lundi 27 septembre 2021

CINE /// DELICIEUX - DE ERIC BESNARD : un film à déguster

  DELICIEUX
DE ERIC BESNARD

avec Isabelle Carré, Grégory Gadebois, 
Benjamin Lavernhe, Guillaume Tonquédec



L'enthousiasme à  fouler l'entrée d'un cinéma.

La sensation d'entrer dans un monde fabuleux où tout est possible pendant quelques heures.

La joie de se retrouver dans une salle sombre avec face à soi un grand écran.

Les yeux grands ouverts prêts à s'émerveiller.

Un plaisir qui a tant manqué.

En avant pour la magie du 7ème art !



Ce retour se fit avec un film d'époque savoureux car consacré à la gastronomie, et plus précisément à l'idée d'ouvrir un restaurant ouvert à tous. 


Cette idée surviendra à Pierre Manceron et son "apprentie"  quelque temps avant la révolution française, alors qu'il s'est retrouvé congédié pour avoir servi à la noblesse attablée des pommes-de-terre.

 "-  Mais il nous prend pour des gorets !"

Son "apprentie", jouée par Isabelle Carré, aux yeux pétillants à souhait, jouera un rôle déterminant dans l'aventure.  

Cela ne sera pas sans embûche comme pour toute idée novatrice qui secoue l'ordre du monde. Mais il faut oser...

Un film qui met à l'honneur l'art de cuisiner et de déguster de bons plats. 



Les images sont très belles, raffinées, c'est bien filmé.

Le scénario est original et sort de l'ordinaire même s'il ne faut pas considérer cela d'une justesse historique absolue et si l'on voit où va aller la romance.

Les acteurs sont très bons dont Grégory Gadebois que je ne connaissais pas et qui capte l'attention dans son rôle d'homme bourru et renfermé au regard tendre.

Un film qui fait du bien !

Cinéphilement vôtre

J-C Togrège
27/09/2021

lundi 20 septembre 2021

LA POUPLIE - HISTOIRE D'UN SAUVETAGE - auteur J-C TOGREGE

 LA POULIE, HISTOIRE D'UN SAUVETAGE
J-C TOGREGE



Je vais vous raconter l'histoire d'un arbre magnifique.

Je vais vous raconter l'histoire d'une jeune femme tombée amoureuse de son arbre depuis son enfance.

Je vais vous raconter un sauvetage.

Je vais vous raconter une belle histoire !

Mais commençons par vous présenter ce Peuplier noir très particulier surnommé : la Pouplie.

Drôle de nom, me direz-vous ?




Alors, sachez que cet arbre âgé de plusieurs siècles (entre 200 et 300 ans selon les estimations d'experts) vit à Boult-sur-Suippe, petit village marnais de la Vallée de la Suippe, à quelques kilomètres des Ardennes.

Si j'ajoute que dans le patois local du XIXème siècle, le peuplier s'écrivait "Pouplier" (ou "Poplier), terme venant lui-même de l'ancien français pople, vous comprendrez le surnom que les Bouquins-Bouquines (c'est le nom des habitants du village) ont donné affectueusement à cet arbre.

D'autres peupliers noirs étaient présents sur la commune mais tous finirent par être abattus, comme la plupart des autres arbres à proximité de la Pouplie.



Cette géante de 38 mètres se trouve désormais seule sur son terrain depuis que l'Epicéa qui lui tenait compagnie a été tronçonné sur ordre du maire du village, sous le prétexte qu'il serait tombé malade d'ici quelques années, victime du coléoptère typographe qui fait tant de ravage dans notre région.

 Il est vrai que le réchauffement climatique favorise la multiplication de cet insecte tueur d'épicéas, mais cela justifiait-il d'anticiper ainsi sa fin ? 

Quelques amoureux des arbres tentèrent en vain de s'opposer à cette décision qui ne faisait pas l'unanimité au conseil municipal.


Mais revenons-en à la Pouplie.

En septembre 2018, de jeunes crétins désœuvrés ne trouvèrent rien de mieux, pendant la fête foraine, que de mettre des pétards dans sa cavité avec des emballages de pizza auxquels il mirent le feu. 


Ce n'est que lorsque de la fumée s'échappa de l'arbre que des riverains s'aperçurent que le tronc se consumait en interne. Ils tentèrent de l'éteindre avec des seaux d'eau mais ce ne fut pas suffisant.

Heureusement, les pompiers alertés rapidement purent arrêter ce début d'incendie en extrayant les braises de la cavité de l'arbre.

A priori, le seul dommage constaté était la destruction du champignon géant qui s'y trouvait mais la suspicion s'installa.


Avant de poursuivre ce récit, sachez que les vieux arbres ont des cavités dans leur tronc; c'est quelque chose de naturel qui ne signifie absolument pas qu'ils soient malades. Nous humains, avec l'âge, nous avons des rides, nos sens s'émoussent, parfois nous nous courbons. Les arbres, eux, se creusent pour le grand bonheur de nombreux petits animaux qui en font leur habitat.

La suspicion prit de l'ampleur, devint de l'inquiétude. Et si l'arbre venait à tomber sur les maisons à proximité, sur le parc de jeux ? Le maire prit un arrêté d'urgence fermant la circulation de la rue proche de la Pouplie, des barrières furent installées.

Il s'en fallut de peu que le sort du grand Peuplier ne soit scellé.

Le 21 septembre 2018, les habitants trouvèrent avec stupeur dans leur boite aux lettres une information de la mairie indiquant que pour la protection de la population, il avait été enjoint au propriétaire du terrain d'abattre l'arbre.

Une fois dépassé le stade de la consternation et de la tristesse, des voisins de la Pouplie se mobilisèrent, contactèrent la télévision régionale qui fit un reportage. Leurs propos étaient celui du bon sens avec la demande de la réalisation d'une expertise, précisant qu'ils se plieraient à sa conclusion si la dangerosité était confirmée. Une association de défense des arbres proposa d'aider au financement de l'opération. 

Ce fut comme un sursis pour la Pouplie.

L'ONF (Office National des Forêts) se livra à un examen dont les conclusions étaient plutôt encourageantes, tout en conseillant par sécurité un test de traction, à son tour réalisé en août 2019.

L'arbre tint bon ! Il fut prouvé qu'il n'était ni en fin de vie ni dangereux. Et pourtant, il ne fut pas toujours bien traité par la commune, celle-ci ayant même goudronné une rue le jouxtant et malmenant ainsi ses racines. La puissance de vie de la Pouplie était demeurée la plus forte.

Sa survie était toujours en cause, car il convient d'ajouter que l'ONF préconisa un élagage. Etant situé sur un terrain privé, la mairie ne voulut pas prendre en charge les frais et demanda au propriétaire de s'en charger.

Et c'est là que l'histoire prit une tournure qui aurait pu être funeste à la Pouplie car l'argent s'invita au débat. Situé sur un terrain constructible, l'arbre était une gêne pour le propriétaire qui y voyait déjà à sa place la construction de pavillons. Son intention n'était pas de le faire élaguer mais de le faire disparaître. Comme la loi le lui oblige, il écrivit au maire pour l'autorisation de l'abattage, ce qui lui fut refusé à plusieurs reprises.

Les deux hommes commencèrent par discuter puis par s'échanger des courriers recommandés qui étaient de très mauvaise augure. Plus la situation s'enlisait et plus les jours du Peuplier semblaient comptés.

C'est alors qu'une jeune femme amoureuse de l'arbre, se définissant elle-même comme une "utopiste et une grande optimiste" intervint en inscrivant la Pouplie au concours national de "l'Arbre de l'année 2020." Le propriétaire lui avait donné son accord pour autant que cela ne lui occasionnât pas de frais.


Amandine, c'est ainsi qu'elle se nomme, avait toujours été en admiration devant ce Peuplier hors du commun.

Petite fille, elle aimait à le regarder de la fenêtre de sa chambre, se plaisait à se promener à son alentour, subjuguée par la beauté qu'elle y voyait, charmée par le bruissement des feuilles, heureuse d'y voir des oiseaux, des écureuils y vivre.

Bien qu'habitant maintenant Besançon, Amandine ne manquait jamais d'aller saluer "son arbres" toutes les fois qu'elle regagnait le village où résident toujours ses parents et son frère.

Que la Pouplie disparaisse, cela ne pouvait se faire, il fallait agir et tant pis, si elle devait se lancer toute seule dans l'aventure de sa sauvegarde. Il y avait urgence à attirer l'attention sur cette "merveille de la nature encore conservée."


La Pouplie passa brillamment la 1ère étape de sélection après avoir séduit le jury composé de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), de l'ONF, du magazine "Terre Sauvage" et de l'association "A.R.B.R.E.S"

Elle fit partie des 10 lauréats retenus pour le concours de l'Arbre de l'année 2020.

Amandine se lança dans la bataille avec fougue et optimisme, ouvrit une page Facebook au nom de la Pouplie où elle publia de nombreux posts, contacta les médias et toutes personnes pouvant relayer le concours qui, elle le pressentait, serait une carte maîtresse pour la sauvegarde de l'arbre.

Que les villageois puissent se résoudre à sa disparition dépassait son entendement. 

Comment accepter que l'emblème du village qui figurait même sur le blason communal soit sacrifié au dieu Argent ? Les villageois n'avaient-ils plus de mémoire ? Ne se rappelaient-ils pas que pendant la 1ère guerre mondiale, les soldats trouvèrent en elle une alliée en tant que mirador pour surveiller l'arrivée de l'armée ennemie ? 

La Pouplie eut aussi d'autres amis à travers une association du village active en matière de défense de l'environnement dont les démarches auprès des élus, collectivités territoriales et autres se heurtaient toujours à la même réponse. S'agissant d'un terrain privé, les recours étaient très limités, le propriétaire demeurant le décisionnaire. Une solution éventuelle était de passer le terrain en "espace boisé classé" mais la mairie ne voulait pas retenir cette option, sans fournir d'explications. Cette association s'activa alors pour soutenir l'action de la jeune femme. Tous ne ménagèrent pas leurs efforts.

Petit à petit, les votes pour la Pouplie grossirent. Rien n'était gagné, les concurrents étaient redoutables, notamment celui de Corse.

Grâce aux articles dans les journaux, aux passages à la télévision, à la radio, la Pouplie devint populaire.

Puis avec 6344 votants en sa faveur, ce fut le sacre avec le prix du Public 2020 et l'entrée en lice pour un autre concours au niveau européen où elle se plaça honorablement avec 31 594 voix.

La Pouplie était devenue une star !

Le pari un peu fou de cette jeune femme était gagné, ce qui permettait à l'horizon de s'éclaircir pour son ami-arbre. Comment pouvait-il être envisagé de l'abattre après le succès qu'il avait remporté ? Nul doute que nombre de militants de la nature se seraient alors mobilisés.

Enfin, le maire et le propriétaire trouvèrent une solution en faisant un échange de terrains ! Celui de la Pouplie devenait communal tandis que le propriétaire récupèrerait en échange une parcelle constructible dans le village.

La conclusion qui s'impose c'est qu'il ne faut jamais baisser les bras, refuser d'écouter ceux qui répondent par "c'est impossible", "c'est trop compliqué, ça ne dépend pas de nous", tous ceux qui ne se bougent jamais, tous ceux qui attendent que leur voisin fasse le travail.

Un citoyen, même seul, s'il y croit, peut faire bouger les choses. Il suffit parfois d'une personne passionnée qui sache en convaincre d'autres pour que les forces s'unissent et bousculent la fatalité.

Merci Amandine d'avoir rendu possible l'impossible !

En guise d'épilogue, je mentionnerai une lecture organisée pour les enfants autour de la Pouplie durant l'été 2021.

Ce fut un hommage rendu à cette géante qui continuera encore longtemps à veiller sur le village.



Ce récit se trouve dans le recueil "Les bourgeons renaîtront"  sous le titre : Amoureuse de la Pouplie. 

J-C Togrège

14/07/2021