DANIEL PENNAC ET MALAUSSENE
Quel plaisir que l'émission de la Grande Librairie avec Daniel Pennac pour nous parler du retour de Benjamin Malaussène après 17 ans d'absence ! Comme cela donne envie de se jeter sur son dernier livre " le cas Malaussène tome 1 : ils m'ont menti" !
Quelle jubilation à voir cet auteur entouré de personnalités aussi intéressantes que Lambert Wilson (qui lut un extrait d'un monologue d'un escroc de la finance, personnage du roman), de Christian Bobin (qui sait toujours dire les choses avec poésie " Un livre heureux est un livre qui sait nous entendre.") de Carol Beffa (compositeur qui sait improviser sur des lectures), de Sylvia Avallone (romancière italienne plein d'énergie) !
Quelle saveur à l'entendre énoncer ce qui pourrait être son 11ème droit imprescriptible du roman : "Le droit de s'endormir sur une lecture qu'on admire" !
Si je mets tant de points d'exclamation, c'est émission était jubilatoire et donnait envie de lire, encore et toujours !
Voici ci-dessous ma chronique de juillet 2015 sur Daniel Pennac.
Bonne et belle lecture
JC Togrège
15/01/2017
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Suite
rencontre de lecteurs, une personne du groupe énonça sa déception après avoir
lu « Chagrin d’école » de Daniel Pennac, en ajoutant qu’elle aimait
beaucoup d’autres de ses livres.
Cette remarque venant d'une enseignante m’étonna, car comme l'on sait, ce livre est celui d’un ancien professeur et que je pensais cette population
plutôt acquise à ce type d’ouvrages.
Et puis, de mon côté, j’en avais gardé un
excellent souvenir.
Aimant
beaucoup le style et l’univers de Pennac, je me suis replongé dans « Chagrin d’école » et la magie
opéra de nouveau.
Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est son meilleur ouvrage
(« Roman » reste la référence, ainsi que la série des Malaussène),
mais j’ai de nouveau beaucoup aimé. Sans doute car il aborde tous ses livres
par un angle différent des autres, et pour celui-ci, à partir de sa cancrerie.
Attention, pas une cancrerie qu’il revendique comme positive mais comme une
souffrance.
Extrait :
« ...C’est d’ailleurs le lot du cancre : on
ne le croit jamais. Pendant sa cancrerie on l’accuse de déguiser une paresse
vicieuse en lamentations commodes : « Arrête de nous raconter
des histoires et travaille ! »
Et quand sa situation sociale atteste
qu’il s’en est sorti on le soupçonne de se faire valoir : « Vous, un ancien cancre ? Allons donc,
vous vous vantez ! »
Le fait est que le bonnet d’âne se porte
volontiers a posteriori. C’est même une décoration qu’on s’octroie couramment
en société. Elle vous distingue de ceux dont le seul mérite fut de suivre des
chemins du savoir balisé.
Le gotha pullule d’anciens cancres héroïques. On les
entends ces malins, dans les salons, sur les ondes, présenter leurs déboires
scolaires comme des hauts faits de résistance. Je ne crois, moi, à ces paroles
que si je perçois l’arrière son d’une douleur. Car si l’on guérit parfois de la
cancrerie, on ne cicatrice jamais tout à fait des blessures qu’elle nous
infligea.
Cette enfance-là n’était pas drôle, et s’en souvenir ne l’est pas
davantage. Impossible de s’en flatter. Comme si l’ancien asthmatique se vantait
d’avoir senti mille fois qu’il allait mourir d’étouffement !
Pour autant,
le cancre tiré d’affaire ne souhaite pas qu’on le plaigne, surtout pas, il veut
oublier, c’est tout, ne plus penser à cette honte. Et puis il sait, au fond de
lui , qu’il aurait fort bien pu ne pas s’en sortir. Après tout, les cancres perdus
à vie sont les plus nombreux. J’ai toujours eu le sentiment d’être un rescapé. »
Je n’ai pas
été cancre mais rêve encore parfois que je repasse le BAC avec toutes les
angoisses que cela suppose quand on a fait une année un peu en dilettante, ce
qui fut mon cas en Terminale...
Comme il
s’en est sorti, en tant que professeur, il fit tout pour aider les élèves les
plus en difficulté. Il aura eu des réussites et aussi des échecs, mais toujours
avec la fougue nécessaire pour faire son job (tel un sacerdoce) le mieux
possible, quitte à utiliser des méthodes peu orthodoxes.
A la fin du livre, il
utilisera cette formule pour résumer son combat : sortir du coma
scolaire une ribambelle d’hirondelles fracassées.
On a tous en
mémoire des enseignants qui nous ont marqué, je pense que Pennac a dû en
marquer plus d’un !
J’ai
poursuivi cette lecture en restant dans l’univers de cet écrivain, d’abord en
regardant une adaptation cinématographique réussie de son roman « Au
bonheur des Ogres ».
J’y ai retrouvé dans ce film de Nicolas Bary, son côté
faussement « foutraque », son rythme et tous les personnages bien
loufoques de la famille Malausséne. Il y a bien quelques changements dans le
scénario mais l’esprit de Pennac demeure bien présent : de la loufoquerie,
des situations hors norme, un humour tout en parlant de situations tragiques,
un ton décalé. Comme dans les livres, tout s’enchaine, pas le temps de
s’ennuyer. Ce film est plein de charme !
Pour moi,
Raphaël Personnaz restera ce Malaussène dont la profession est d’être
« bouc émissaire » sous le couvert de « contrôleur
technique »
Extrait :
« Je lui explique alors que la fonction dite
de Contrôle technique est absolument fictive. Je ne contrôle rien du tout, car
rien n’est contrôlable dans la profusion des marchands du temple. A moins de
multiplier par dix les effectifs des contrôleurs.
Or donc, lorsqu’un client se
pointe avec une plainte, je suis appelé au bureau des Réclamations où je reçois
une engueulade absolument terrifiante.
Mon boulot consiste à subir cette tornade
d’humiliations, avec un air si contrit, si paumé, si profondément désespéré,
qu’en règle générale le client retire sa plainte pour ne pas avoir mon suicide
sur la conscience, et que tout se termine à l’amiable , avec le minimum de
casse pour le Magasin : Voilà. Je suis payé pour ça. Assez bien,
d’ailleurs. »
Si je vous
cite cet extrait, c’est que je me suis relancé dans la lecture des romans
mettant en scène cette famille très atypique des Malaussène. J’ai redévoré le
1er, à savoir « Au bonheur des ogres » et viens d’entamer « La
fée carabine ».
Dans cette
famille de fous-dingues-gentils, l’on y trouve, pour n’en citer que quelques
uns :
Benjamin :
Il est chargé de famille, en ce sens qu’il s’occupe de ses frères et sœurs
tandis que sa mère part en voyage pour des histoires d’amour. Elle sait que
c’est « un bon fils » et qu’il
pourvoira aux besoins de sa fratrie, d’où ce métier de « bouc
émissaire » car il faut bien payer les factures et nourrir tout ce petit
monde.
Clara :
la petite sœur toujours flanquée d’un appareil photo
Louna : la grande sœur, infirmière, qui a des jumelles
Thérèse : autre sœur qui est voyante
Jérémy : petit frère turbulent qui a fait brûler son école avec une
expérience de bombe artisanale
Le Petit : Le petit frère aux lunettes roses qui fait de drôles de rêves
et dessinent des horreurs.
La mère : Toujours en voyage qui ne revient que pour donner naissance à un
autre enfant et repartir.
Si vous
voulez du dépaysement, une écriture qui
est tout sauf académique, une épopée familiale déjantée, alors la série des
« Malaussène » ne pourra que vous séduire.
Et puis un
style qui est drôle, impertinent, enlevé, rythmé, avec le sens de la formule et
de l’agencement des différents types de vocabulaire.
Bonnes et
belles lectures
JC Togrège
18/07/2015