samedi 30 décembre 2023

LIVRE/// VEILLER SUR ELLE de Jean-Baptiste Andréa

 VEILLER SUR ELLE
DE JEAN-BAPISTE ANDREA


Le roman commence en 1986 dans un monastère italien où un  vieil homme est mourant. Dans son semi coma, il se remémore son existence.

Il s'agit d'un sculpteur de talent, Michelango Vitaliani, alias Momo, qui s'est réfugié depuis des décennies dans ce lieu pour fuir le monde et surtout veiller sur sa dernière œuvre. Il s'agit d'une statue qui trouble tous ceux qui la contemplent au point que l'Eglise l'a soustraite au regard de ses fidèles. Nous n'en aurons l'explication qu'en toute fin du récit.

Outre de très beaux passages sur l'art de sculpter, sur la passion à faire surgir d'une pierre la beauté, c'est aussi une histoire d'amitié entre deux personnages que tout pouvait opposer. 


D'un côté, Momo, garçon pauvre atteint de nanisme et de l'autre Viola une fille aristocrate et riche. A partir d'une rencontre une nuit dans un cimetière, l'évidence de leur connivence va surgir avec des arrêts dans leur relation. Quoi qu'il se passe, comme aimantés, malgré leurs divergences, leurs orientations différentes, ils reviennent l'un vers l'autre.

Tous les deux ont une passion qui passe avant tout, pour lui c'est sculpter, pour elle c'est pouvoir voler.

Tous les deux sont des anticonformistes et se heurtent à leur époque.

Tous les deux se compromettront à leur manière avant de faire éclater les carcans pour retrouver leur liberté.

Ce gros roman de 580 pages a un vrai souffle romanesque qui nous embarque, captivés que nous sommes par les destinées de deux personnages haut en couleurs. 

" Veiller sur elle" a été couronné du prix Goncourt 2023.


Bonne lecture.

J-C Togrège
30/12/2023


vendredi 22 décembre 2023

CINE /// L'ABBE PIERRE, UNE VIE DE COMBATS

L'ABBE PIERRE, UNE VIE DE COMBATS
DE FREDERIC TELLIER
avec Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot
Michel Vuillemoz

Alors qu'assez méfiant sur les films biographiques (vous ne serez pas étonnés si je n'aime pas l'anglicisme "biopic), je dois dire que celui-ci m'a totalement séduit. 

J'y ai retrouvé l'Abbé Pierre que chacun connait, figure altruiste s'il en est, mais ai aussi découvert d'autres aspects de sa vie : son passage chez les moines capucins, son passé de résistant, son internement en hôpital psychiatrique lié à un surmenage de tout instant pour la cause qu'il défendait.

Et puis j'ai apprécié la mise en lumière de Lucie Coutaz, interprétée parfaitement par Emmanuelle Bercot, femme qui accompagna pendant 40 ans l'abbé Pierre dans son combat contre la misère. Co-fondatrice de Emmaüs, son rôle est déterminant, et c'est aussi une histoire d'amitié et de fidélité.


Quant à Benjamin Lavernhe, il est excellent dans ce rôle, il devient totalement l'abbé Pierre. Quand il prend la parole envers et contre tous pour bousculer les bonnes consciences et alerter sur les sans-abris, il nous touche, nous bouscule. L'on y retrouve son appel de l'hiver 54, qui si longtemps encore après nous émeut. De nos jours, il n'y a plus de sans abris, l'on se cache derrière un acronyme hypocrite (SDF)

Quelle force devait avoir cet homme au corps fragile pour consacrer ainsi sa vie aux autres ! Cela force le respect et l'admiration.

Qui aurait la force chaque jour d'appliquer sa formule " Servir avant soi qui est moins heureux que soi" ?

Un film de 2h15 bien réalisé, qui a du sens et pendant lequel l'on ne s'ennuie jamais !
Et puis un film qui parle de générosité, d'altruisme, d'humanisme ce n'est pas si courant…

Cinéphilement vôtre

J-C Togrège
22/12/2023

mardi 19 décembre 2023

ALBUM JEUNESSE : Le Père Noël

 LE PERE NOEL


Voici quelques albums jeunesse mettant en scène le Père Noël, qui rencontrent du succès quand je les lis dans les écoles.


Le costume du Père Noël de Christelle Saquet et Eric Gasté

Sapinlipopette ! Le Père Noël a déchiré son costume sur une antenne de télévision. Il fait vite demi-tour et demande à son lutin-couturier de lui réparer. Ce dernier en profite pour lui faire essayer des costumes de sa collection.

Et nous assistons aux différents essais : costume blanc puis tout noir, costume de clown, pyjama, avec des cerises, etc.

Ces différents accoutrements font rire les enfants : Un Père Noël comme ça, on n'a jamais vu, ça ne va pas !

Un livre drôle et bien illustré.


Silence Père Noël de Julie Sike et Tim Warnes :

Ici, nous avons affaire à un Père Noël bruyant : il chante, rit, se prend les pieds dans une guirlande, dérape sur le verglas.

A chaque fois les animaux qu'il croise lui disent  "Silence Père Noël, vous allez réveiller les enfants!  

Cette phrase, qui revient régulièrement, est reprise par l'auditoire.


A la recherche du Père Noël de Dedieu

Un bonhomme de neige décide de partir à la recherche du Père Noël. 

Le parcours est long; il demande son chemin aux différents animaux qu'il croise, ceux-ci ne lui répondant que s'il leur offre quelque chose en échange. Quand il arrive enfin à destination, il n'a plus rien à donner et s'en trouve confus. Qu'importe, le Père Noël lui répondra :

" Sache, petit bonhomme de neige, que lorsque je donne un cadeau, je n'attends rien en retour" 

Un album grand format, des illustrations magnifiques et un fort joli texte.


Bonnes lectures de Noël

J-C Togrège
19/12/2023

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samedi 16 décembre 2023

BD /// LE CIEL DANS LA TÊTE : une BD de très grande qualité

 LE CIEL DANS LA TETE
Scénario : Antonio Altarriba
Dessin : Sergio Garcia Sanchez
Couleurs : Lola Moral


Une grande BD qui met mal à l'aise quand on voit jusqu'où l'homme pousse l'abject avec ses prochains.

Nivel est un enfant qui travaille dans des mines puis qui devient un "enfant-soldat". Drogué pour pouvoir exterminer, il agit sans scrupules, allant même jusqu'à massacrer ses proches.

Puis il décidera de quitter cette ville pour rejoindre l'Europe vue comme un Eldorado, et il lui faudra surmonter bien des obstacles

Le récit est découpé en 4 chapitres:

- Congo
- La Jungle
- Le désert
- Méditerranée


Le graphisme est d'une qualité exceptionnelle avec des planches qui savent montrer la fureur, le bruit, la violence mais aussi la beauté.

Malgré les abominations auxquelles il se livre, pris dans une spirale amorale, je me suis attaché au personnage de l'enfant se débattant dans un monde de brutalité.

Le récit est glaçant et met mal à l'aise mais la littérature c'est aussi ça, produire du dérangeant pour interpeller et faire réfléchir.

Une si grande BD que je l'ai lue deux fois avant de la restituer à la médiathèque, et que je ne risque pas d'oublier, comme une claque reçue.

Bonne lecture.

J-C Togrège
16/12/2023

lundi 11 décembre 2023

LIVRE - HUMUS de Gaspard Koenig

HUMUS
Gaspard Koenig



Voilà un livre comme je les aime, un livre qui nous apprend quelque chose et qui en plus nous embarque dans une grande histoire avec des personnages attachants.

Ce roman met en avant l'importance des vers de terre dans la biodiversité et la façon dont la chimie agricole les détruit depuis des décennies. Or ils sont indispensables à la vie des sols. 

Mais cela ne se voit pas !  Cela me fait penser à la formule de Cécile Wajsbrot  : "En apparence tout est normal, en réalité tout est autre".

Et  puis ces lombrics sont petits, pas jolis, visqueux et on les ignore contrairement aux grands animaux que les hommes s'acharnent également à massacrer. 


Quant à l'histoire, il s'agit de deux étudiants en agronomie qui se rencontrent et se lient d'amitié. Leurs différences se rejoignent sur la nécessité d'agir pour sauver la planète d'une catastrophe écologique et sur leur découverte de l'importance capitale des vers de terre.

L'un est fils d'ouvrier, l'autre fils de bourgeois et tous deux refusent le défaitisme et ont des idéaux qu'ils vont vouloir réaliser, prenant pour cela deux directions différentes. Pour le premier, ce sera un retour à la terre et pour le second le lancement d'une start-up de vermicompostage.

Tels des héros balzaciens, ils vont se fracasser sur les réalités économiques, politiques et sociales de l'époque dominé par l'argent. Réussiront-ils  à "changer la vie" ? 

A l'issue de cette lecture, vous ne verrez plus les vers de terre de la même manière

Bonne lecture

J-C Togrège
11/12/2023

samedi 18 novembre 2023

Au Nord c'étaient les corons, la terre c'était le charbon...

AU NORD C'ETAIENT LES CORONS
LA TERRE C'ETAIT LE CHARBON


Avec le titre de cette chronique, vous aurez reconnu les premiers vers de la chanson de Pierre Bachelet "Les Corons" (paroles de Jean-Pierre Lang) pour illustrer ma visite au site historique minier de Lewarde, près de Douai.


"Au Nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon.
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond."




Une visite des plus intéressantes qui nous a permis de comprendre les conditions de travail des mineurs, avec le parcours des galeries, les mannequins dans la posture nécessitée par leur tâche et la reconstitution du bruit effroyable qu'il y avait.



C'est une présentation qui nous mène du XIXème siècle (ce qui fait penser de suite au roman "Germinal" d'Emile Zola) jusqu'au XXème siècle avec la fermeture du site en 1971.

Sur la photo ci-contre, l'on peut voir que le mineur n'avait guère de protections (pas de casque, pas de chaussure adaptée). Et que dire de la position dans laquelle il devait creuser ! Quelle chance de survie pouvait-il avoir en cas d'accident, écroulement de galerie ou autres ?




Certes, les conditions de travail s'améliorèrent avec une mécanisation et des tenues plus adaptées, mais comme ce travail était rude !

Outre un corps en souffrance physiquement, n'oublions pas les maladies liées à la rétention de poussière de charbon dans les poumons (pneumoconiose) ou l'inhalation de particules de poussière de silice (silicose).




La visite de cette mine m'amena à relire "Germinal" qui m'emporta de nouveau par son sens du récit et la description de la vie des mineurs. En cette fin du XIXème siècle, femmes, enfants, hommes vécurent un véritable "esclavage" avec des salaires leurs permettant à peine de vivre. Comme ce fut plaisant de retrouver les personnages du roman : Etienne Lantier (qui fut interprété magistralement par Renaud dans le film de 1993 de Claude Berri), le couple Maheu, Catherine, Antoine Chaval, etc.

Il y est aussi mentionné les chevaux qui travaillèrent dans la mine. Une fois descendus, ils n'en remontaient que morts.

Et puis quelle épopée que la grève menée avec courage malgré un grand dénuement. Ce livre restera comme celui qui présenta le mieux ce monde des mineurs.



Autre livre plus récent, celui de Sorj Chalandon avec "Le jour d'avant" qui nous parle d'une catastrophe survenue le 27 décembre 1974 avec 42 mineurs qui périrent suite à un coup de grisou à la fosse Saint-Amé de Liévin-Lens.

Encore un récit passionnant de cet auteur que j'ai découvert récemment avec un rebondissement complétement inattendu en dernière partie.

"Venge-nous de la mine" avait écrit le père avant de se pendre, c'est ce que fera le fils


Cheval dans la mine



Bonnes lectures et coup de chapeau à toutes les "Gueules noires" !

J-C Togrège
18/11/2023

jeudi 9 novembre 2023

ALBUM JEUNESSE : La maîtresse ne danse plus

 LA MAITRESSE NE DANSE PLUS
Texte de Yves Pinguilly, illustrations de Zaü



A quelques jours de l'armistice, j'ai lu à la bibliothèque communale ce bel album qui parle de la guerre 14/18 à un groupe d'enfants de 8 à 10 ans.

Dans ce livre, l'on ne voit pas de scènes de bataille ou les tranchées. Il s'agit de la vie quotidienne dans un village tandis que les hommes (les papas, les grands-frères, les oncles, les fiancés) sont partis à la guerre.

Cela est raconté par Adèle, une petite fille qui se confie à sa poupée.



Un jour à l'école, le maire frappe à la porte et vient parler à la maîtresse. Le lendemain, celle-ci est vêtue de noir et ne danse plus. Un garçon explique à la récréation que son fiancé est mort à la guerre...

Les enfants ont écouté avec une grande attention cette histoire difficile servie par un texte sobre très bien écrit et de belles illustrations de Zaü.


Après ce récit très réaliste, pour changer de ton, j'ai poursuivi avec un livre drôle de Baum-Dedieu : " Le baron bleu".

Il s'agit toujours de la guerre 14/18 mais cette fois-ci, le héros fait la guerre depuis son avion en lançant des livres sur les armées. Plus les livres sont gros, mieux c'est. L'on y voit ainsi un "Guerre et Paix" qui aura le mérite d'accaparer un général, ses soldats le retrouvant au petit matin assommé de lecture.

"Le baron devenait de plus en plus stratège. Au point de larguer le début d'un roman au-dessus de son camp et la fin sur les lignes ennemies, pour ainsi amorcer le dialogue."

C'est très original, poétique et amusant, tout en livrant un message sur la puissance des livres.



A l'issue de ces lectures, les enfants posèrent de nombreuses questions, ce qui prouva leur intérêt pour ce thème.



Bonne lecture  !

J-C Togrège
09/11/2023

vendredi 27 octobre 2023

Livre /// TROIS ROMANS DE SORJ CHALANDON ///

 TROIS ROMANS DE SORJ CHALANDON

Un passage de Sorj Chalandon dans une émission de "La Grande Librairie" m'avait laissé pensé que cet auteur devait écrire des choses profondes et de bonne tenue. J'avait noté "à lire !"

C'est chose faite avec trois romans dévorés en peu de temps, mais il faut dire que le vilain virus m'a forcé à rester alité quelques jours. 

Le premier m'a totalement ébloui ! 

Il s'agit de "Profession du père", paru en 2015, dans lequel Emile, 12 ans, raconte son père, à la fois fantasque, bonimenteur, affabulateur et mythomane.

Il raconte à son fils ses aventures toutes plus folles les unes que les autres où il se met en vedette, en héros. Le fils n'en revient pas quand il lui annonce qu'il est un "agent secret".

Et puis voilà que ce père demande à Emile de l'aider à assassiner le Général de Gaulle...Voilà pour le côté comédie du roman.

Mais il y en a un autre beaucoup plus dramatique car ce père est un véritable tyran domestique qui est impulsif et violent. Il inflige des corrections et punitions à Emile qui révoltent.


Quant à la mère, elle est totalement effacée, soumise et effrayée aussi. Sa réponse sera toujours "Tu connais ton père !". Cette violence s'exerce en huis clos car cette famille ne reçoit jamais personne et vit recluse sur elle-même...


Total hasard, le deuxième que j'ai lu parle également du père de l'auteur, car  c'est bien de l'histoire de sa famille dont il s'agit dans : 
"Enfant de salaud".

Dans "Profession du père", l'enfant était le fils d'un agent secret, ici il est un "enfant de salaud". C'est ce que lui annonça son grand-père.

Eh oui ce père mythomane n'avait pas choisi le bon côté et avait même porté l'uniforme allemande. Sorj Chalandon va mener son enquête en parallèle du procès Barbie auquel il assiste en tant que journaliste accrédité.
 
Comment faire avouer la vérité à une personne qui travestit toujours tout et qui ment même devant des preuves irréfutables ?

Ce livre est bouleversant, n'ayons pas peur des mots.


Le début du récit commence par l'histoire de la déportation des enfants d'Yseut et l'on sait alors que ce n'est que le début des ignominies dont nous parlera l'auteur.

Comme cela a dû être difficile de se construire avec un tel personnage comme père !


Je terminerai par "Une joie féroce" publiée en 2019 pour lequel je n'ai pas eu le même enthousiasme.

Ici l'auteur se glisse dans la peau de Jeanne qui vient d'apprendre qu'elle a un cancer du sein. Ce thème de la peur de la maladie, la solitude (son mari est un égocentrique duquel elle n'aura aucun soutien) de ses conséquences sur sa vie, tout cela est très bien abordé et donne des pages d'une grande sensibilité.  

Jeanne va rencontrer Brigitte, également malade, avec qui elle va se lier d'amitié, puis Mélody et Assia. Et à partir de ce moment, Jeanne va changer de vie, cesser d'être cette femme trop gentille, trop bien élevée. 

La seconde partie glisse dans la préparation et la réalisation d'un braquage qui m'a moins intéressé.


Si vous n'avez pas encore lu Sorj Chalandon, allez-y !

Bonne lecture

J-C Togrège
27/10/2023

mercredi 25 octobre 2023

On m'a viré comme un malpropre de J-C Togrège

 

On m’a viré comme un malpropre

de J-C Togrège


Illustration de Jean-Jacques Dumont

Mon projet d’écrire un livre sur la vie d’autrefois dans mon village m’avait amené à rencontrer Maurice, un Monsieur charmant et malicieux de 90 ans. Bien que malade, il demeurait toujours chez lui et avait conservé tout son humour et sa facilité à raconter des histoires et anecdotes. Doté d’une mémoire prodigieuse, l’écouter était pour moi une mine formidable d’informations, ce à quoi s’ajoutait son sens de la formule qui me faisait lui dire : « Ah celle-là il faut que je la note, elle sera dans mon livre ! », ce dont il paraissait bien content.

Et puis il en vint à parler de sa vie professionnelle et à ce moment son visage devint grave et sa voix changea quand il aborda son licenciement survenu en 1988 alors qu’il n’avait que 56 ans et 27 ans d’ancienneté dans la ferme.

34 ans après, la blessure demeurait intacte, la colère et l’incompréhension refaisaient surface dans les souvenirs qu’il me livrait.

« Je faisais mon travail comme il faut. Quant il m’a annoncé cela, il m’a dit : Maurice, j’ai quelque chose à te dire.

Le lundi matin, je ne venais jamais en bleu de travail, j’étais un peu mieux mis car bien souvent j’avais des déplacements à faire à Reims, comme aller y chercher des pièces qu’on avait commandées et qui étaient arrivées. Je prenais mon bleu dans mon sac et s’il n’y avait rien, je le mettais.

Il m’a dit : Ne te déshabille pas, j’ai quelque chose à te dire.

Je ne me faisais pas de bile. 


 - Maurice, je suis obligé de te licencier
Quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
- Rien, au contraire.
- Et tu me vires quand même ?
- Oui !

« On m’a viré comme un malpropre ! Ça fait mal ! J’en ai passé des nuits blanches. Tu te remémores tout ce que tu as fait. En plus, j’avais la confiance entière de la maison, aussi bien du mari que de la femme. Ils s’en allaient, ils me laissaient les clefs de la maison.

-          Tiens, tu iras faire un tour pour le courrier, tu regarderas si tout est bien fermé, les lumières éteintes.

Je n’étais pas plus considéré qu’un autre, il m’a viré comme un pauvre mec. Ça a fait scandale dans le village, les gens étaient étonnés, ils n’en revenaient pas, ils disaient que c’était pas possible !

Tu te croyais bien coté, tu en faisais de plus en plus. Il m’est arrivé de rester à la moisson jusqu’à 3 heures du matin pour que le lendemain tout soit bien net. Ça on ne s’en rappelle plus ! Je mangeais même sur le tas, ma femme m’amenait le casse-croûte pour que je ne sois pas obligé d’arrêter les machines. Après quand tu repenses à tout cela, tu te dis : ils m’ont pris pour un bagnard !

Il est arrivé qu’il m’appelle le dimanche à 10h du matin : Maurice, il faut que je prenne l’avion, il faut que j’aille à Bruxelles Alors j’emmenais Monsieur prendre son avion. Il ne s’en est pas rappelé de tout ça ! »

« C’est moral, tu te sens coupable Bon qu’est-ce que j’ai fait ? Tu te remémores tous les travaux que tu as menés. C’est impensable ce qui peut te tourner dans la tête. J’en ai passé des nuits blanches, et puis c’est l’ambiance familiale qui en prend un coup. En plus mon épouse était tombée malade dans ce moment-là. Et le salaud, il me vire.

Je lui avais dit : tu sais que Cécile est malade ?

Cela ne l’a pas arrangé, deux ans après, elle était morte »

Ce n’est que plus tard que Maurice apprit la raison de son licenciement :

« Avant ces gens-là, ils faisaient leur comptabilité un peu tout seul. Le patron, il n’était contrôlé par personne. La chambre d’agriculture a créé un centre de gestion de contrôle qui récupérait les comptabilités de toutes les fermes et il leur disait 

- Nous avons étudié votre comptabilité, vous avez une masse salariale trop grosse, vous avez un ouvrier qui vous coûte trop cher. 

 Et je me suis retrouvé là-dedans, car comme j’étais le meilleur salaire de la boite, c’était moi le 1er viré.

Plus de trente ans après, Maurice m’évoqua le traumatisme qu’avait été le fait d’avoir été licencié si brutalement. Le plus dur, ce ne fut pas l’aspect financier car après une période de chômage il retrouva du travail, mais ce fut d’avoir été jeté sans considération.

L’absence de considération, la sensation d’injustice, voilà ce qui lui a fait le plus de mal !

Bien sûr perdre son emploi est toujours douloureux mais quand c’est dû à une faillite ou à une nécessité de survie de l’entreprise, cela se conçoit et se « digère » mieux.

Là où cela laisse des traces plus profondes, c’est lorsque le licenciement intervient uniquement pour des raisons d’augmentation de la rentabilité.

Comme me l’a dit si bien Maurice en conclusion de cet épisode de sa vie : « Le fric est au-dessus de tout, l’humanité ils ne connaissent pas ! »

Ce témoignage est comme un écho du thème de mon livre « La Mutuelle a un plan » dans lequel je parle d'un plan de restructuration suivi de licenciements. D’ailleurs s’il doit être réédité un jour, j’y ajouterai ce témoignage.


recueil au prix de 14,50 euros en vente par correspondance

Pour tout renseignement : jctogrege@gmail.com

J-C Togrège
19/10/2023
(d'après interview du 3 octobre 2022)

samedi 21 octobre 2023

RETOUR SUR MES LECTURES ESTIVALES - 2 -

RETOUR SUR MES LECTURES ESTIVALES - 2

Voici le second volet de mes lectures estivales dans des styles différents de la première chronique.


Je commence par un livre écrit par Toshikazu Kawaguci, dramaturge japonais : "Tant que le café est encore chaud".

Une belle surprise pour ce livre acheté au hasard sur la bonne foi de sa quatrième de couverture. C'est une histoire de traversée du temps mais traitée d'une façon très nouvelle et originale. 

Cela se passe dans un petit café de Tokyo, où il est possible de retourner dans le passé mais avec des règles très précises. Cette incursion ne permettra jamais de changer le présent et ne pourra durer que tant que le café sera encore chaud. Gare à qui oublie cette dernière consigne, il pourrait rester bloqué loin de son époque.

Quatre personnages très différents vont faire cette expérience afin de pouvoir dire à un proche ce qu'elles n'ont pas dit ou pas osé dire, par peur, pudeur ou bêtise, nous rappelant ainsi l'importance du moment présent.


Les personnages sont attachants dans leur quête ultime de corriger un non dit. Tout cela est joliment raconté, nous sommes davantage dans le merveilleux que dans le fantastique.



D'une toute autre tournure, j'ai lu avec consternation l'essai de Victor Castanet "Les fossoyeurs" qui a eu un retentissement considérable sur sur le sujet de la maltraitance dans certaines maisons de retraite.

Un conseil toutefois, ne lisez pas ce livre le soir, vous risqueriez de faire des cauchemars.

Ce livre démontre ce à quoi mènent les dérives d'un libéralisme économique tourné exclusivement vers le profit sans considération pour l'humain. On en arrive à des aberrations telles que le rationnement de couches et une gestion catastrophique du personnel !

Ne nous leurrons pas ! Ce n'est pas le seul domaine où des directions générales éloignées de la base gèrent avec des tableaux Excel leurs entreprises, toujours avec le souci premier (voire exclusif) de la rentabilité et de la productivité. 

Ce qui est insupportable ici c'est de traiter aussi mal des personnes vulnérables que notre société devrait protéger. 

C'est bien documenté et accablant !

Autre très bon roman, celui de Karine Tuil "L'insouciance" où l'on retrouve la puissance narrative qui la caractérise.

Un pavé dense qui sait raconter des récits et y mêler une réflexion sur nombre de thèmes de notre époque : la religion, le pouvoir, le communautarisme, la violence dans les rapports sociaux et la violence de la guerre, sans oublier une histoire d'amour qui bouleverse deux existences.

Nous avons un puissant patron que l'on va ramener à ses origines juives, un soldat revenu d'Afghanistan avec des troubles post traumatiques, un jeune ambitieux issu d'une cité et devenu conseiller à l'Elysée (caution à la diversité ?), une journaliste embourbée dans un riche mariage.


L'été ce fut aussi l'occasion de relire certains romans (je devrais plutôt dire "contes") d'Amélie Nothomb qui maîtrise comme personne l'art de la chute.

Dans "Robert des noms propres", nous suivons l'histoire de Plectrude (les prénoms de ses personnages sont toujours savoureux d'originalité) ses déboires à l'école et son don pour la danse qui l'amènera à des extrémités dommageables. 

Et toujours une maîtrise du langage et un ton bien à elle teinté d'humour.


Bonnes lectures plurielles !

J-C Togrège
21/10/2023

vendredi 29 septembre 2023

RETOUR SUR MES LECTURES ESTIVALES - 1 -

 RETOUR SUR MES LECTURES ESTIVALES - 1 -

Voici quelques uns des livres qui ont agrémenté mon été par leur souffle romanesque.


Commençons avec "Les oubliés du dimanche" de Valérie Perrin.

J'avais beaucoup aimé "Changer l'eau des fleurs" et ai eu plaisir à lire son premier roman. J'y ai retrouvé sa capacité à nous embarquer dans une histoire que l'on a du mal à lâcher. Ici, il s'agit d'une rencontre entre Justine, 21 ans, qui travaille dans une maison de retraite et l'une des pensionnaires, Hélène. Cette dernière va dévoiler son histoire à la jeune femme

Il y est question de transmission intergénérationnelle, de la mémoire, de la fidélité. 

L'autrice a eu une très bonne idée avec l'introduction d'un "Corbeau" qui sème la panique dans l'établissement. En effet, il téléphone aux familles qui ne viennent jamais voir leur proche pour leur annoncer leur décès. Alors les voilà qui débarquent avec des mines de circonstance pour s'apercevoir que c'est un canulard. Cela réjouit le résident qui a enfin une visite !

Feel good ou pas ? Je ne sais pas et à vrai dire ça n'a pas d'importance. Ce qui est certain c'est le talent de conteuse de Valérie Perrin.


Poursuivons avec un écrivain dont j'admire la plume depuis longtemps, à savoir Yasmina Khadra. Quelle maîtrise de la langue, quel vocabulaire et quelle capacité à décrire !

J'ai retrouvé dans "Les Vertueux" le souffle romanesque  de ses grands livres avec l'histoire de Yacine, jeune berger vivant dans l'Algérie du début du XXème siècle. Que de malheurs et de malchance dans sa vie, mais quoi qu'il en soit il conservera toujours l'espoir !

Tout cela commencera avec son incorporation pour faire la guerre 14/18 en France. Nous serons plongés dans les combats, les tranchées et les abominations. Tout cela ne sera que le début de son épopée, car il connaitra bien d'autres déboires dont le bagne.

Ce roman est à la fois historique et social, tout en laissant sa place aussi à l'amour et au pardon.

Du grand Khadra !


"Ce qu'elle a laissé derrière elle" : Autre livre qui fut, lui, acheté totalement au hasard, celui d'une romancière américaine que je ne connaissais pas : Elien Marie Wiseman

Deux héroïnes dans ce récit qui alterne entre deux époques.

D'abord en 1995, Izzie 17 ans, placée en famille d'accueil, mal dans son être suite à l'assassinat par sa mère de son père, dix ans plus tôt.

Et puis, Clara en 1929. Jeune fille qui va être internée par son père dans un asile pour avoir refusé le prétendant que lui désignait sa famille. 

Le lien entre les deux femmes et les deux époques se fera à travers une malle renfermant les affaires personnelles de Clara.

Ce récit nous plonge dans la maltraitance qui sévissait alors dans les hôpitaux psychiatriques : violences, brimades, traitements médicaux inadaptés. Toute rébellion était châtiée impitoyablement.

Même si l'on peut émettre des réserves sur le "happy end" final, il faut reconnaître que l'histoire est très attachante.

Bonnes lectures !

J-C Togrège
29/09/2023

jeudi 28 septembre 2023

DU CRI DE LA BETTERAVE LORS DE L' ARRACHAGE

 DU CRI DE LA BETTERAVE LORS DE L'ARRACHAGE

Texte de J-C Togrège
Illustration de Jean-Jacques Dumont

Du cri de la betterave lors de l'arrachage

C'est l'histoire d'une betterave
Qui ne voulait pas sortir de terre.
Quel est donc ce mystère ?
Pourquoi à la récolte cette entrave ? 
Le paysan ne comprenait pas cette obstination
"Mais enfin, tu es arrivée à maturation
Tu ne peux plus rester dans ce champ !"
"Non, non, laissez-moi !" criait la rebelle
De sa voix indignée, de colère trépignant.
" Ce que vous faites est contre-nature
Pire que cela, c'est une imposture !"
Ancrant encore plus ses racines dans le sol
La betterave rondelette reprit la parole.
" Non, non, je ne veux pas, je ne veux pas
Finir dans un méthaniseur ou en biocarburant.
Je vous ai donné mon sucre de tout temps
Et réservé mes pulpes pour vos animaux.
Pourquoi renier nos accords ancestraux ?

Le paysan se dit alors que c'en était assez
D'écouter de cette sotte plante les récriminations.
Celui qui commande sur terre c'est l'Homme
Le monde à ses désirs doit être conforme !
Il arracha la betterave sans autre discussion
Et, avec ses congénères, la jeta dans le camion.

J-C Togrège
25/09/2023


Illustration de Jean-Jacques Dumont


lundi 18 septembre 2023

RETOUR SUR UN VOYAGE EN ITALIE - 2 -

 RETOUR SUR UN VOYAGE EN ITALIE - 2 -

Buongiorno,

Le lac de Garde vu de Malcesine 

Déjà 15 jours se sont écoulés depuis notre retour et c'est comme si nous y étions encore un peu. La lumière d'Italie est toujours dans nos pupilles !

Nous consultons des livres et prenons plaisir à fredonner des mélodies se rapportant à ce pays, classons nos photos; en somme c'est le bon moment pour une 2ème chronique axée cette fois-ci sur deux villes emblématiques.



Commençons par celle pour qui je garde une tendresse certaine : Vérone. 

Nous avons eu la chance d'y rester une journée entière ce qui nous a permis d'en découvrir ses différents aspects : la ville haute qui est très verte, où il y a de beaux arbres, et puis le centre historique avec ses monuments de différentes époques (Antiquité, Moyen-Age, Renaissance).



J'ai également beaucoup aimé les fresques murales allant du XIIème siècle au XIV siècle.

Que des couleurs aient ainsi pu traverser les siècles a quelque chose d'extraordinaire ! Songer à tous ceux qui ont vu ces fresques dans le passé peut donner le vertige.

Notre guide nous précisa bien qu'elles ont seulement été nettoyées et non restaurées. 



Venise, bien sûr ! 

Vous connaissez le dicton "Voir Venise et mourir" pour en souligner l'impact sur tout visiteur… Bon, je n'irai pas jusque là, il y a tant à voir et faire sur notre terre.

Ville qui fascine et inspira nombre de poètes, chanteurs et écrivain. 

Ville unique construite sur plus d'une centaine d'îles reliées par tant et tant de ponts.

Ville historique avec sa place Saint Marc, ses monuments plus beaux les uns que les autres.

Venise et ses touristes : agoraphobes et ochlophobes de tout acabit, ce n'est pas pour vous !



Cela peut faire cliché, mais comment échapper à l'envie d'une petite balade en gondole ? Certes, la tarification pourrait rebuter mais ce n'est pas tous les ans que l'on va à Venise.

Il y a tant d'images romantiques associées aux gondoles et gondoliers, qu'y embarquer c'est rejoindre le mythe.

Ajoutons que c'est vraiment très agréable !



Je terminerai cette deuxième chronique avec une photo gastronomique caractéristique de tout repas en Italie, à savoir les pâtes.




Une précision s'impose : les pâtes, toujours excellement cuisinées, sont servies comme une entrée.

Arrivederci !

J-C Togrège
18/09/2023

samedi 9 septembre 2023

RETOUR SUR UN VOYAGE EN ITALIE - 1 -

 RETOUR SUR UN VOYAGE EN ITALIE - 1 -


Buongiorno,


Que d'images se bousculent dans ma tête après notre retour d'un voyage  en Italie !

Et pourtant, à peine une nuit vient de s'écouler. Par quoi commencer pour en garder le souvenir : le lac de Garde, Vérone, Venise, les châteaux, les fresques murales ?

Eh bien, ce sera sans ordre pour cette première chronique, ce qui me revient comme ça spontanément, avec tout d'abord une anecdote. S'agissant d'un voyage organisé, nous avons eu plusieurs guides avec l'une notamment qui avait comme expression de ralliement "Ho po pop !" pour signaler au groupe qu'il fallait y aller. Cette formule fut adoptée par chacun pendant tout le voyage. 



Allez Ho po pop ! On y va !


Juliette à Vérone

Commençons par un souvenir d'ordre littéraire avec les amants de Vérone, autrement dit "Roméo et Juliette".

Plusieurs de nos guides insistèrent pour dire que ce fut d'abord une histoire italienne dont s'empara plus tard Shakespeare pour en faire le chef d'œuvre que l'on connait. 

Nous pûmes voir une statue de Juliette prise d'assaut par les photographes, et puis aussi le balcon sous lequel Roméo lui déclara sa flamme. Tant pis pour la légende, mais ce balcon est en fait un sarcophage ajouté par la suite sur la maison pour correspondre à la légende.

J'ai regardé ce matin si je possédais ce livre, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Il va vite falloir que je l'acquière en guise de prolongement de ce voyage.

Le fameux balcon


Île de Monte Isola

Poursuivons avec des arbres se trouvant sur la petite île de Monte Isola et qui ont la particularité de pousser dans l'eau !

Je m'enquis immédiatement de leur nom auprès de notre guide. Ce sont des Tassodium. 

La capacité incroyable des arbres à s'adapter à tout environnement me surprendra toujours autant.

Il nous fut aussi évoqué l'arbre aux fruits d'argent à Véronne, un Gingko Biloba vieux de plusieurs siècles. Certains peuvent vivre jusqu'à mille ans. Cela laisse rêveur non ?

J'ajouterai que j'ai pris beaucoup de photos d'arbres.



Je n'ai guère vu de librairies pendant nos promenades, ce qui m'inquiéta un peu, mais une œuvre attira mon attention à Torri del Benaco.

Une histoire de transmission de génération en génération grâce au livre.

"Conoscere il passata 
per costruire il futuro"



Arrivederci !

J-C Togrège
08/09/2023