famille sans pour autant y investir énormément... si ce n'est de l'argent. C'est une manière de vivre qui s'inscrit parfaitement dans la gabegie commerciale de notre Occident décadent où tout s'achète mais sans valeur affective réelle.

D'autres au contraire vont y investir beaucoup de sentiments, de "vivre ensemble", de communion de vie et de pensée. Certains y ajouteront du religieux, se rappelant la signification première de cette célébration.




En somme, tout dépend du contexte familial de chacun et de la transmission de valeurs avec ce que cela suppose de difficilement compréhensible pour ceux qui n'ont pas été du cocon familial d'origine. Et encore, c'est sans compter sur le risque d'étiolement génération après génération, jusqu'à un retour aux sources peut-être plus tard.

Alors, oui, pour nous l'expression "magie de Noël" a un sens, car nos parents le vivaient ainsi et nous l'ont léguée avec cette dose de "merveilleux" qui fait briller les yeux des tout petits et des plus grands ensuite, s'il leur reste encore un peu de leur esprit d'enfance en eux. Ce n'était pas un jour comme un autre, tout devait être vécu plus fortement, plus intensément, en dehors de la réalité quotidienne.

Il était une fois la nuit de Noël ! C'est comme un conte de fée dans lequel le Divin s'est introduit...

Chaque famille y met de ses valeurs, de sa culture, de l'intime de vie qui fait que c'est un clan où il fait chaud et où chacun se reconnait.

Une fois le clan dispersé par les aléas de la vie, il peut s'avérer difficile de perpétuer le rituel tel qu'on l'a vécu, car il n'est pas compris par ceux qui viennent d'une autre famille, d'un autre clan, d'une autre histoire. Et puis le manque des absents peut s'avérer trop fort.

Il reste alors à trouver d'autres cheminements pour vivre cette magie de Noël avec ceux qui nous sont chers. Ce ne sera pas renier ce qui fut transmis mais le faire vivre autrement, sous une autre forme mais toujours avec ce même esprit de merveilleux et de partage.

Bonnes fêtes de Noël à tous !


JC Togrège

mardi 6 décembre 2016

LIVRE / LES ECRIVAINS IRLANDAIS


LES ECRIVAINS IRLANDAIS
 
 
La médiathèque de Bazancourt ayant mis à l’honneur l’Irlande pour sa saison culturelle 2016/2017, je me suis tourné vers quelques auteurs de ce pays.
 
Je me suis aperçu que, spontanément, très peu d’écrivains irlandais me viennent à l’esprit ou alors j’avais oublié qu’ils étaient de cette nationalité, tels Bram Stocker (Dracula) ou Jonathan Swift (les voyages de Gulliver). L’on peut ajouter à ces noms Samuel Beckett, James Joyce et Oscar Wilde à la renommée flatteuse et méritée.
 
Et vous, en connaissez-vous beaucoup ?
 
Après avoir relu Oscar Wilde dont j’apprécie beaucoup le style (j'en ai parlé dans mes chroniques précédentes), j’ai voulu me tourner vers des auteurs plus contemporains et là je confesse mon inculture...
 
Alors j’aurais pu me lancer dans « Ulysse » de James Joyce mais il a la réputation d’être abscons et je n’en ai pas eu le courage.
 
Sempé (dessinateur dont j’adore l’humour et le trait de crayon) n’a rien fait pour m’y encourager car l’un de ses dessins représente une bourgeoise allongée sur un fauteuil qui déclame  péremptoirement :
 
- Quand nous sommes arrivés, j’ai dit aux enfants et à Jean-Robert :
«  Qu’on me laisse tranquille. » Et j’ai repris Ulysse de Joyce que j’avais abandonné l’année dernière. Pareil : je n’ai rien compris. Les Chagrin-Bérard, les Tournevilles et les Bridoux sont venus dîner. Le livre trainait quelque part : tout le monde l’avait lu, ce qui tombait bien, ai-je dit, car j’avais besoin de certains éclaircissements.
Une inquiétude telle est apparue sur les visages que j’ai eu le flair d’ajouter :« Quoique, la traduction est tellement mauvaise... » Tout le monde a été d’accord avec moi, l’atmosphère s’est détendue et nous avons dîné agréablement »
 
Je  verrai Joyce  plus tard, une fois que j’aurai fini Proust...
 
J’ai découvert les nouvelles de Claire Keegan par son recueil « A travers les champs bleus ».En peu de pages, elle sait nous intéresser à ses personnages et à ses histoires qui se déroulent très souvent en Irlande, dans le monde rural.
 
Le style est simple, agréable et fluide. Le récit déroule les faits sans commentaires ou jugement, c’est au lecteur d’y réfléchir. Les personnages sont souvent dans le malaise, comme englués dans un quotidien qui les a piégés. Certains renoncent, quelques uns ont le courage de se libérer.
 
J’ai aimé aussi un roman court qu’elle a écrit « Les trois lumières ». Une petite fille va découvrir l’affection en étant hébergée quelque temps chez un couple de fermiers, le temps que sa mère termine sa énième grossesse. Un monde nouveau mais provisoire va s’ouvrir à elle.
 
Extrait :
 
« Je me demande pourquoi mon père ment sur le foin. Il a tendance à mentir sur des choses qui seraient bien si elles étaient vraies. Quelque part, plus loin, quelqu'un a mis une tronçonneuse en marche et elle vrombit là-bas un moment comme une grosse guêpe agressive. J'aimerais être dehors, en train de travailler.
Je n'ai pas l'habitude de rester tranquille et je ne sais pas quoi faire de mes mains. Une partie de moi voudrait que mon père me laisse là pendant qu'une autre partie voudrait qu'il me ramène, vers ce que je connais.
Je suis dans une situation où je ne peux ni être ce que je suis toujours ni devenir ce que je pourrais être.
 »
 
Bonne et belle lecture
06/12/2016
 

dimanche 4 décembre 2016

LIVRE /// OURAGAN DE LAURENT GAUDE


OURAGAN
LAURENT GAUDE
 
 
Dès les premières pages, je fus de nouveau séduit par la qualité d’écriture de Laurent Gaudé. Il n’écrit pas seulement très bien, il a surtout un style à lui, des phrases ciselées, un art d’agencer les mots. Et c’est beau !  
 
Mais si la forme est particulièrement réussie, le fond est très intéressant également.
Nous avons un récit choral de personnages qui n’ont pas fui l’arrivée de la terrible tempête qui s’abat sur la Nouvelle-Orléans. Il s’agit principalement des pauvres, des noirs des quartiers déshérités. Ils vont devoir affronter la nature en rébellion.
 
Ces personnages sont tous « habités » : Joséphine Linc.Steelson, vieille femme noire haut en couleur et grande résistante face aux épreuves, Rose et son enfant de 5 ans, femme que la vie n’a pas épargné et qui est en situation de détresse, Keanu qui a travaillé sur une plate-forme pétrolière et qui revient vers Rose qui fut son amour, sans savoir comment il sera accueilli, (Keanu comprend qu’il s’est égaré dans sa vie, qu’il a suivi un mauvais chemin), un prêtre qui disjoncte et croit entendre Dieu lui intimant l’ordre de tuer. Pour ce dernier, l'ouragan apparait pour lui comme une vengeance divine, une punition à une humanité dévoyée.
 
Et puis, il y a des prisonniers qui parviennent à s’échapper de leur prison de laquelle le personnel a fui. Le groupe se scindera assez vite en deux, certains profitant du chaos pour céder à la violence.
 
Nous passons d’un récit à un autre, d’un paragraphe à l’autre, les routes des uns et des autres se croisant dans cette ville abandonnée à la furie de l’ouragan.
 
L’ouragan n’est pas que ce déchainement de la nature, c’est aussi quelque chose que vivront ces personnages à l’intérieur d'eux-mêmes. Leur vie ne sera plus la même après.
 
Ce roman, c’est aussi celui de la résistance, de l’être qui reste debout face à l’adversité.
 
Et c’est beau, au point d’en relire ensuite certains passages à voix haute.
 
Extrait :
 
« O la fatigue des jours qui lui pèse sur les tempes, dès le réveil, à l’instant même où  il ouvre les yeux, découvrant le plafond jauni de la petite chambre de ce motel du Texas dont il n’est pas sorti depuis 4 jours. O l’épaisse touffeur de l’air et la lourdeur du corps. Il regarde autour de lui, sent, sur sa nuque, le contact désagréable de l’oreiller synthétique mouillé de sueur et sait qu’encore une fois il sera rattrapé par cette fatigue qui le harasse et le laisse, jour après jour, aussi faible qu’une ombre. »
Bonne et belle lecture
 
JC Togrège

vendredi 2 décembre 2016

MUSIQUE /// MICHEL POLNAREFF

POLNAREFF LE FLAMBOYANT


Bonjour amis de la musique,


Alors que Michel Polnareff a dû annuler son concert à la salle Pleyel à Paris hier soir pour cause d'épuisement, je me rappelle les médisances médiatiques qui avaient précédé son retour sur scène.

L'on nous affirmait qu'il allait devoir annuler des concerts, que le public ne viendrait pas, qu'une  tournée sans nouvel album ce n'était pas possible etc...

La suite, vous la connaissez, sa tournée fut un triomphe et bien entendu son public était au rendez-vous. Certes, nous aurions aimé un nouvel album studio qui se laisse désirer, le dernier datant de 1990.


Voici ci-dessous ce que j'avais alors écrit au retour d'Epernay où avait lieu son 1er concert. Je ne prétends pas que ce soit totalement objectif, car cela vient d'un fan absolu...

Bon rétablissement à l'Amiral !

Musicalement vôtre

JC Togrège
03/12/2016


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30 avril 2016, 19 h, nous prenons la voiture et nous mettons en condition avec le CD live " Ze re tour 2007" dans le lecteur, et c'est direction Polnaville (autrement dit le Millésium à Epernay). Nous arrivons sur le parking qui fourmille de véhicules, preuve avant le concert que les détracteurs de l'artiste avaient tort : oui, le polnapublic est au rendez-vous !

C'est drôle comme en France, on aime démolir les quelques stars que nous pouvons avoir. Et Polnareff, c'est de ce niveau-là, une véritable star, un musicien des plus inspirés, une voix inimitable, un pianiste, une légende en somme !

Et c'est le polnashow qui démarre et nous emmène dans un tourbillon de tubes intemporels, le tout très rythmé, sans temps mort, servi par des jeux de lumière et des projections touchant à l'art. C'est visuellement parfait et très beau, c'est un spectacle en soi qui s'ajoute à l'excellence musicale et à la voix unique de Michel Polnareff. Le concert laisse s'exprimer les musiciens (en jazz on parlerait de chorus) qui sont d'un niveau exceptionnel. De même pour les choristes au dynamisme époustouflant, d'ailleurs l'on ne peut guère parler de choristes mais plutôt de chanteuses qui accompagnent l'artiste et qu'il met en valeur.

J'ai même trouvé le concert plus tonique, plus rock, plus enlevé que le précédent remontant à 9 ans et qui était déjà en soi une réussite exceptionnelle. La nouvelle version d'Ophélie m'a largement séduit, de même que "l'homme en rouge" si injustement décrié à sa sortie.

J'ai apprécié d'entendre les titres "Rosy" et "Où est la Tosca ?" qu'il n'avait pas chantés depuis un moment. Comment décrire l'incontournable "bal des Laze" qui prend des allures de rock symphonique ? Et puis, bien sûr, n'oublions pas la magie qui s'opère dès que Polnareff se met au piano.

L'hommage à Prince au détour de la chanson "je t'aime" avec une reprise de "Purple rain" est très bien amené et fortement réussi. Cela permet à Polnareff de glisser la phrase " c'est une des raisons pour lesquelles il faut aimer les artistes de leur vivant"... Comprend qui veut ou qui peut !

Polnareff n'a pas 71 ans, il se fout du temps, il est intemporel, ses chansons ne sont pas datées, elles sont simplement géniales.

Son lien avec son public est intact et en sort renforcé après ce spectacle éblouissant.

Ce polnashow, c'est Polnareff le Flamboyant !

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LIVRE /// PROUST A HAUTE VOIX

JE ME SUIS REMIS A PROUST



Il y a environ quinze ans, j'avais commencé à lire Proust sans aller bien loin, tout en me promettant d'y revenir. Les douze fascicules avaient été soigneusement rangés dans ma bibliothèque. Je les revoyais de temps à autre, comme des amis vers qui je savais que je reviendrai un jour ou l'autre. Je ne les oubliais pas, notre rendez-vous était simplement différé.

Reconnaissons que ce n'est pas le genre d'œuvre que l'on peut lire à la va vite, après une longue journée de travail, en soirée ou juste avant de s'endormir. Les longues phrases, les développements très poétiques, les digressions ne sont pas compatibles avec l'état de fatigue; ils demandent une attention complète, un éveil total de l'être, une disponibilité.

C'est qu'il en faut du temps pour apprécier " A la recherche du temps perdu" constitué de 7 romans et d'un nombre de pages impressionnables.

Mais ça y est, je m'y suis remis en optant pour une lecture à haute voix.

Vous me direz qu'il vaut mieux être seul pour se livrer à cet exercice pour ne pas déranger et surtout pour ne pas passer pour légèrement "maboul". Mes chats n'en semblent pas gênés...

Cela me permet d'éviter l'écueil d'une lecture trop rapide avec le risque de me perdre dans les longues phrases et nombreuses parenthèses ou apartés de l'auteur.  Une fois certaines parenthèses fermées, je reviens sur les quelques mots la précédant pour reprendre le cours de la phrase.

Et puis, surtout, ainsi je goûte vraiment à la saveur du style, de cette langue très belle et pleine d'images. Il m'arrive aussi de m'arrêter et de laisser vagabonder mon esprit parti lui aussi vers ses propres "petites madeleines", en résonnance à celles du livre.

La méthode doit me convenir car je viens de finir le premier tome de "Du côté de chez Swann" au cours duquel j'ai fait connaissance avec le village de Combray et la maison de la Tante Léonie où le narrateur allait enfant avec ses parents pendant les vacances.

Que de passages savoureux !   Le baiser de la maman au coucher de son fils, la description des Aubépines et bien sûr la fameuse "Madeleine" dont je vous parlerai plus tard.

Alors, certes il me reste encore 11 tomes à lire mais "s'embarquer" pour Proust, c'est un voyage de plusieurs mois...

Bonne et belle lecture

JC Togrège
30/11/2016

LIVRE /// LA PETITE MADELEINE DE PROUST

DU COTE DE CHEZ SWANN
MARCEL PROUST


Bonjour amis de la lecture,

Il est fréquent d'entendre l'expression :" C'est ma (petite) madeleine de Proust !", ou la question dans des émissions  " Et vous, quelles sont vos (petites) madeleines de Proust ?"

Mais que se cache t'il derrière cela ?

Certes, l'on sait que c'est tiré de "Du côté de chez Swann", 1er roman de "A la recherche du temps perdu", que l'on ait lu ou non Proust. J'emploie volontairement l'adverbe "certes", car je l'aime bien (eh oui ! on a tous des mots comme cela qu'on chouchoute et qu'on aime replacer) et me suis aperçu qu'il est assez fréquemment utilisé par l'auteur. Alors pourquoi me gêner !

Mais revenons à notre "madeleine".

Le narrateur nous raconte l'épisode où sa mère l'invite à boire du thé dans lequel il trempe une petite madeleine dont le goût déclenche en lui une réminiscence du passé alors qu'il était enfant.

Extrait :

" Et tout à coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse gouté..."

Dans le roman, il nous est expliqué le rôle essentiel de l'odeur et la saveur pour faire surgir des souvenirs de l'enfance, ce que nous avons tous pu vérifier à un moment ou à un autre.

Extrait :

Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir"

Aujourd'hui,  l'expression a pris un sens plus large pour nommer un souvenir de jeunesse chargé d'émotions surgi du passé par le fait d'un événement, d'un lieu, d'une odeur, d'une saveur etc.


Je terminerai par une réplique qui n'a rien à voir avec ce qui précède, si ce n'est de figurer dans le 1er tome que je viens de finir.

Alors qu'il doit regagner son domicile parisien, Mr Legandin parle du plaisir qu'il y a à séjourner à la campagne  et dit alors à l'enfant : "Tâchez de garder toujours un morceau de ciel au dessus de votre vie..."

N'est-ce pas ce que l'on peut souhaiter à tout chacun ?

Bonne et belle lecture

JC Togrège
02/12/2016

PS Cette idée de chronique m'est venue après une conversation avec Annie.





lundi 28 novembre 2016

LIVRE /// LES NOUVELLES D'OSCAR WILDE


LES NOUVELLES D’OSCAR WILDE
 
 
 
La lecture du roman d’Amélie Nothomb « le crime du comte Neville » (son cru de 2015) m’a amené tout naturellement vers Oscar Wilde, puisqu’elle s’est servie d’une idée de celui-ci, cela sans s’en cacher.
 
 
C’est là l’un des plaisirs de la lecture, ces passerelles d’un livre vers un autre, comme autant de découvertes à faire. Qu’un auteur donne envie de replonger dans les œuvres d’un autre, c’est cela la grande chaîne de la littérature. C’en est d’autant plus intéressant quand il s’agit de quelqu’un qui n’est plus au-devant de la scène et à qui l’on n’aurait pas songé de prime abord.
 
 
Une voyante prédit au comte de Neville qu’il va tuer une personne lors de la prochaine réception qu’il organise. Cette prédiction macabre, c’est précisément le sujet d’une des nouvelles d’Oscar Wilde : « Le crime de Lord Arthur Savile ».
 
Un chiromancien lit dans la main de Lord Arthur Savile une annonce du même type, sans que le détail nous en soit donné explicitement. Mais il s’agit bien d’un meurtre également, ce qui va amener le personnage à reculer son mariage. C’est d’ailleurs cela qui le perturbe vraiment, plus que le fait d’avoir à choisir une victime pour se débarrasser de la prédiction et reprendre le cours de son existence.
 
Dans une autre nouvelle, « Le Fantôme de Canterville », nous faisons la connaissance d’un fantôme qui n’arrive pas à effrayer une famille venant d’emménager dans son château, devenant même le souffre douleur de jumeaux.
 
 
Le charme de ces récits tient au style (c'est très bien écrit) et à l’humour « british » (oui, je sais Wilde est irlandais !) de l’auteur qui aime dépeindre avec une douce ironie la société de la fin du XIXème siècle. A ceci ,s’y une touche de fantastique qui agrémente ses récits.
 
Et enfin, comme je vous l’ai déjà dit, j’aime beaucoup la lecture de « nouvelles » la nuit, lorsque les insomnies se présentent. Je les trouve adaptées car l’on peut espérer que la lecture d’une seule pourra suffire avant de se rendormir et si ce n’est pas le cas, poursuivre avec une autre et une autre...
 
 
Extrait (Le fantôme de Canterville)
 
« Quelque temps après, Mr Otis fut réveillé par un bruit bizarre dans le couloir, à l’extérieur de sa chambre. On eût dit un tintement de métal, et il semblait se rapprocher d’instant en instant. Il se leva immédiatement, frotta une allumette, et regarda l’heure. Il était exactement une heure. Mr Otis était très calme, et se tâte le pouls, qui n’était nullement fébrile.
 Le bruit étrange se prolongea encore, et il entendit en même temps distinctement un bruit de pas. Il chaussa ses pantoufles, prit dans sa mallette une petite fiole oblongue, et ouvrit la porte. Juste en face de lui il vit, au  pâle clair de lune, un vieillard d’aspect terrible. Il avait des yeux rouges pareils à des charbons incandescents ; une longue chevelure grise lui tombait sur les épaules en tresses emmêlées ; ses vêtements, d’une coupe ancienne, étaient salis et élimés. De lourdes menottes et des fers rouillés lui pendaient aux poignets et chevilles.
« Cher monsieur, dit Mr Otis, permettez-moi vraiment d’insister auprès de vous pour que vous huiliez ces chaines : je vous ai apporté à cette fin un petit flacon de lubrifiant Soleil Levant Tammany. On le dit totalement efficace dès la première application, et il y a , sur l’emballage, plusieurs attestations allant dans ce sens, émanant de quelques-uns de nos ecclésiastiques les plus éminents. Je le laisse ici à côté de vous, à côté des veilleuses, et je me ferai un plaisir de vous en fournir encore au cas où vous en auriez besoin »
 
Bonne et belle lecture
28/11/2016

CINE /// CINEMA DE MINUIT / 2 / GABIN /

Bonjour amis du Cinéma,


Vous l'avez compris avec ma chronique précédente, nous nous faisons notre "cinéma de minuit" entre 20 h et 22 h en visionnant les grands films du cinéma français des années 30/40.

Ces films sont en noir et blanc, me direz-vous ? Et alors, ils ont une telle esthétique qu'ils restent beaux à voir, les acteurs sont si imposants et brillants que nous ne nous en lassons pas surtout quand ils sont servis par des réalisateurs de premier plan.

Après Michel Simon, nous nous sommes tournés vers Jean Gabin quand il jouait l'homme du peuple luttant contre un destin difficile. C'est bien loin du Gabin cabotinant des années 1970 où les beaux rôles se faisaient rares.

Il eut  à camper en ce temps des personnages formidables dans "le jour se lève" (1939) de Marcel Carné, "Les bas-fonds" (1936) de Jean Renoir,  "la belle équipe" (1936) de Julien Duvivier, "La grande illusion" (1937) de Jean Renoir.

N'ayons pas peur des mots, ces films sont des chefs d'œuvre à recommander sans limitation. L'on peut même parler de réalisme poétique !

Dans "La belle équipe", c'est la France du Front populaire qui apparaît avec ces cinq copains  chômeurs gagnant à la Loterie Nationale. Plutôt que de partir chacun de leur côté, ils décident d'unir leurs moyens et leurs forces pour ouvrir une guinguette. Le sort s'acharnera sur leur amitié, avec notamment l'intervention d'une femme (Viviane Romance - remarquable) qui viendra semer la discorde.

Point très curieux, ce film eut deux fins :  Une pessimiste qui était celle voulue par le réalisateur et une autre optimiste demandée par la Production. A chacun de choisir celle qu'il préfère !
La pessimiste qui est l'aboutissement logique du drame ou la positive pour se faire plaisir car au final on aime quand ça finit bien ?

Et puis, il y a aussi la chanson "quand on se promène au bord de l'eau" à travers une scène inoubliable quand la belle équipe pensait avoir réalisé son rêve :

https://www.youtube.com/watch?v=Mi-WY_1zf-8

Autre grand film, "les Bas-fonds" où Jean Gabin (petit cambrioleur) donne la réplique à Louis Jouvet (aristocrate ruiné). Jean Renoir donne alors dans le réalisme social en adaptant un roman de Maxime Gorki.

Je ne me rappelais plus la scène finale où un couple prend la route, riche simplement de sa foi en leur amour, ce qui ne fut pas sans me rappeler les images de fin des "Temps modernes" du génial Chaplin.

Cinéphilement vôtre







mardi 22 novembre 2016

MUSIQUE /// POURQUOI LES MUSICIENS HONORENT-ILS SAINTE CECILE ?

POURQUOI LES MUSICIENS HONORENT-ILS
 
SAINTE CECILE ?


Certes, il y a la légende de la Sainte martyre aimant les arts et notamment la Musique, qui vécut aux alentours des IIème et IIIème siècles.

L'on y raconte que Cécile, fille d'un patricien de la noblesse sicilienne, était non seulement séduisante mais dotée d'une très jolie voix dont elle usait pour louer Dieu.

Si la Musique lui fut d'un grand recours tout au long de sa vie, deux épisodes capitaux furent déterminants pour qu'elle devînt la patronne des musiciens.

Alors qu'elle avait décidé de consacrer sa vie à la religion, son père décida de la marier. Lors de la nuit de noces, Cécile se présenta devant son mari en chantant, tout en s'accompagnant d'un petit orgue portatif comme il y en avait à cette époque. Elle le convainquit de respecter son vœu de chasteté et alla jusqu'à le convertir à sa foi.

Et puis, lorsqu'elle fut condamnée à mort à Rome, elle aurait entendu une musique céleste et se serait mise à chanter avant son exécution. Le bourreau en fut si troublé qu'il abattit maladroitement à trois reprises sa hache sur Cécile, sans parvenir à la tuer. La loi romaine proscrivant un 4ème coup de hache, son agonie dura trois jours.

Pour lui rendre hommage et la glorifier, de grands compositeurs ont composé des œuvres, tels  Charles Gounod, Henri Purcell, Ernest Chausson, Benjamin Britten.

https://www.youtube.com/watch?v=h7GSygUXlUI

Certes, mais est-ce la seule explication pour expliquer l'engouement des musiciens à fêter encore et toujours Sainte Cécile ?

Notons que si nombre de formations musicales et chorales s'intègrent traditionnellement dans la messe, la ponctuant de différentes œuvres, d'autres font des concerts totalement laïcs toutefois toujours appelés "concert de la Sainte Cécile".

Au-delà de cette commémoration religieuse, pour les musiciens  c'est l'occasion de célébrer leur passion pour la Musique et leur joie à la partager. Une fois l'exécution musicale finie, arrive le moment festif, autour d'un verre de l'amitié ou d'un banquet.

Il faut vous dire que c'est une passion qui se vit en groupe !

Bien que venant d'horizons sociaux et professionnels différents, toutes générations confondues, ce qui compte pour toutes ces femmes et tous ces hommes, c'est de faire de la musique ensemble et l'offrir au public. C'est cela qui les rassemble, les rend heureux et fait vibrer leur âme.

Alors reconnaissez que cela vaut bien d'en faire une grande fête une fois par an.

Musicalement vôtre

JC Togrège

LIVRE /// LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY - OSCAR WILDE -



D’OSCAR WILDE

 



Parler d’un classique de la littérature est toujours un exercice difficile,  tant de choses ayant déjà été dites et écrites sur l’œuvre. Soit l’on paraphrase, soit on a l’impression de survoler et réduire la pensée de l’auteur.
 
 
Je dirai déjà le plaisir à lire cette belle langue du 19ème siècle que maîtrisait parfaitement Oscar Wilde, et le salut intellectuel à se plonger dans le passé, histoire de se rappeler que les certitudes d’une époque ne sont pas celles d’une autre. Ne pas rester dans la lecture de romans contemporains aide ainsi à mon sens à penser par soi-même et à fuir le « politiquement correct ».



 
 
 
Le roman commence par le tableau que fait un peintre d’un jeune homme, Dorian Gray, d’une stupéfiante beauté.  Ce dernier en est tellement ébloui qu’il forme un vœu :
 
« Si je demeurais toujours jeune et que le portrait vieillisse à ma place ! Je donnerai tout, pour qu’il en soit ainsi. Il n’est rien au monde que je donnerais. Je donnerais mon âme ! »
 
Sous l'influence d'un homme du monde oisif et cynique, Dorian Gray va devenir un dépravé, plongeant dans tous les vices, préoccupé de son seul plaisir, insensible aux autres.  Alors que son âme va se noircir et se refléter sur le tableau, son visage demeurera inchangé, sans ces marques du temps qui nous révèlent. Il conservera le visage  d’un ange tout en étant un parfait malfaisant.
 
Il échappe ainsi à ce qu’écrit le sociologue David le Breton : « Le visage est un mi-dire, un chuchotement de l’identité personnelle... ». 
 
Ce roman, c’est bien sûr beaucoup plus,  avec des thèmes comme l’hédonisme, la puissance de l’art, l’évocation feutrée de l’homosexualité, la critique de la société de son époque et de certaines de ses institutions (l’Eglise, le mariage), la succulence des dialogues et le cynisme de certaines théories (extrait ci-dessous)
 
 
« La raison pour laquelle nous tenons tant à penser du bien des autres, c’est que nous avons peur de nous-mêmes. Le fondement de l’optimisme, c’est la terreur absolue. Nous croyons être généreux en prêtant à autrui des vertus susceptibles de nous être de quelque utilité. Nous ne tarissons pas d’éloges pour le banquier qui tolère un découvert et trouvons quelque qualité au bandit de grand chemin dans l’espoir qu’il ne nous soulagera pas de notre bourse. Je pense tout ce que j’ai dit. Je n’ai que du mépris pour l’optimisme. Pour ce qui est des vies gâchées, seule est gâchée la vie de celui qui cesse de se développer. Si vous voulez abîmer un être, vous n’avez qu’à vouloir le changer. Pour ce qui est du mariage, bien sûr que ce serait bête, mais il existe d’autres liens plus intéressants entre les hommes et les femmes et que j’ai bien l’intention de cultiver. »


Une très belle adaptation cinématographique fut faite de ce roman en 1945 par Albert Lewin, adaptation  que je vous recommande également et qui est disponible dans toutes les bonnes médiathèques.
 

 
Affiche du film sorti en 1945


Bonne et belle lecture.

JC Togrège
11/2016



















 

vendredi 18 novembre 2016

CINE /// CINEMA DE MINUIT / 1 /

CINEMA DE MINUIT / MICHEL SIMON
 

Dans les années 80/90, j'ai enregistré nombre de films sur K7 vidéo, pour grande partie les classiques du cinéma français d'entre les deux guerres et d'après-guerre. J'achetais alors des magazines pour avoir les jaquettes correspondant aux affiches, tout était répertorié, classé et rangé dans une bibliothèque.

Le DVD est arrivé, les cassettes sont devenues encombrantes presque obsolètes et ont été mises de côté, changeant plusieurs fois de place. A plusieurs reprises, j'ai failli les jeter, pensant que les enregistrements étaient effacés ou en voie de l'être. Ma manie de tout garder l'emportait malgré tout...

Et puis, voilà que pris d'une frénésie de rangement (avec l'envie parallèle de faire un peu le vide), je retombais sur toutes ces cassettes (une bonne centaine) avec notamment tous les grands films de Michel Simon.

Ayant encore un lecteur de cassettes, je me suis aperçu que les images et le son étaient toujours en bon état, et depuis, nous nous faisons des soirées que nous avons nommé "cinéma de minuit", en référence à la célèbre émission de France 3.

Nous sommes retombés sous le charme de ce patrimoine cinématographique considérable, grâce à ces enregistrements vieux de plusieurs décennies.

Notre cycle a commencé avec le génial Michel Simon :

Circonstances atténuantes  -1939 - de Jean Boyer avec Arletty où il y a la célèbre chanson "comme de bien entendu"
http://www.dailymotion.com/video/x3etjz_comme-de-bien-entendu_shortfilms

Fric-Frac  -1939- de Maurice Lehrmann avec Arletty et Fernandel

Au Bonheur des Dames - 1943- d' André Cayatte avec Albert Préjean, Blanchette Brunoy, Suzy Prim etc.

La Chienne -1931 - chef d'œuvre de Jean Renoir avec Jany Marèze, Georges Flament, Madeleine Berubert.
http://www.ina.fr/video/CPF86635729

Deux comédies et deux drames à travers lesquels le talent de l'acteur jaillit comme une évidence : une voix et une  manière de parler à nul autre pareil, la capacité de jouer des rôles très différents, et surtout une présence.

Charlie Chaplin, en projetant "La Chienne" à des amis avait dit " Je vais vous montrer le plus grand acteur du monde !"

Dans ce film dramatique, Michel Simon joue le rôle d'un employé, peintre pendant ses loisirs, qui tombe amoureux d'une personne de "petite vertu" qu'il entretient. Celle-ci ne l'aime pas, seul son maquereau compte pour elle.

Est-ce que les jeunes connaissent encore ce grand acteur ? Peut-être par l'école avec "Le vieil homme et l'enfant" de Claude Berri ?

Et si l'on remettait en valeur ce cinéma de même qu'on le fait avec les romanciers des siècles passés ? C'est cela aussi notre patrimoine !

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
18/11/2016