dimanche 29 mars 2020

LIVRE /// LA PANTHERE DES NEIGES : Comment voyager pendant le confinement ?

LA PANTHERE DES NEIGES
SYLVAIN TESSON



Lire un récit sur un voyage lointain en plein confinement, est-ce bien adapté ? 


Mais bien sûr, car la puissance d'un livre c'est de nous faire parcourir la terre tout en restant chez soi ! Seule l'imagination voyage et c'est sans limites.


Et puis, comme vous le savez, je ne suis pas de nature à aller au Tibet comme le fit Sylvain Tesson pour apercevoir la panthère des neiges, d'autant qu'il y fait très froid dans ces hauts plateaux  où résident les derniers spécimens de ce superbe félin en voie d'extinction.


Pour ce qui est du propos, Sylvain Tesson a accepté l'invitation du photographe animalier, Vincent Munier, de l'accompagner dans sa quête d'approche de l'animal et il en a fait un superbe livre couronné du prix Renaudot 2019


Le voyage sera fait de beaucoup de patience, l'animal ne se laissant pas approcher. Reconnaissons qu'il a raison vu la propension des hommes à tout massacrer sur son passage, se considérant comme seul maître de la terre.


Précisions que l'auteur ne mentionne pas avec précision l'itinéraire de son parcours afin d'éviter que des chasseurs et braconniers n'aillent massacrer les quelques panthères survivantes pour voler leur peau tachetée.


Pendant les longs moments d'observation, d'attente, Sylvain Tesson nous parle de plein de choses, il réfléchit à sa vie. Il se trouve comme en situation d'introspection.
Il défend également une position écologique, pourfendant la bêtise des humains à détruire la nature et sa faune.

L'écriture est soignée, le vocabulaire riche.

Extrait :

"Le monde était un coffre de bijoux. Les joyaux demeuraient rares, l'homme ayant fait masse basse sur le trésor. Parfois, on tenait encore un brillant devant soi. Alors la terre étincelait d'un éclat. Le cœur battait plus vite, l'esprit s'enrichissait d'une vision"

"La Terre avait été un musée sublime.
Par malheur, l'homme n'était pas conservateur
."


Alors bon voyage, amis lecteurs !

J-C Togrège
29/03/2020

jeudi 26 mars 2020

LIVRE /// LA PESTE DE CAMUS : toute ressemblance avec la situation actuelle etc.

LA PESTE 
ALBERT CAMUS


Toute ressemblance avec la situation actuelle ne serait que pure coïncidence… quoique...


" Beaucoup cependant espéraient toujours que l'épidémie allait s'arrêter et qu'ils seraient épargnés avec leur famille. En conséquence, ils ne se sentaient encore obligés de rien."

Tout commence par des rats qui sortent à l'air libre pour venir mourir dans les rues d'Oran en 1940. Les gens s'étonnent de ce phénomène. Puis c'est au tour des hommes de tomber victimes de la peste.

D'abord cela ne concerne que quelques cas si bien que la population veut continuer à vivre comme avant, mais l'épidémie se développe….



Tout au long du récit, nous suivons les efforts du Dr Rieux qui lutte contre ce fléau dans une ville isolée du monde. Nous croiserons différents comportements humains : ceux qui se dévouent aux autres, ceux qui sont séparés des êtres aimés (car se trouvant dans une autre ville), ceux qui y voient un châtiment divin, ceux qui en profitent, ceux qui veulent fuir...

Bien sûr, ce roman peut se lire à plusieurs niveaux, ce qui est la force de ce livre !

Tout d'abord au sens premier de l'épidémie, ce qui nous ramène à la situation que nous vivons. Les comportements et pensées des hommes y sont magnifiquement décryptés.

Mais, l'on sait que Camus y a mis l'allégorie du Mal de façon générale, ce Mal qui est dans l'homme et qui se propage comme une maladie.

La peste, c'est aussi la seconde guerre mondiale, le nazisme (appelé la peste brune).

Ce roman a été publié en 1947 et reçut le prix des critiques.
Il est essentiel dans l'oeuvre de Camus.

Extrait :" Nos concitoyens n'étaient pas plus coupables que d'autres, ils oubliaient d'être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l'avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu'il y aura des fléaux."


Bonne lecture !

J-C Togrège
26/03/2020


PS : Illustration correspondant à l'édition Poche de 1959.





samedi 21 mars 2020

LIVRE /// LE MUR INVISIBLE : une histoire d'isolement captivante

LE MUR INVISIBLE
MARLEN HAUSHOFER


En cette période de confinement, je republie une chronique que j'avais écrite en février 2016 au sujet du "Mur invisible", une histoire d'isolement captivante.

Bonne lecture

J-C Togrège
21/03/2020

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A l'époque où j'avais lu "Dôme" de Stephen King, l'un d'entre vous m'avait fait remarquer que cette idée de l'isolement suite à une catastrophe avait déjà été utilisée par Marlen Haushofer dans " le mur invisible". J'avoue ne plus savoir de qui venait cette remarque, mais grand merci.
Cela a mis deux ans avant que ce livre ne vienne à ma rencontre, mais il est venu et quel plaisir !

Ce roman écrit en 1963 raconte la vie d'une jeune femme ordinaire qui se retrouve coupée du monde par un mur invisible. L'on ne saura rien de ce qui a précipité cette catastrophe, si ce n'est que cela ne peut venir que de la folie des hommes qui sont tous morts.

 Elle se trouve seule de son espèce dans son monde protégé par ce mur invisible qui lui a permis de rester vivante tandis qu'au delà tout ce qui était vivant s'est comme pétrifié. Alors que rien ne la prédisposait à être une "Robinson", la voilà seule dans un chalet situé en pleine forêt autrichienne. Il va bien lui falloir survivre et pour cela renouer avec  tout ce qui est essentiel pour subvenir à ses besoins.

Et puis, il y aura la solitude et le sentiment au fur et à mesure que personne ne viendra la délivrer car il ne demeure nul vivant hors ce mur.  Heureusement, elle comblera ce vide par la vie avec des animaux familiers rescapés comme elle, la vache Bella et son fils Taureaux, les chats (Tigre, la vieille chatte très indépendante, Neige)  et son chien Lynx.

Cela nous vaut de très belles pages sur les animaux, qui sont ses compagnons de misère, son monde reconstitué. S'il en était besoin, dans un monde où l'humain prédateur maltraite tant les animaux qu'il assassine sans vergogne, sans pitié et avec cruauté, cela met en évidence que les animaux sont bien évidemment des êtres sensibles dont nous avons besoin. Sans le lait de sa vache, que serait-elle devenue ? Elle lui doit la vie et par reconnaissance la traitera le mieux possible.
  
 Certes, notre héroïne s'adonnera à la chasse mais sans ce plaisir imbécile de tuer, uniquement parce qu'il le faut pour qu'elle même et ses animaux survivent.

 Aucun ennui pendant les 340 pages de ce récit alors que l'héroïne reste dans son huis clos. Elle y réfléchira au temps, au monde et y combattra la solitude, la dépression, la maladie, la résignation.
  
 Il y a aussi de très belles pages sur sa communion avec la nature et sur sa façon de la regarder maintenant qu'elle n'est plus prise dans le tourbillon de la vie moderne. Et pourtant le monde lui manque tant !

Extrait : 

 "A présent je prends le pas tranquille du paysan, même pour me rendre de la maison à l'étable. Le corps reste détendu et les yeux ont le temps de regarder. Une personne qui court n'a le temps de ne rien voir. Dans mon ancienne vie, mon trajet m'a fait passer pendant des années par une place où une vieille femme donnait à manger aux pigeons. J'ai toujours aimé les bêtes et ces pigeons maintenant changés en pierre avaient toute ma sympathie, et pourtant je serais incapable d'en décrire un seul. Je ne sais même pas quelle était la couleur de leurs yeux ou de leur bec. Vraiment je n'en sais rien et ce détail montre clairement la façon dont je me déplaçais en ville. C'est depuis que j'ai ralenti mes mouvements que la forêt est devenue vivante. Je ne veux pas dire que ce soit la seule façon de vivre, mais c'est certainement celle qui me convient le mieux."

Un très beau roman que je vous recommande, ne serait-ce que pour ette phrase citée ci-dessus "Une personne qui court n'a le temps de ne rien voir".

Bien à vous et vive la lecture !

J-C Togrège
21/02/2016


lundi 16 mars 2020

JEUNESSE /// SUR UN ARBRE CACHE : recueil de poèmes pour enfants

SUR UN ARBRE CACHE
Poèmes de Constantin Kaïtéris
Illustrations de Joanna Boillat



Les arbres, on le sait, sont essentiels pour notre vie ! 

Les hommes le savent … mais continuent de déboiser plus que jamais pris dans l'engrenage de la productivité, de la mondialisation.

Alors tournons-nous vers les enfants et apprenons leur le respect de l'arbre. Réceptifs comme ils le sont à ce message, espérons que devenus adultes ils corrigeront les erreurs des générations précédentes.



Et pour honorer l'arbre, quoi de mieux que la poésie !

Ce recueil aborde de nombreux thèmes à partir de la forêt, le tout joliment illustré.

Quelques titres montrant la diversité de cette poésie : 

La machine à respirer : écrit sous la forme d'une recette de cuisine
Forêt avec un arbre rouge : la différence
Vivre les arbres exotiques : ils n'ont pas de passeport !
Des cœurs sur les arbres : le coeur gravé par les amoureux
Raffut en forêt : ça craquette, ça frémit, ça chuchote, ça siffle, ça hulule et.

Extrait :

"On n'entre pas dans la forêt
comme dans un marché
il faut baisser la voix
promener ses yeux
autour de soi
deviner des bruits
poser le pied avec douceur
respirer la fraicheur
écouter le silence
sourire à qui y vit
et qu'on ne voit pas."



Quiconque se promène en forêt sait la sérénité qui s'empare de tout notre être. Ce recueil nous propose un voyage du même type.

Belle promenade poétique !

J-C Togrège
16/03/2020




jeudi 12 mars 2020

LIVRE /// QUAND DIEU BOXAIT EN AMATEUR - GUY BOLEY -

QUAND DIEU BOXAIT EN AMATEUR
GUY BOLEY


Ce livre concourt au prix Horizon 2020, raison pour laquelle je me devais de le lire.

Autant le reconnaître, je l'ai ouvert avec un a priori défavorable.

Un roman qui parle de boxe, cela ne m'attirait pas !

Un roman où l'auteur parle de son père ! Je craignais l'ennui ou l'indifférence tant il est difficile de rendre le sujet "père ou mère"  intéressant pour les autres.

Et puis, dès que j'ai commencé la lecture, j'ai été emballé par le style du romancier qui sait utiliser très finement l'ironie, l'auto-dérision tout en y mettant de l'émotion. De plus, je me suis pris d'intérêt pour les personnages et par la description d'une société aujourd'hui disparue.


Nous nous trouvons dans un quartier populaire de Besançon dans les années  fin 50/60, un monde si différent du nôtre avec un catholicisme très présent. L'on y parle de boxe, d'opérette, de musette, de forgeron, de spectacle paroissial fort fréquenté etc.

René et Pierrot sont deux jeunes garçons qui vont se prendre d'amitié pour la vie tout en suivant des trajectoires opposées, le premier devenant forgeron très jeune (il fallait rentrer un salaire !) et le second optant pour l'état de curé. 

Ce René a un père dont nous allons avoir un beau portrait qui sera un peu écorché lorsque l'enfant deviendra adolescent, âge où la figure parentale bascule de son pied d'estal. Ne sommes-nous pas tous passés par là ? 

Alors, certes l'on y parle de boxe mais pas de façon prédominante et sous l'angle d'un amateur, si bien que cela ne m'a pas "perturbé". De plus, ce père boxeur aime aussi collectionner les mots et là je ne pouvais qu'être séduit !

Extrait : 

"Il faut l'imaginer, mon père ce héros, roi du monde et boxeur, assis dans la cuisine, les doigts encore gourds de tous les martèlements, les mains encore pleines d'escarbilles et de foudre, ouvrir son dictionnaire , son Larousse illustré, et recopier des mots au hasard de leurs formes, de leurs sonorités, de leur place dans les lignes, de leurs bizarreries ou de leur orthographe. Ou ne pas recopier et simplement tomber sur l'un d'eux dont il connaît le sens mais dont il se demande comment il parviendrait, dans son quotidien, à le tordre sous sa langue pour construire avec lui des phrases aussi belles et volubiles que les fers emmêlés qu'il façonne dans son atelier sans même se demander comment il faut s'y prendre tant la chose va de soi quand ses mains habiles lui tracent le chemin."


Une vraie bonne surprise !
Une belle écriture !

J-C Togrège
12/03/2020





vendredi 6 mars 2020

LIVRE /// UN GARCON CONVENABLE : une saga romanesque venue d'Inde

UN GARCON CONVENABLE
VIKRAM SETH


Ce roman me fut conseillé par des amis au retour de leur voyage en Inde. Il s'agit d'une fresque romanesque de l'auteur indien Vikram Seth publiée en 1993.

Un pavé de 1700 pages qui nous fait découvrir la société de ce pays dans les années 1950, juste après la partition de 1947 qui donna naissance à deux nations : le Pakistan (population majoritairement musulmane) et l'Union des Indes (majorité indoue)

Nous voilà projetés dans un monde très différent du nôtre, un monde qui est une mosaïque de diversité à tous les niveaux : des religions influant sur les modes de vie et de pensée, des niveaux sociaux avec des castes, des degrés de développement économique disparates, des habitants différents. Et il y a aussi la pauvreté extrême qui côtoie la richesse. Selon nos amis voyageurs, c'est un fait qui se constate toujours de nos jours.


Le fil conducteur nous amenant à la découverte de ce pays gigantesque, c'est la quête de Rupa Mehra décidée à marier sa fille Lata avec un garçon "convenable". Nous sommes à une époque où la plupart des mariages étaient arrangés par les familles, le terme "convenable" s'entendant selon les critères des parents.

Seulement voilà, malgré le poids de la tradition, Lata qui a fait des études, n'est pas décidée à accepter n'importe quelle union.

Cela nous mènera à fréquenter principalement quatre familles, et là je vous l'avoue, mieux vaut noter sur une feuille de papier la foison de personnages qui vont intervenir si vous ne voulez pas vous y perdre.

C'est aussi la politique avec le grand sujet de la réforme du système zamindari, système de très grandes propriétés permettant aux Zamindars un quasi droit de servage à l'encontre des paysans. 
Nous assistons aux discussions qui se tiennent au Congrès (et là à mon sens, il y a des longueurs !), aux tensions entre les partis politiques sur ce sujet de réforme agraire, aux magouilles entreprises par les Zamindaris pour conserver leurs prérogatives.

Un roman d'un total dépaysement !

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
06/03/2020








jeudi 5 mars 2020

LIVRE /// DESERT - LE CLEZIO

DESERT
J.M.G LE CLEZIO


Lecture pas du tout préméditée puisque liée au hasard d'une promenade à travers les rues du village jusqu'à une boite à livres dans laquelle une main généreuse avait déposé "Désert" de
Le Clézio.


En échange, j'y ai mis à mon tour d'autres romans, ce qui est le principe de ce type de partage où les livres deviennent des voyageurs.


Grand merci à cette personne qui m'a ainsi permis de lire ce grand auteur, prix Nobel de littérature 2008 ! Ce romancier figurait dans ma LAL (liste à lire) depuis un bon moment.



Nous avons ici deux récits en alternance avec une pagination différente.

Le 1er, c'est celui qui est consacré au désert et aux hommes bleus (plus communément connus sous le nom de "Touaregs"). Ceux-ci au début du XXème siècle se lancent dans une grande marche pour fuir les "soldats des Chrétiens" et trouver une vallée d'accueil. Ce voyage sera très difficile...
Le 2ème, plus contemporain" a pour personnage principal Lalla, une descendante de ces Hommes Bleus. Orpheline, elle est d'abord élevée par sa tante au Maroc qu'elle fuira pour échapper à un mariage forcé. Elle débarquera alors à Marseille dans un bidonville...

Ce qui unit ces deux histoires, c'est leur amour pour le désert magnifiquement décrit par Le Clézio.
Il y a du lyrisme et de la poésie dans cette écriture !

Les thèmes développés tournent autour de la colonisation (1er récit), de l'exil, du déracinement, du retour aux sources.

Sans vouloir déflorer le roman, Lalla restera attachée à son pays, dédaignant les biens matériels et l'argent.

Extrait : 

"Le soleil était encore haut dans le ciel nu, le vent emportait les bruits et les odeurs. La sueur coulait lentement sur le visage des voyageurs, et leur peau sombre avait pris le reflet de l'indigo, sur leurs joues, sur leurs bras, le long de leurs jambes. Les tatouages bleus sur le front des femmes brillaient comme des scarabées. Les yeux noirs pareils à des gouttes de métal, regardaient à peine l'étendue de sable, cherchaient la trace de la piste entre les vagues des dunes."

Un grand livre !

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
05/03/2020