samedi 27 janvier 2018

LIVRE /// FRERE DES ASTRES - JULIEN DELMAIRE : Une bien belle surprise !

FRERE DES ASTRES
JULIEN DELMAIRE



Chaque livre est une surprise !

C'est à cela que l'on tend, nous autres lecteurs, lorsque nous ouvrons un nouveau livre, c'est partir pour un nouveau voyage plein de surprises. Rien de pire que de parcourir un récit que l'on a l'impression d'avoir déjà connu maintes fois.

Chaque livre devrait être une surprise !

Avec ce roman "Frère des astres", nous sommes dans la grande surprise, l'inattendu, avec un thème totalement décalé pour notre époque.

Ce livre est une belle surprise ! La langue est belle et riche.




Julien Delmaire, s'inspirant de la vie de Saint Benoit Labre du XVIIIème siècle, nous conte l'itinéraire de Benoit, jeune garçon différent des autres, en empathie avec le monde, qui va prendre la route en pèlerin des temps modernes.

Pour son cheminement continu, pas d'argent, très peu de bagages, mais toujours un chapelet et sa bible. Il contemple le monde, va à la rencontre des autres, prie, se contentant de peu tout comme les pèlerins du temps jadis.

Le texte très poétique convient parfaitement aux contemplations de cet être "autre" qui surprend car non conforme aux canons de la société.

Ne croyez pas que ce livre soit ennuyeux ou pontifiant, c'est tout le contraire. Depuis une semaine que je l'ai fini, il reste en moi, me trotte dans la tête, m'amenant à faire cette chronique, et à le reprendre.

Certes, j'ai été un peu surpris en commençant la lecture, ne comprenant pas où allait nous emmener l'auteur. C'est précisément cela qui lui donne toute sa saveur, le fait de partir avec Benoit et sa vision contemplative du monde, l'on peut même dire anachronique dans la confrontation  entre sa spiritualité et le matérialité de notre époque.


Extrait :

"Il va falloir raconter : comment une âme dégoupillée de grâce s'est éparpillée sur les plaines, les vallons, les avenues. Une âme vêtue d'une peau de secours, une peau rendue illisible par la crasse, puante à nos narines et douce pourtant, au vent qui frôlait, aux anges qui la veillaient.
Il va falloir raconter cette peau coloriée au pastel de l'enfance et l'effroyable beauté de ce visage que l'usure, la faim, la faim, ne dissuadèrent pas de sourire, pour recevoir chaque matin le baptême des rosées, l'onction acide des pluies. Ce visage qui souriait aux abeilles, aux rats, aux gamins des dunes, et à chacun de nous. Cette âme, cette peau, ce visage avaient un nom. Un nom de famille, même
 Comme chacun de nous. Ce nom a été oublié, quelque part, dans les plis de l'époque. Nous l'appellerons : l'enfant, le pèlerin, le marcheur, le pauvre, le pouilleux, le délabré... Le plus souvent, nous l'appellerons Benoît."

Vraiment une bien belle surprise à partager !

Bonne et belle lecture

JC Togrège
27/01/2018

PS : un seul regret l'utilisation en 4ème de couverture du vilain terme "road book" pour parler du cheminement de Benoît.

 





samedi 20 janvier 2018

DESPROGES PAR DESPROGES : Un humour irremplaçable !

DESPROGES PAR DESPROGES
 


Si vous en avez assez de ces comiques interchangeables qui, une fois qu'ils nous ont raconté leur petite vie n'ont plus rien à nous dire, alors optez pour le subversif Desproges.

Si vous en avez assez de ces comiques qui massacrent notre langue, la truffant de "parler djeun's" (pour faire celui qui est toujours jeune et surtout pas vieux) ou de mots anglais (pour faire celui qui est dans le coup), alors optez pour celui qui savait écrire : Desproges.

Si vous en avez assez du politiquement correct, encore une raison supplémentaire pour vous plonger dans la vie et l'œuvre d'un homme irrévérencieux et différent.



Il n'était pas toujours compris mais refusa toute sa vie de faire de "la soupe", chacun de ses textes étant très travaillé et à lire souvent au second degré.

Pour autant, Desproges n'aimait pas qu'on dise de lui qu'il était écrivain, et préférait le terme d'écriveur.  Reconnaissons qu'il y a peu d'humoristes avec une plume aussi affutée et riche que la sienne, et que le terme d'écrivain lui convient largement.

Ecrire et lire étaient ses passions, d'ailleurs il le formalisa ainsi : "Je peux oublier de manger, je peux oublier de faire l'amour, de boire, pas souvent, mais jamais de lire. Je ne peux pas vivre un jour sans lire" et "mon lieu commun avec moi-même, c'est l'écriture."

Ce gros et grand livre d'environ 2 kilos (ah oui, je l'ai pesé car je ne peux pas le lire au lit le soir, il est trop lourd !) est une mine d'informations sur celui qui est mort il y a déjà 30 ans. Sa fille a fait un travail de collecte remarquable (lettres, articles, photos), et fidèle à l'esprit non conformiste de son père, elle l'a fait paraître à la date anniversaire, non de sa mort, mais du jour où il apprit qu'il avait un cancer.

L'esprit de Desproges est partout dans ce livre, de son enfance, de ses premiers pas de journalistes jusqu'à ses spectacles sur scène, en passant par "le petit rapporteur", Mr Cyclopède et bien sûr " les chroniques de la haine ordinaire".

Ce livre m'a aussi amené à réécouter Desproges dans certaines de ses chroniques de la haine ordinaire, un vrai délice !

Extrait

- Pierre, mon vieux... Mon pauvre vieux.
- Je vous en prie, docteur. Soyez franc. Je veux toute la vérité. J'ai besoin de savoir.
- Eh bien, j'ai une mauvaise nouvelle. De toute évidence vous êtes atteint d'une ... d'un... d'une maladie à évolution lente, caractérisée par ... par une ... dégénérescence des cellules et...
- Ecoutez. Soyez clair : j'ai un cancer ?

- C'est à dire que non. Je ne dis pas cela.
- Vous dites "irréversible". C'est mortel. C'est donc bien un cancer. Parlez-moi franchement. Il.. il me reste combien de temps ?

- Eh bien oui. Vos jours sont comptés. A mon avis, dans le meilleur des cas, vous en avez encore pour trente à quarante ans. Maximum.
- Mais si ce n'est pas un cancer, comment s'appelle cette maladie ?
- C'est la vie.
- La vie ? vous voulez dire que je suis..
- Vivant, oui, hélas.

- Mais où est-ce que j'ai pu attraper une pareille saloperie ? (...)

Bonne et belle lecture.

JC Togrège
20/01/2018








samedi 13 janvier 2018

LITTERATURE JEUNESSE /// QUELQUES MINUTES APRES MINUIT - PATRICK NESS

QUELQUES MINUTES APRES MINUIT
DE PATRICK NESS
ILLUSTRATIONS DE JIM KAY


Pef écrit dans son "Petit éloge de lecteurs" : (...) Comme le rappelle Christian Bruel, en littérature jeunesse, nous faisons des livres pour tous, mais ce sont surtout les enfants qui nous lisent.



Si je commence par ce préambule, c'est parce que le livre de Patrick Ness, c'est tout à fait cela. C'est le jeune public qui le lit alors qu'il peut être apprécié par tous.

Précisons d'abord, pour les spécialistes du genre (dont je ne suis pas, car en littérature jeunesse, je suis le novice débarquant en terra incognita) que c'est d'après une idée originale de Siobhan Dowd, romancière qui est décédée prématurément avant de pouvoir écrire l'histoire, mais qui en avait dressé les prémisses.








Le sujet de base est délicat puisqu'il s'agit de l'amour d'un jeune garçon pour sa mère atteinte d'une grave maladie. Pour ne pas tomber dans le pathos, c'est glissé dans une fable fantastique avec un arbre se transformant en "monstre" qui, à travers des contes, va obliger le garçon à faire face à ses peurs et cauchemars.

Sans dévoiler l'histoire, il y est abordé les sentiments de révolte, de déni, d'abattement qui accablent tout à chacun lorsque la mort s'approche d'un être aimé. Et puis, très adroitement, il y a aussi ces "mauvaises" pensées que l'on peut se reprocher d'avoir.

C'est original, c'est puissant, bien raconté, bien écrit et touchant.

Dans l'édition que j'ai lue, il s'y ajoute les sublimes illustrations en noir et blanc de Jim Kay.

Extrait : Conor  était réveillé. Il venait de faire un cauchemar. Enfin, pas un cauchemar. Le cauchemar. Celui qu'il faisait très souvent ces derniers temps. Celui avec les ténèbres et le vent et le hurlement. Celui avec les mains qui glissent des siennes, malgré tous ses efforts pour les cramponner. Celui qui se terminait par..."

Une adaptation cinématographique, que je n'ai pas vue, est sortie en salle début 2017.

Bonne et belle lecture

JC Togrège
13/01/2018

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samedi 6 janvier 2018

CINEMA /// LA PROMESSE DE L'AUBE - Charlotte Gainsbourg y est formidable !

LA PROMESSE DE L'AUBE
ERIC BARBIER

Avec Pierre Niney, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Jean-Pierre Darroussin



Cette adaptation cinématographique du roman de Romain Gary est une réussite en ce sens que l'esprit du livre est respecté et la narration parfaitement reconstituée dans les différents pays où se déroule le récit.

La mère et son fils ont un rapport fusionnel, seuls face au monde qui n'est pas tendre avec eux.

Cette mère, jouée par Charlotte Gainsbourg, est persuadée que son fils a des dons et qu'il sera un homme extraordinaire : écrivain, grand séducteur, héros militaire, ambassadeur de France. Rien que cela !

Bien sûr, c'est lourd à porter pour ce fils que nous verrons à trois étapes : enfant, adolescent puis adulte, toujours avec cette ambition de ne pas décevoir sa mère.

Il s'agit d'un bon film qui devient passionnant en seconde partie quand les personnages se mettent à exister avec plus de densité, et que l'histoire devient une histoire et non plus une succession de scènes réussies.



Je ne suis pas un inconditionnel de Charlotte Gainsbourg mais dois reconnaître qu'elle est absolument formidable dans ce rôle. L'on oublie l'actrice et l'on a face à soi cette mère excessive, pleine de son amour pour son fils. Pierre Niney est également très bon et parvient à rééquilibrer le film en seconde partie.

La présence de Didier Bourdon, dans le rôle très passager du père, m'a moins convaincu. Nous avions subitement une prestation du style "les inconnus" dans un décor d'un autre genre. En revanche, Jean-Pierre Darroussin est parfait en amoureux discret et éconduit.

Peut-être suis-je un peu dur dans mon appréciation du fait de mon admiration pour le livre-chef d'œuvre de Romain Gary ? C'est possible.

Je dois ajouter que j'ai apprécié la voix off permettant d'entendre le style du romancier.

Un film de qualité à voir pour bien commencer l'année 2018.

Extrait du roman : "Ce fut seulement aux abords de la quarantaine que je commençais à comprendre. Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça arrive ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais."

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
05/01/2018


LITTERATURE JEUNESSE /// PETIT ELOGE DE LECTEURS - PEF

PETIT ELOGE DE LECTEURS
PEF


Cela fait un peu plus d'un an que je m'immerge dans la littérature jeunesse et que je suis ébahi par une richesse et une inventivité que j'étais loin de soupçonner.

Depuis quelques décennies, nombreux sont les albums à avoir comme priorité pour les enfants le plaisir de la lecture, le meilleur moyen pour en faire des lecteurs à vie, source intarissable d'émerveillement. Nous sommes loin des productions anciennes, très scolaires, très moralisatrices et souvent ennuyeuses.

Si l'on veut que l'enfant aime les livres, il faut développer en lui ce plaisir de lire ou d'entendre des histoires, car comme l'écrit Pef, " L'écouteur précède parfois le lecteur". J'ai pu constater aussi que les illustrations sont maintenant une part entière du récit. Elles le complètent et ne sont plus simplement des faire-valoir, des commentaires en images du texte. C'est bien plus !

Au plaisir de l'histoire, il s'ajoute le délice de ce que racontent les illustrations.



Parmi ces auteurs que je découvre, il y a Pef que j'ai vu dans l'émission "La Grande Librairie" de décembre. Sa façon de s'exprimer, son utilisation des mots, sa faconde m'ont séduit, comme ces personnes que l'on rencontre fortuitement et avec qui l'on sait que l'on pourra entrer en connivence.

Je me suis alors plongé dans son "Petit éloge de lecteurs", livre dans lequel il nous livre ses souvenirs de rencontres avec ses lecteurs.
Depuis 40 ans qu'il écrit pour les enfants, il va régulièrement les voir, notamment dans les écoles.

Ce livre est touchant, profond, drôle, dans un style alliant la fantaisie, l'invention et la poésie. Quel privilège rare que de pouvoir s'exprimer ainsi ! C'est une grâce en soi.



Extrait : "Le temps, c'est de l'argent dans les cheveux. Pour le compter, il faut parfois de grandes enjambées par-dessus les années"

J'ai poursuivi ce voyage dans l'univers de Pef avec " La belle lisse poire du prince de Motordu" et  "Les belles lisses poires de France".

Ce prince de Motordu ne s'exprime pas comme tout le monde, il souffre de "mots de tête" comme le décèle la princesse Dézécolle. Ses mots sont tordus, en ce sens qu'il n'utilise pas les bons pour s'exprimer à une syllabe ou lettre prêt. Les illustrations vont dans ce même sens, ce qui ajoute encore de la fantaisie au récit.

Extrait :

".. Que diriez-vous d'une promenade dans ce petit pois qu'on voit là-bas ?
- Un petit pois ? s'étonna la princesse mais on ne se promène pas dans un petit pois ! C'est un petit bois qu'on voit là-bas.
- Un petit bois ? Pas du tout, répondit le prince, les petits bois, on les mange. J'en suis d'ailleurs friand et il m'arrive d'en manger tant que j'en tombe malade. J'attrape alors de vilains moutons qui me démangent toute la nuit !"




Pef, un univers et un imaginaire succulents pour les enfants et ceux qui furent des enfants !

Bonnes et belles lectures.

JC Togrège
"Les livres sont nos amis pour toute la vie"

06/01/2018 
https://www.youtube.com/watch?v=__uAZ8-jIbw