lundi 28 août 2017

LIVRE ET SPECTACLE : AU SECOURS LES MOTS M'ONT MANGE - BERNARD PIVOT - Un jeune homme octogénaire toujours aussi malicieux


 

BERNARD PIVOT

 
 
 

Je vais de nouveau clamer mon admiration pour celui qui fit entrer les écrivains dans le foyer des Français via la télévision  à partir de 1975, pour cet animateur  passionné de littérature qui développa le goût de la lecture à nombre d’entre nous, pour ce Monsieur qui nous donnait rendez-vous tous les vendredis à partir de 21 h 30.  C’était une époque où la télévision n’avait pas peur du mot « culture ».

Son dernier ouvrage « Au secours les mots m’ont mangé »  est aussi un texte qu’il dit sur scène. Le DVD du spectacle est d’ailleurs joint au livre, ce qui double notre plaisir, celui de le lire et celui de le voir le déclamer.


Nous retrouvons le Bernard Pivot  spirituel, cocasse, malicieux et intelligent que nous aimons à travers le personnage d’un écrivain dont il nous raconte l’histoire, de sa naissance jusqu’à son entrée au Paradis.  Nul doute qu’il y a bien des aspects de l’auteur dans ce personnage, dont celui de son amour incommensurable pour les mots.


Certaines propositions de modifications orthographiques sont hilarantes et pleines d’un  bon sens que n’ont pas les réformes sur le même sujet :

« Sur le i de coït il y a, fort justement, deux petits points qui s'envoient en l'air. Je vous propose de retrouver ces petits points sur le i de jouir. »

Cette proposition n’est-elle pas somme toute plus logique que celle de supprimer les accents circonflexes ?

Et puis, la prononciation de certains mots est présentée avec humour :

« J'ai donc appris à lire et à écrire. A l'école communale. Un jour l'instituteur nous a dit :
- F - e - deux m - e se prononce femme
- Mais, lui dis-je, il n'y a pas de a dans femme
- C'est exact. Bien vu. Mais c'est comme ça : le e de femme se prononce a
Alors je me suis dit : "Oh là là, je sens qu'avec les femmes, ça va être compliqué..." Et ça l'a été, je ne me suis pas trompé
 »

Alors ne boudez pas le plaisir d’un texte humoristique sans les facilités et vulgarités de nombres de « one man show » de comiques interchangeables.

Bonne lecture
 
JC Togrège
30/05/2016

 
PS Je publie cette chronique de 2016 car nous avons le bonheur que Bernard Pivot vienne présenter son spectacle dans notre région.
 

AJOUT DU 7/10/2017
 
Nous eûmes la chance de voir Maître Bernard Pivot sur scène à Tinqueux hier soir et de l'approcher pour qu'il dédicace son livre.
 

Eh bien, face à un tel puits d'érudition, je suis resté muet. Nonobstant cette timidité (voir le texte du spectacle), j'ai pu pendre Maître Pivot en photo.

 
Pourtant, j'aurais aimé lui conter une anecdote familiale d'avril 1987. Alors que je m'étais installé au calme pour regarder Apostrophe, ce fut le moment que choisit notre fils Cyrille pour décider de naître. Je dus m'éloigner de la sacro sainte émission (et à l'époque pas de replay possible !)  pour emmener mon épouse à la clinique...


Dédicace 06/10/2017

  

la salle Carré Blanc de Tinqueux
 

vendredi 11 août 2017

LIVRE /// 14/18 /// LES CROIX DE BOIS - ROLAND DORGELES : à rédécouvrir, un livre très fort sur la vie des soldats en 14/18

 
LES CROIX DE BOIS
ROLAND DORGELES






Pour qui a lu ma chronique précédente sur "La révolution en champagne d'avril 1911", vous savez que j'ai sorti des profondeurs de son rangement un vieil album familial de cartes postales des années 1910 à 1918. 
 
Bien sûr, quelques cartes concernant la première guerre mondiale y figurent, témoignages envoyés par des "Poilus" à leur famille qui serviront à illustrer cette chronique-ci consacrée au roman de Roland Dorgelès que j'ai lu sur une vieille édition au papier jauni.







 
Ce livre qui appartenait à mon grand-père maternel n'a vraisemblablement pas été pas été lu depuis au moins 60 ans. Parcourir des pages qui furent tournées par un membre de ma famille que je n'ai pas connu (car mort prématurément avant ma naissance) mais dont j'ai lu la correspondance de la seconde guerre mondiale (ce qui fait que j'ai l'impression de l'avoir connu) a quelque chose de particulier, voire de touchant.

  
Pour en revenir à l'objet de cet article, le titre correspond à toutes ces croix qui se trouvaient sur les chemins du front et qui signalaient des tombes sommaires de soldats français ou allemands. Il y en avait malheureusement beaucoup ! Ce titre, ce fut comme rendre un hommage à tous ces jeunes gens fauchés pendant l'horreur de cette guerre qui fit des millions de morts.




Au dos de cette carte postale : " ... situation critique dans notre bois. On attend un choc pour cette nuit, probablement pour fêter la prise de la Bastille ou la Pastille on attend toujours."







Roland Dorgelès, à partir de son expérience, nous raconte le quotidien de soldats à travers des chapitres, comme autant de petites séquences prises sur le vif : les tranchées, la peur, la saleté, les poux, le froid mais aussi la camaraderie qui fait que les hommes tiennent le coup malgré l'insoutenable. Et puis il y avait cette envie de vivre chez tous ces jeunes hommes !
 
L'on s'attache aux personnages d'une escouade dont très peu sortiront vivants, et aucun indemne, la mémoire à jamais marquée.
 
 





 Les Rêves du Soldat
 

à droite : Il se rappelle le bon temps où sa mère le dorlotait avant qu'il ne s'endorme


à gauche : Il songe à l'heure où tous les siens sont réunis autour de la table familiale.



(cartes postées en 1912 mais correspondant bien à ce que pouvaient ressentir les soldats.)



Les nombreux dialogues sont l'occasion de retrouver un vocabulaire employé par les soldats : le gourbi (l'abri qui sert d'habitation), un type bonnard (sympathique, bon enfant), la boite de singe (ah non, pas de viande de singe mais du bœuf, du "corned beff"), la popote (ce qu'on cuisine), le rata (le ragoût), laisser tomber l'autre noix ! (imbécile), une marmite (projectile de gros calibre envoyé par les allemands), enfifré (bon là je vous laisse aisément deviner) etc.. Ces dialogues nous rendent proches les personnages.
 
J'ai une pensée pour ce grand-oncle qui fut nettoyeur de tranchée (l'un des plus sales boulots chez les Poilus, consistant à "nettoyer" une tranchée prise, c'est à dire achever les blessés), et qui fit des cauchemars épouvantables toute sa vie.
 
Ce roman qui obtint le prix Femina, concourut pour le Goncourt 1919 mais fut battu par "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" de Marcel Proust par six voix contre quatre. Vous avez vu, j'ai encore réussi à vous parler de Proust l'air de rien...
 
 Extraits 
 
"La guerre... Je vois des ruines, de la boue, des files d'hommes fourbus, des bistrots où l'on se bat pour des litres de vin, des gendarmes aux aguets, des troncs d'arbres déchiquetés et des croix de bois, des croix, des croix... Tout cela défile, se mêle, se confond. La guerre...
Il me semble que ma vie entière sera éclaboussée de ces mornes horreurs, que ma mémoire salie ne pourra jamais oublier. Je ne pourrai plus jamais regarder un bel arbre sans supputer le poids du rondin, un coteau sans imaginer la tranchée à contre-pente, un champ inculte sans chercher les cadavres. Quand le rouge d'un cigare luira au jardin, je crierai peut-être : "Eh! le ballot qui va nous faire repérer !..." Non, ce que je serai embêtant, avec mes histoires de guerre, quand je serai vieux."



Je sème la mort. Je sème la gloire.
Je ne m'arrêterai qu'à la victoire
 
Canon employé par les Allemands pour tirer
 contre les aéroplanes 


Un livre-témoignage puissant sur la guerre 14/18 à redécouvrir !
 
Bonne lecture
 
JC Togrège
11/08/2017



PS : Ajouts du 12/08/2017 (contribution CG)

Voici les chansons chantées par les Poilus dans le roman :


Sérénade du pavé : https://www.youtube.com/watch?v=gTsjyk1WXFU&feature=em-share_video_user

Si tu veux... Marguerite : https://www.youtube.com/watch?v=GiaAeMfrhRU&feature=em-share_video_user

Ferme tes jolis yeux : https://www.youtube.com/watch?v=314KVTNu4c0&feature=em-share_video_user

Et puis un extrait de l'adaptation cinématographique de Raymond Bernard :

https://www.youtube.com/watch?v=vZNsAsdsVUc&feature=em-share_video_user

 
 PS 2 JCT : Une adaptation cinématographique en a été faite par Raymond Bernard en 1932 avec Charles Vanel, Pierre Blanchar, Harry Baur, Gabriel Gabrio. Un beau film fidèle au roman et que nous venons de revoir dans sa version restaurée de 2014. Fritz Lang le considérait comme le meilleur film de guerre jamais tourné.


PS3 : Dans cette vieille édition, les "gros mots" ne sont pas écrits en entier. Il n'y a que la première lettre et des petits points. Si ce procédé existait encore, nombre de romans contemporains deviendraient incompréhensibles ...






lundi 7 août 2017

CINE /// LA PLANETE DES SINGES - SUPREMATIE : Le dernier film d'une trilogie de science-fiction très réussie

LA PLANETE DES SINGES - SUPREMATIE -
DE MATT REEVES





Reconnaissons-le, nous nous étions mis en condition en ayant regardé de nouveau avec grand plaisir les deux précédents films de la trilogie : "Les origines" de 2011 et    " L'affrontement" de 2014.

Alors, oui, nous étions dans un état d 'impatience
 indéniable  avec l'espoir que ce serait aussi bien. Les extraits de la bande annonce étaient de bonne augure.

Eh bien, nous en avons pris plein les yeux pendant 2h20.

Une trilogie haletante de cette qualité, on en redemande !






Dans cet épisode, "Suprématie", la guerre bat son plein. Les hommes, réunissant leurs dernières forces, ont décidé de tuer tous les singes et les pourchassent dans la forêt, rejetant toute demande de paix. Quant à César, il va vivre un conflit intérieur dense, entre conduire son peuple vers la terre promise (j'emploie volontairement ces mots, car cela fait penser à cela) et assouvir son désir de vengeance personnelle.

Pas question que je déflore quoique ce soit de plus, mais vous ne serez pas déçus, le scénario est de qualité et intelligent. Les effets spéciaux  sont remarquables et sont mis au service de l'histoire, ce pour quoi ils devraient toujours être conçus.

J'ajouterai simplement que les nouveaux personnages sont bien campés : Nova la petite fille, le grand méchant charismatique incarné par Woody Harrelson, le petit singe peureux qui apporte une touche d'humour etc.

Et puis bien sûr il y a le regard de César si expressif !

Autre bonne surprise, la musique du film signé Michaël Giacchino est très belle et mériterait largement que les spectateurs restent lors du générique de fin... ce que très peu font.

Cela prouve, s'il était besoin, qu'un film d'aventures et de science fiction de grand public peut être de premier ordre.

Il nous reste maintenant à revoir la référence absolue de cette série, à savoir le film de Franklin Schaffner avec Charlton Heston sorti en 1968.


Et n'oublions pas que sans le romancier français Pierre Boule (*), tout cela ne serait pas.

Je ne le redirai jamais assez, le seul inconvénient à aller voir un film de grand divertissement, c'est qu'il nous est infligé en début de séance tout ce qui  se fait de plus bête et violent.


Cinéphilement vôtre

JC Togrège
07/08/2017


* Le roman de Pierre Boule "La planète des singes" fut publié en 1963

dimanche 6 août 2017

REVOLUTION EN CHAMPAGNE - AVRIL 1911 : Une rivalité Marne/Aube


REVOLUTION EN CHAMPAGNE
AVRIL 1911



Samedi matin de détente avec petit rangement de la bibliothèque, ce qui m'amène à parcourir avec attention un vieil album familial regroupant plusieurs centaines de cartes postales datant d'un siècle.
 
Qui eut cette idée parmi mes ascendants de les regrouper et de procéder à ce classement ? Je l'ignore mais lui en suis reconnaissant.
 




Cet album qui a traversé le temps et connu maints déménagements est comme un pont entre les générations, le témoignage d'une époque et d'une famille.
 
L'intérêt est double : les cartes postales en elles-mêmes (le graphisme, les thèmes, les costumes, le caractère historique aussi) et le texte qui s'y trouve au dos et qui est le fait de ma famille maternelle.
 
Et puis voilà que j'en trouve quatre avec cette drôle de légende : "Révolution en Champagne -Avril 1911". Mais que s'est-il donc passé qui ait mérité une telle appellation tombée dans l'oubli pour la grande majorité d'entre nous ?



Celle-ci "Ruines des établissements Deutz et Geldermann" concerne un bâtiment de champagne ravagé suite à un incendie provoqué par des émeutiers en colère.











Cette autre "Dans les rues d'Ay" montre une foule face à l'armée (quatre escadrons de chasseurs et dragons, soit 600 cavaliers). Il faut préciser que cette manifestation du 12 avril 1911 regroupa entre 5 et 6000 vignerons marnais.







Alors pourquoi ces troubles, ces manifestations ?
 
La colère couvait depuis plusieurs années et concernait l'appellation du mot Champagne et la lutte contre les "fraudeurs" qui importaient du vin d'autres départements. La délimitation de la zone géographique pour l'appellation "Champagne" était un enjeu capital.
 
Une fédération des syndicats viticoles de la Champagne fut créée le 21/08/1904 dont l'un des buts déclarés est de lutter contre la fraude sur les vins de la Champagne viticole.
 
Pour les vignerons marnais, le but c'était d'obtenir une loi interdisant l'appellation "Champagne" pour tout vin qui ne serait pas originaire de la production de la Marne.
 
Le 16 octobre 1910, la Fédération organisa à Epernay un meeting regroupant 10 000 vignerons aux cris de " A bas la Fraude ! Vive la Champagne viticole délimitée"
 
Tous ne l'entendaient pas ainsi, notamment les Aubois. Il y eut des mouvements de protestation dont une grande manifestation à Troyes le 9 avril 1911 des vignerons aubois (entre 5 à 7000 personnes) portant le macaron "Champenois nous fûmes, Champenois nous resterons, et ce sera comme ça !"
 
Il s'ajouta à cette lutte portant sur la délimitation de la zone géographique pour savoir qui pouvait se revendiquer ou non de la Champagne (avec des mesures législatives n'arrivant à pas à régler le problème), de mauvaises récoltes dans la Marne de 1907 à 1910  (phylloxéra, mildiou, mauvaises conditions climatiques) et ce pendant plusieurs années.

Des négociants en vin importèrent alors du vin de l'Aube, ce qui mit le feu aux poudres et amena cette "révolution en Champagne" en avril 1911. Le point d'orgue fut à Ay avec 6000 manifestants, ce qui généra la mise à sac et la destruction de plusieurs maisons de champagne.
 
Heureusement il n'y eut aucune victime à déplorer hormis les bouteilles...



La révolte fut jugulée le 15 avril.
Jusqu'aux vendanges, le vignoble fut contrôlé par 40 000 soldats afin d'éviter tout nouveau soubresaut.
 
Pour finir rapidement l'histoire, en 1927 la majorité du vignoble aubois fut intégrée dans la délimitation de la Champagne viticole.
 
Et voilà comment à partir de 4 petites cartes postales conservées dans un album, je me suis intéressé à un épisode historique.
 
Ce n'est pas avec nos SMS actuels (aussitôt envoyés, aussitôt détruits) qu'une telle chose sera possible pour les générations suivantes.





JC Togrège
06/08/2017






vendredi 4 août 2017

LIVRE /// LA MORT A SES RAISONS - SOPHIE HANNAH - Une enquête d'Hercule Poirot

LA MORT A SES RAISONS
SOPHIE HANNAH
 

Bien que n'étant pas un spécialiste des livres d'Agatha Christie, j'ai lu ses grands classiques (dont l'incontournable "Dix petits négres") et vu des adaptations cinématographiques ( dont " Mort sur le Nil") et peux dire que  j'ai retrouvé l'ambiance de la romancière dans ce livre sorti en 2016. Mon épouse qui est une lectrice régulière de ses enquêtes me l'a confirmé.

Sophie Hannah est la seule à avoir reçu l'accord des héritiers d'Agatha Christie pour reprendre le personnage d'Hercule Poirot, à condition d'en respecter l'esprit. En inconditionnelle de la romancière qu'elle admire, je pense qu'elle a bien réussi dans son projet en conservant les codes d'Agatha Christie tout en créant une histoire nouvelle. Les puristes relèveront peut-être des erreurs, ce que je ne suis pas en mesure de faire. J'y ai retrouvé le Poirot que je connaissais et une enquête bien ficelée avec un huis clos et tout un groupe de suspects.

L'histoire se passe en 1929 en Irlande où Hercule Poirot et l'inspecteur Catchpool ont été invités par une romancière célèbre dans son domaine de Clonakilty. Celle-ci au cours d' un repas informe l'assemblée de son nouveau testament par lequel elle lègue tous ses biens à son secrétaire souffrant d'une maladie incurable, dépossédant ainsi ses enfants. Surprise générale et désenchantement !

 Bien sûr il y aura un meurtre et l'enquête pourra commencer.

L'histoire est totalement prenante, et l'on se prend au jeu de l'enquête menée par les deux policiers. Nous suivons l'esprit de déduction d'Hercule Poirot à travers les interrogatoires et les échanges avec son collègue.

Tout comme les enquêteurs, nous faisons fonctionner nos neurones, et ça fait du bien !

Personnellement, je n'ai pas réussi à trouver le coupable et ai été captivé jusqu'au dénouement.

Bonne enquête !

JC Togrège
04/08/2017

PS ci-dessous interview de la romancière : https://www.youtube.com/watch?v=2uj_SXKTRQw








LIVRE /// LA DELICATESSE - DAVID FOENKINOS - Un roman d'une grande fraîcheur -



DE DAVID FOENKINOS


 

 

Une lectrice m'interrogeant sur les romans de David Foenkinos, je republie également cette autre chronique de 2011. Depuis j'en ai vu également l'adaptation réussie au cinéma faite par David Foenkinos et son frère Stéphane en 2011, avec le couple François Damiens/ Audrey Tautou qui fut très convaincant.
 
 
JC Togrège
04/08/2017






 
 
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Chronique du livre  :
 
Il s’agit de l’histoire de la reconstruction d’une jeune femme après un drame et d’un amour improbable (mais que sait-on réellement de l’alchimie qui font que deux êtres sont en accord ? ) dont je ne vous raconterai pas le récit, car ce serait vous gâcher un plaisir de lecture dont il ne faut surtout pas vous priver.

 Et il faut vous dépêcher de vous y plonger, son adaptation au cinéma va sortir en décembre 2011; nous savons tous qu’il faut d’abord passer par le roman puis voir le film ensuite et absolument pas l’inverse. C’est Audrey Tautou qui va interpréter le personnage de Nathalie, ce dont je me ravis, car elle colle bien au personnage (à la fois faible et fort, vulnérable et sensible). Reconnaissons qu’il n’y a rien de pire  que de voir un acteur qu’on n’apprécie pas jouer un personnage de fiction qu’on a aimé. C’est comme un rêve qu’on nous volerait...

 Pour en revenir à ce roman, je vous dirai qu’il est plein de fantaisie, d’humour et surtout d’une grande fraicheur, le tout saupoudré  d'une touche de romantisme. Il y avait bien longtemps qu’un auteur n’avait pas écrit sur un  baiser échangé et les ravages qu’il peut évoquer chez un individu.  Un simple baiser, un peu dans le ton de la chanson de « Souchon » dont on retrouve d’ailleurs le texte d’une autre chanson dans le livre.

 On y trouve d'ailleurs d'autres petites saveurs telles des petites notes de bas de page, des listes, des citations, des recettes de cuisine, autant d’ingrédients qui apportent un supplément au roman et le rendent savoureux.

 Quelques extraits du livre :

 « C’était elle qui l’avait embrassé. On n’avait pas le droit d’agir ainsi sans donner d’explication. C’était comme voler quelque chose et partir en courant. C’était exactement ça : elle était partie en courant de ses lèvres. Pourtant, il savait qu’elle ne viendrait pas le voir. Peut-être même qu’elle avait oublié ce moment, qu’il n’avait été pour elle qu’un acte gratuit ? Son intuition était bonne. Il sentait une injustice terrible dans cette possibilité : comment l’acte du baiser pouvait-il être gratuit pour elle alors qu’il avait une valeur inestimable pour lui ? Oui, hors de prix. Ce baiser était là, partout en lui, marchant dans son corps. » 

 « On ne change pas comme ça d’environnement. Ils allaient être comme deux bouchers à un congrès de végétarien »

 « En partant ce vendredi soir, il était bien content de pouvoir se réfugier dans le week-end. Il utiliserait le samedi et le dimanche comme deux grosses couvertures »

 
Bonne lecture.

 19/11/2011

LIVRE ET CINE /// LES SOUVENIRS - Un film sensible de Jean-Paul Rouve d'après le roman de David Foenkinos


LES SOUVENIRS
JEAN PAUL ROUVE
D'APRES LE ROMAN DE DAVID FOENKINOS

 
 
C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé dans l'adaptation cinématographique "les souvenirs" le ton du très beau livre de David Foenkinos sur ce sujet délicat de la vieillesse et de la maison de retraite.

Le réalisateur a su trouver les acteurs qui correspondent parfaitement aux personnages du roman.

Annie Cordy y démontre qu'elle est une bonne actrice dans le rôle difficile de cette femme qui vieillit et que ses enfants ont placé en maison de retraite de laquelle elle s'évade. Michel Blanc, Chantal Lauby et Mathieu Spinosi m'ont également convaincu pour ce film intelligent, sensible, plein d'humour et de vie.

Toute personne ayant dû fréquenter les maisons de retraite remarquera comme tout cela sonne "juste".

Ce film est sorti en 2015 à l'écran.

J'en profite pour publier ci-dessous une chronique que j'avais écrite en 2011 après avoir lu le roman.

JC Togrège
04/08/2017

Chronique du livre : Les souvenirs de David Foenkinos :

 

Autant vous l’avouer tout de suite, je ne connaissais absolument rien de cet auteur, voilà quelques mois, avant de l’avoir vu dans une émission littéraire un dimanche matin. David Foenkinos m’est alors apparu comme quelqu’un de décalé, de « lunaire », quelqu’un qui devait avoir une petite musique différente dans ses mots.  Je me suis alors précipité sur son livre « les souvenirs » pour vérifier l’exactitude ou non de ma première impression.

 
Et alors ?  Ne cornant jamais mes livres, j’ai l’habitude d’y mettre des croix au crayon de papier pour y revenir une fois le roman fini. Croyez le ou non, mais celles-ci furent nombreuses dans celui-ci !

 
L’auteur  y  parle avec un ton très juste de la vieillesse, des maisons de retraite, de la mort, de la transmission des souvenirs, des difficultés à communiquer entre bien portants et les « autres » , le tout avec un ton parfois grave, mais le plus souvent assez léger, où l’humour et l’autodérision allègent le récit. Ce sont des petites touches au gré d’une phrase, d’une page qui nous font venir le sourire aux lèvres pour désamorcer une situation difficile.

 Le style est vif, agréable, rythmé, inventif.

 C’est aussi un auteur très lucide sur nos petites lâchetés ordinaires. Ainsi écrit-il : Il faut trouver de bons prétextes pour mettre un terme à une ambition sans avoir à sa dire : «  Je n’en suis pas capable »
 
La partie du roman que j’ai préférée est celle où il parle de cette grand-mère qui se retrouve malgré elle en maison de retraite où elle ne se résignera pas à demeurer, et ce jusqu’à s’en «évader ». Cette grand-mère nous dit « On devrait vieillir avec la beauté. Ou plutôt, on devrait se soulager de la vieillesse par la beauté... On devrait voir de belles personnes, de beaux paysages, de beaux tableaux. J’ai vu tant d’horreurs dans ma vie. Pourquoi dois-je assister maintenant au spectacle du délabrement des autres ? »

 
David Foenkinos sait bien décrire ce sentiment ambivalent chez les bien portants pour qui la visite d’un être vieillissant ou malade devient un devoir difficile. Nous devenons ce qu’il appelle des « veilleurs de chagrin »

 Mais n’allez pas croire que ce roman soit triste, que nenni ! Il y est aussi porteur d’espoir et d’amour. Ce qu’il nous faut, c’est rester éveillé à tout âge.

 Quelques extraits ci-dessous de ce beau roman :

 
"...j’allais de moins en moins voir ma grand-mère. Je mettais ça sur le compte de la légère déprime que je traversais ; on ne peut pas entrer dans une maison de retraite si on n’est pas solide moralement. Mais au fond je crois que la raison était tout autre. Quoi qu’il arrive, on finit par espacer ses visites. Et le mouvement de désertion était collectif (mon père aussi passait moins souvent). Au départ, j’allais la voir deux ou trois fois par semaine. Puis, j’étais passé à un rythme hebdomadaire, avant de me diriger lentement vers une apparition bimensuelle. Le plus terrible, c’est qu’il ne s’agit pas d’une question de disponibilité. J’aurais très bien pu lui rendre visite plus souvent. Mais récemment, j’avais éprouvé un grand malaise en allant la voir. Il était arrivé que nous n’ayons pas grand-chose à nous dire, et ces occasions-là m’étaient apparues comme des supplices. Ma grand-mère pouvait être dynamique, vivante, drôle même, et je sentais bien qu’elle faisait un effort particulier avec moi, mais la plupart du temps nos moments consistaient à parcourir le terrain immense de la solitude. Je n’inventais plus des histoires comme j’avais pu le faire auparavant, mais tentais de venir avec un petit réservoir d’anecdotes. Des mots prévus pour combler le vide. Mais est-ce si important ce que nous avons à nous dire ? Parfois la simple présence suffit. Mon grand-père m’avait dit avant de mourir : « reste encore un peu » Il était mourant, il n’y avait plus de discussion à avoir, et pourtant il a exprimé le désir de ma présence. Alors pourquoi étais-je en train d’abandonner ma grand-mère ? Plus tard, cela deviendrait une obsession. Cette question de la grande vieillesse. Que veulent les vieux ? Ils s’isolent lentement, sur ce chemin qui les conduit à la blancheur. Tout ce qui fait la matière des conversations disparaît. Et on est là, comme des veilleurs de chagrin.

  « Au fond, je crois  que le rôle du fonctionnaire en première ligne dans un commissariat est de dégoûter le plaignant. Il est comme un videur à l’entrée d’une boite de nuit qui décide quelles plaintes il peut laisser passer »
 
" Peut être que la caractéristique majeure du bonheur est d’accélérer le temps ? »

 Ces quelques extraits sont significatifs du ton du livre. Sachez également que j'ai lu ensuite le livre qui l'a fait devenir célèbre "la délicatesse" et qui est un petit bijou. Je vous en reparlerai plus tard.

 

Je vous souhaite de belles lectures

13/11/2011