OURAGAN
LAURENT GAUDE
Dès les premières pages, je fus de nouveau séduit par
la qualité d’écriture de Laurent Gaudé. Il n’écrit pas seulement très bien, il
a surtout un style à lui, des phrases ciselées, un art d’agencer les mots.
Et c’est beau !
Mais si la forme est particulièrement réussie, le fond
est très intéressant également.
Nous avons un récit choral de personnages qui n’ont
pas fui l’arrivée de la terrible tempête qui s’abat sur la Nouvelle-Orléans. Il
s’agit principalement des pauvres, des noirs des quartiers déshérités. Ils vont
devoir affronter la nature en rébellion.
Ces personnages sont tous « habités » : Joséphine Linc.Steelson, vieille femme noire
haut en couleur et grande résistante face aux épreuves, Rose et son enfant de 5 ans, femme que la vie n’a pas
épargné et qui est en situation de détresse, Keanu qui a travaillé sur une plate-forme pétrolière
et qui revient vers Rose qui fut son amour, sans savoir comment il sera
accueilli, (Keanu comprend qu’il s’est égaré dans sa vie, qu’il a suivi un mauvais
chemin), un prêtre qui disjoncte et croit entendre Dieu lui
intimant l’ordre de tuer. Pour ce dernier, l'ouragan apparait pour lui comme une vengeance
divine, une punition à une humanité dévoyée.
Et puis, il y a des prisonniers qui parviennent à s’échapper de leur
prison de laquelle le personnel a fui. Le groupe se scindera assez vite en
deux, certains profitant du chaos pour céder à la violence.
Nous passons d’un récit à un autre, d’un paragraphe à
l’autre, les routes des uns et des autres se croisant dans cette ville
abandonnée à la furie de l’ouragan.
L’ouragan n’est pas que ce déchainement de la nature,
c’est aussi quelque chose que vivront ces personnages à l’intérieur d'eux-mêmes. Leur vie
ne sera plus la même après.
Ce roman, c’est aussi celui de la résistance, de
l’être qui reste debout face à l’adversité.
Et c’est beau, au point d’en relire ensuite certains
passages à voix haute.
Extrait :
« O la
fatigue des jours qui lui pèse sur les tempes, dès le réveil, à l’instant même
où il ouvre les yeux, découvrant le
plafond jauni de la petite chambre de ce motel du Texas dont il n’est pas sorti
depuis 4 jours. O l’épaisse touffeur de l’air et la lourdeur du corps. Il
regarde autour de lui, sent, sur sa nuque, le contact désagréable de l’oreiller
synthétique mouillé de sueur et sait qu’encore une fois il sera rattrapé par
cette fatigue qui le harasse et le laisse, jour après jour, aussi faible qu’une
ombre. »
Bonne et belle lecture
JC Togrège
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