lundi 31 juillet 2017

LIVRE /// L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS /// un livre idéal pour les vacances : une histoire captivante, un très bel imaginaire, de l'humour et du fond

L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS
ANDRYS KIVIRAHK


Un livre idéal pour les vacances dont j'ai dévoré les 450 pages en l'espace d'un week-end tant il est captivant !

Quand il me fut prêté par ma fille, j'avais regardé la 4ème de couverture et vu qu'il s'agissait d'un roman venant d'Estonie.

L'Estonie, l'Estonie ? Bon, je vous l'avoue, j'ignorais où cela se trouvait  précisément, sachant seulement que c'était l'un de ces pays ayant repris leur indépendance à la chute de l'URSS. Puisque j'ai cherché, autant vous en faire profiter : c'est un pays de l'Europe du Nord ayant pour voisin la Lettonie et la Russie, et séparé de la Finlande par la mer Baltique. Et puis, j'ai découvert que l'Estonie avait intégré l'Europe en 2004 et opté pour l'Euro, preuve qu'avec les livres l'on apprend sans cesse.

Ces considérations géographiques énoncées (merci Wikipédia !), revenons-en à celui qui m'a enchanté prolongeant mon incursion dans le monde du merveilleux après " Une fée pour l'éternité".

L'histoire se déroule en Estonie au Moyen-âge ge alors que le pays est envahi par les hommes de fer (ces chevaliers allemands appelés ainsi en rapport avec l'armure qu'ils portaient) et que le narrateur, Leemet, voit s'écrouler son monde. La plupart des siens quittent la forêt pour rejoindre les villages, entrer dans "la modernité" pour adopter le monde de vie des vainqueurs et devenir des agriculteurs.

Leemet reste fidèle aux traditions du peuple estonien et demeure l'un des rares à parler encore la langue des serpents lui permettant de communiquer avec les animaux. Il va vivre la situation de ceux qui se retrouvent seuls ou presque dans ses convictions face à la masse moutonnesque. Alors quelle attitude adopter ? Rester dans sa forêt avec sa famille et continuer à dialoguer avec ses amis les serpents ? Ou dans un esprit grégaire, fuir la solitude et aller au village ?

Croyez-moi, lui et sa famille vont vivre des tas d'aventures avec maints rebondissements, tant l'auteur a une imagination débridée et fertile, tout cela servi avec humour.

Entre un couple d'anthropopithèques élevant des poux et complétement tournés vers le passé, sa sœur Salme amoureuse d'un ours, Ints son ami le serpent royal, son grand-père "aviateur", Meene l'homme rampant toujours ivre etc., les amateurs de grand voyage dans l'imaginaire seront servis avec largesse.

Et puis, il y a largement du fond dans ce livre qui peut aussi se lire comme un pamphlet contre l'intolérance religieuse qui fait des ravages dans les deux mondes. Dans celui des forêts, sévit un faux sage assoiffé de sang et totalement fou qui se prétend l'interlocuteur des génies, et dans l'autre, l'on y trouve les adorateurs de Jésus Christ qui brûlent ceux qu'ils considèrent comme des suppôts de Satan. Leemet regarde ces extravagances avec stupeur, rejetant ces deux formes d'intolérance qui prospèrent sur l'ignorance. 

L'on peut y voir également une lecture sur les peuples minoritaires qui disparaissent emmenant dans le néant leurs cultures, leurs coutumes et leurs langues.

Quant au style, il coule, il court, les dialogues sont savoureux, il sert complétement cette histoire foisonnante où la sottise se prend une volée de bois vert.


Extraits :

"Alors personne n'en sait rien de cette clé ?
-Non, mais il y a quand même une légende que le vieux a oublié de te raconter. Il paraît qu'à la nuit du solstice d'été la fougère fleurit, et que c'est précisément la fleur de fougère qui est la clé.
-Ça fleurit, les fougères ?
-Bien sûr que non. Mais c'est si bon de croire qu'il suffit de traîner dans la forêt une nuit de solstice et de cueillir une fleur, et hop ! Voilà la clé. Il y a des gens qui préfèrent entretenir ce fragile espoir plutôt que d'accepter l'idée qu'ils auront bon faire la culbute ou le poirier, la Salamandre restera toujours introuvable. Les hommes vivent d'espoir, aussi ténu soit-il : ils ne se satisfont jamais de l'idée que quelque chose soit irrémédiable."



"Quand j'étais tout petit garçon, je prenais les moines pour les femmes des hommes de fer, vu qu'ils portent le même genre de robes. En vérité, ils n'étaient pas bien beaux et je m'étonnais de ce que les hommes de fer puissent se choisir ce genre de compagnes. Eux-mêmes n'étaient guère plus attirants : à l'époque, je croyais que leurs visages étaient en fer et qu'ils n'avaient ni nez ni bouche. Ce n'est que plus tard que j'en vis un qui enlevaient leur heaume et que je compris que c'étaient des êtres humains0 Une autre fois, j'avais vu un moine en train de pisser et je m'étais précipité chez Oncle Vootele, hors d'haleine, les yeux exorbités :
"Tonton, tonton ! La moine elle a un zizi"
" Bien sûr, tous les hommes en ont un."

"Alors les moines, c'est des hommes ? Je croyais que c'étaient les femmes des hommes de fer."...

Je vous recommande ce livre différent, parfois drôle, parfois triste, mais toujours alerte et très enlevé pour vos vacances. Le dépaysement sera total !

"L'homme qui savait la langue des serpents" a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire 2014.

Bonnes et belles lectures estivales

JC Togrège
31/07/2017


PS : Merci Lucie ! Il me reste à effacer les petites croix....


jeudi 27 juillet 2017

LIVRE /// UNE FEE POUR L'ETERNITE - VALENTIN LEFEVRE - un roman de "Fantasy" de qualité

UNE FEE POUR L'ETERNITE
Tome 1: Le fléau d'Argrancour
VALENTIN LEFEVRE



Cela va sans doute vous surprendre que je fasse une chronique sur un livre de "Fantasy" alors que ce n'est pas mon style de littérature.  Mes derniers pas dans ce domaine dataient des années 90 quand mes enfants découvrirent Harry Potter et son monde de sorcier. Depuis mes tentatives de lecture dans ce domaine furent des échecs par manque d'intérêt.

Il s'avère que le jeune auteur, Valentin Lefèvre, est le parrain de notre petite fille Mélodie et qu'il a pu nous présenter son livre lors de l'anniversaire des deux ans de la princesse. J'avais alors feuilleté les premières pages puis quelques unes au milieu et avais noté la présence d'une écriture.

Je vous parlerai d'abord de ce style surprenant pour un jeune auteur : un vocabulaire riche et recherché (voire ancien) avec de longues phrases, et ce qui  apparaît comme la volonté de bien écrire.

J'y ai trouvé à plusieurs reprises ce que Proust appelait la règle des trois adjectifs  (ah oui, je vous vois dire, il faut qu'il revienne encore sur "Proust !"), cette façon littéraire d'associer trois adjectifs successifs à un sujet pour en rendre la prose plus forte. J'ai aimé également la présence de poèmes et de formules latines dans le récit.

Tout en n' étant pas expert dans cette littérature du merveilleux (finalement ce terme sonne mieux que "Fantasy" et il a le mérité d'être français), je pense que roman a tout pour ravir les amateurs du genre.

 Il y a des fées, des dragons, des géants, des elfes, des magiciens, des démons et quantité d'autres êtres sortis de l'imaginaire de l'auteur. Le rôle du grand méchant est tenu par William Vépra, le seigneur des ténèbres instigateur de l'affrontement entre les forces du mal et les forces du bien. Les scènes de bataille ont d'ailleurs un bon rendu de par la variété du vocabulaire choisi et la façon de les raconter.

Outre l'histoire, si je suis allé au bout de ce 1er tome, c'est que les personnages ont une belle consistance, de l'épaisseur.  Je pense au vieux roi Igor et à ses remords, au poète prophétique Martin Lunaris, à Louise la princesse, au magicien Valeria, etc. Ne sont pas pour me déplaire non plus les touches de romantisme qui agrémentent ce récit.

En somme le 1er roman réussi d'un jeune auteur de 27 ans au talent prometteur.

Extraits :

"Dans l'entrebâillement de la porte qui dévoilait la chambre princière, Gabriel regardait Louise dormir avec délectation. II aimait ses lèvres rougeoyantes, son teint légèrement rosé, ses pommettes lisses, nacrées et sublimes qui étaient entourées d'une chevelure si dorée, si soyeuse, si douce, qu'il ressentait toujours ce désir irrésistible de l'effleurer du bout de ses doigts graciles... et le délicieux parfum vanillé qui s'en dégageait semblait toujours raviver, dans le cœur du prince, cette flamme indéfectible qui avait fait son apparition le jour où les deux êtres avaient échangé leur premier regard. Il était si profondément touché par cette beauté, qu'un instant, il crut à une illusion, à une magnifique illusion"

"Alors que les soldats naviguaient sur les eaux démoniaques et étaient sur le point de pénétrer dans le village de Dalivaire, un faucon resplendissant surgit des nuages fuligineux et vint délicatement se poser dans la première chaloupe. Une fois que ses pattes eurent touché le bois humide, la créature se mit subitement à grandir, non sans provoquer chez les frères d'armes, un profond effarement. A la suite de quoi, ses ailes se rabattirent, sa tête se redressa vers l'horizon, son bec disparut et tandis que ses plumes se rétractaient sous une peau aussi lisse et blanche que la neige s'écoulant sur la cime d'une montagne isolée, son corps repris progressivement la splendide apparence de la reine des elfes.

JC Togrège
27/07/2017

PS ci-dessous interview de l'auteur :

https://www.youtube.com/watch?v=zJJWGozgqVU

samedi 22 juillet 2017

CINE /// ETE 93 - CARLA SIMON PIPO - Un film sur la douleur d'une petite fille -

ETE 93
CARLA SIMON PIPO
 

En cette disette cinématographique estivale pour qui n'est pas amateur de "super héros" ou de "comédies franchouillardes", il n'est pas facile de trouver un film à se mettre sous la dent, d'autant qu'à Reims notre choix s'est considérablement réduit depuis la fermeture d'un cinéma.

Et puis, à de rares séances, j'ai vu qu'il était programmé le premier film de Carla Simon Pipo,  réalisatrice espagnole : Eté 93.

A travers ce récit autobiographique, il y est question d'une petite fille de 6 ans, Frida, qui vient de perdre ses parents et qui se trouve hébergée par son oncle et sa tante. Alors que citadine, elle va découvrir le monde de la campagne qui lui est inconnu en compagnie de sa cousine Anna âgée de 4 ans, tout en vivant la douleur d'être orpheline.

Aucun pathos ou sentimentalisme dans ce film qui a pris le partie de filmer tout à hauteur des yeux de l'enfant. Il y a une succession de scènes de la vie quotidienne de cette petite fille qui essaie de décrypter les conversations des adultes. L'on comprendra que ses parents sont morts du sida même si le mot n'est jamais prononcé. La peur de la contamination est présente autour d'elle.

Derrière une apparence froide, Frida souffre car elle a perdu ses parents et ne comprend pas ce qui s'est passé. Il ne lui a pas été expliqué la maladie de sa mère. Elle se trouvait chez ses grands-parents dans les derniers moments de celle-ci. Elle sait que sa mère avait mal partout et qu'elle était fatiguée.

Elle écoute les propos des adultes pour essayer de comprendre mais comme ils sont souvent masqués, sa détresse ne fait que s'accentuer. Cela la conduit à faire des bêtises qui pourraient être fort dommageables pour sa petite cousine qui la suit partout, ravie d'avoir un compagnon de jeux.

L'on est plus proche du "cinéma vérité" ou d'un style documentaire que d'une histoire romancée pour émouvoir Margot. Parfois les deux enfants sont si criants de vérité qu'on a l'impression qu'elles ont oublié la caméra, tant les jeux auxquels elles s'adonnent semblent naturels.

En somme, un premier film intéressant qui vient à point pour nous qui venions de revoir "le vieil homme et l'enfant", autre regard d'enfant blessé à une autre époque.

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
22/07/2017









vendredi 21 juillet 2017

LIVRE /// SODOME ET GOMORRHE - MARCEL PROUST -

 
SODOME ET GOMORRHE
MARCEL PROUST


Il est des lectures qui ressemblent à des aventures d'envergure, ce qui est le cas pour l'œuvre de Marcel Proust que j'ai commencée en novembre 2016. Comme je l'ai déjà mentionné dans mes chroniques précédentes, mon avancée dans "La recherche du temps perdu" est longue puisqu'en grande partie lue à haute voix. Mes chats s'y sont faits mais toujours pas mon épouse...

Alors autant, j'avais "ramé" pour finir "Le côté de Guermantes" dont certains passages m'avaient paru plutôt assommants pour utiliser un mot souvent utilisé par l'auteur dans les dialogues mondains  (ça y est je me mets à dos les admirateurs inconditionnels de Proust !), autant j'ai lu avec grand plaisir et jubilation "Sodome et Gomorrhe", et cela en peu de temps, l'ayant commencé après le spectacle "Un humour de Proust" programmé au festival des Flâneries musicales le 6 juillet 2017 pour le finir cette nuit vers minuit.

Certes (encore un mot fort prisé par Proust !), la prestation de Lambert Wilson lisant des passages humoristiques de l'œuvre m'a relancé dans la lecture de ce 4ème roman. Cela m'a mis dans la peau d'un détective en quête de l'humour proustien et satisfait d'en retrouver certains extraits mis en valeur par le comédien.

Et puis en faisant des recherches sur les forums de lecteurs, j'ai vu également que l'étape du 3ème roman était capitale et périlleuse. Soit on la passe et c'est le sésame pour les 4 romans restants, soit cela signe un arrêt définitif. Alors ça y est, me voilà bien parti !

Rien que par le titre rappelant un épisode de la bible, cette colère divine menant à la destruction des deux villes "Sodome" et "Gomorrhe" pour punir les habitants de leurs mœurs, il apparaît clairement que Proust va parler de l'homosexualité masculine et féminine, ce qui ne se faisait pas du tout en 1922 (année de l'édition du roman). Cela commence d'ailleurs par une révélation pour le narrateur surprenant le baron Charlus dans une "séance de séduction" aboutie avec le concierge Jupien.

Dans ce roman, des personnages tels que le baron Charlus (qui croit savoir garder secret ses penchants et ainsi tenir son rang dans la société) et Albertine prennent beaucoup d'importance. Le narrateur nous fera vivre les amours contrariés de Charlus et Morel ainsi que ceux du narrateur avec Albertine.

J'ai beaucoup aimé la partie où le narrateur parle de sa grand-mère défunte avec la découverte de son chagrin de façon rétrospective.

Extrait :

"Mais jamais, je ne pourrai plus effacer cette contraction de sa figure, et cette souffrance de son cœur, ou plutôt du mien; car comme les morts n'existent plus qu'en nous, c'est nous-mêmes que nous frappons sans relâche quand nous nous obstinons à nous souvenir des coups que nous leur avons assenés. Ces douleurs, si cruelles qu'elles fussent, je m'y attachais de toutes mes forces, car je sentais bien qu'elles étaient l'effet du souvenir que j'avais de ma grand-mère, la preuve que ce souvenir était bien présent en moi. Je sentais que je ne me la rappelais vraiment que par la douleur, et j'aurais voulu que s'enfonçassent plus solidement encore en moi ces clous qui y rivaient sa mémoire. Je ne cherchais pas à rendre la souffrance plus douce, à l'embellir, à feindre que ma grand'mère ne fût qu'absente et momentanément invisible, en adressant à sa photographie (celle que Saint Loup avait faite et que j'avais avec moi) des paroles et des prières comme à un être séparé de nous mais qui, resté individuel, nous connaît et nous reste relié par une indissoluble harmonie. Jamais je ne le fis, car je ne tenais pas seulement à souffrir, mais à respecter l'originalité de ma souffrance telle que je l'avais subie tout d'un coup sans le vouloir, et je voulais continuer à la subir, suivant ses lois à elle, à chaque fois que revenait cette contradiction si étrange de la survivance et du néant entrecroisés en moi."

Je vous recommande également le livre de Bertrand Leclair "L'humour de Marcel Proust"  illustré par Philippe Pierrelée, avec une anthologie de textes issus des 7 romans et classés par thèmes tels que "Des livres et de la lecture", "Amours et jalousies", "Snobs et mondains" etc. C'est savoureux !

Bonnes et belles lectures estivales.

JC Togrège
21/07/2017





mardi 18 juillet 2017

CINEMA DE MINUIT /// LE VIEIL HOMME ET L'ENFANT - CLAUDE BERRI - un film bourré d'humanité !

 
LE VIEIL HOMME ET L'ENFANT - 1967 -
CLAUDE BERRI


Avec Michel Simon, Alain Cohen, Charles Denner, Zorica Lozic, Luce Fabiole ...

Comme chaque année en été, la programmation cinématographique est exsangue. Alors plutôt que de s'en lamenter,  autant se faire chez soi son "cinéma de minuit" (tiens, j'ai encore la musique de Francis Lai en tête) ou son ciné-club d'Antenne 2 (avec en générique la jolie mélodie d "Amour et Printemps", d'Emile Waldteufel surnommé  le "Strauss français").

Allez hop, en place pour une petite séance musicale de nostalgie :

https://www.youtube.com/watch?v=0lzojVSQyp4


https://www.youtube.com/watch?v=iEfAhfCgdIg

Mais revenons au sujet de cette chronique...

Il est des films qui ne vieillissent pas, dont les sujets demeurent universels bien des lustres plus tard, des films que l'on prend plaisir à revoir régulièrement,  des films qui méritent bien le nom de 7ème art, des films à partager qui font partie de notre patrimoine.

C'est le cas de ce classique de Claude Berri, en partie autobiographique, avec cet acteur hors norme et génial qu'était Michel Simon.

L'histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale.

Deux personnages qui n'auraient jamais dû se rencontrer vont vivre une histoire d'amitié fabuleuse dans une époque tragique : un vieil homme et un enfant

Le "Pépé" joué par Michel Simon, est un ancien poilu de 14/18, fervent admirateur du Maréchal, antisémite primaire bourré de préjugés, homme ronchon.

Claude, est un petit garçon juif intrépide que ses parents vont placer à la campagne pour le protéger des rafles. Il va habiter chez le Pépé à qui  l'on cache la véritable identité de l'enfant.

Et alors que tout les sépare, une connivence va naître et croître entre eux deux. Ils vont "tomber en amitié".

Le petit garçon, joué parfaitement par Alain Cohen, va apprivoiser le vieil homme et le mettre malicieusement face à ses contradictions, ce qui l'air de rien, petit à petit, va l'amener à se remettre en question sur ses certitudes racistes.

L'un et l'autre vont s'apporter beaucoup : Le "Pépé"  va renaitre en grand-père protecteur, aimant et blagueur, il va de nouveau s'ouvrir aux autres, tandis que l'enfant va retrouver un équilibre et une joie de vivre grâce à l'amour de ce couple qui se comporte avec lui comme ses grands-parents.

Ce film est admirable d'humanité. Il nous touche, nous fait réfléchir, rire et continuera longtemps à le faire. Peu importe les différences, une fois que les hommes se parlent, se connaissent, les barrières de l'intolérance sont pulvérisées.

Pour terminer, une scène drôle et d'anthologie avec Michel Simon chantant  "vive le pinard !"

https://www.youtube.com/watch?v=iO-Xkkj7Va0

Et puis la bande annonce :


https://www.youtube.com/watch?v=HUT3ssgeZUI

Cinéphilement vôtre

JC Togrège
19/07/2017



samedi 15 juillet 2017

LIVRE /// LA VOUIVRE - MARCEL AYME - Un auteur d'une grande fraîcheur


 
 
 
Il m’était venu en tête cette chanson « Mon p’tit loup » de Pierre Perret, chanteur que j’apprécie  pour la partie poétique de son œuvre, sans doute moins lucrative que la partie licencieuse qui elle me laisse de bois, et qui à mon sens, participe plus d'une démarche commerciale. Et c'est dommage car cela occulte ses très belles chansons : "Le bonheur c'est toujours pour demain", "Quand le soleil entre dans ma maison"
 
T´en fais, pas mon p´tit loup,
C´est la vie, ne pleure pas.
T´oublieras, mon p´tit loup,
Ne pleur´ pas
 
....

Tous les livres les plus beaux,
De Colette et d´Marcel Aymé,
Ceux de Rabelais ou d´Léautaud,
Je suis sûr qu´tu vas les aimer.
 
 
Alors bonne idée, il y avait longtemps que je n’avais pas lu Marcel Aymé qui est un écrivain resté d’une grande fraîcheur. C’est cela être lecteur, c’est avoir subitement l’envie de retrouver le style d’un auteur ! La Vouivre est une créature surnaturelle, jeune femme d’une grande beauté, qui commande aux serpents, et ensorcelle les hommes. Mais voilà qu’elle tombe amoureuse à son tour d’Arsène Muselier qui fut joué au cinéma par Lambert Wilson. Les origines de ce personnage viennent d’une légende celtique ancestrale.
 
Le récit se passe dans le Jura entre les deux guerres, ce qui nous permet de nous plonger dans cette époque essentiellement rurale, laborieuse et encore peu mécanisée, ce temps où le mariage était aussi (et parfois avant tout !) une histoire de regroupement de terres, d’agrandissement de propriété, cette époque de lutte entre les anticléricaux et les curés.  Il y est aussi question d’une haine entre deux familles qui se transmet de génération en génération.

 Et tout cela, avec une teinte de surnaturelle grâce à ce personnage de la Vouivre et de ses serpents gardiens de son trésor. 
 Dans ce roman, avec sa verve habituelle, Marcel Aymé met en scène nombre de personnages savoureux, Germaine qui est une nymphomane, le maire anticlérical dans son discours mais craignant l’enfer, Requiem un fossoyeur aimant la bouteille et idéalisant en princesse une poivrote qui l’a quitté, un curé rêvant de miracle pour remplir son église etc.

 
 Extrait :
 
« ... Elle porte sur ses cheveux un diadème orné d’un gros rubis, si pur que tout l’or du monde suffirait à peine à en payer le prix. Ce trésor, la Vouivre ne s’en sépare jamais que pendant le temps de ses ablutions. Avant d’entrer dans l’eau, elle ôte son diadème et l’abandonne avec sa robe sur le rivage. C’est l’instant que choisissent les audacieux pour tenter de s’emparer du joyau, mais l’entreprise est presque sûrement vouée à l’échec. A peine le ravisseur a-t-il pris la fuite que des milliers de serpents, surgis de toutes parts, se mettent à ses trousses et la seule chance qu’il ait alors de sauver sa peau est de se défaire du rubis en jetant loin de lui le diadème de la Vouivre. Certains, auxquels le désir d’être riche fait perdre la tête, ne se résignent pas à lâcher leur butin et se laissent dévorer par les serpents »
 
 
J’ai voulu poursuivre ce plaisir littéraire en relisant « les contes du chat perché », dont Marcel Aymé disait qu’ils avaient été écrits pour des enfants âgés de quatre à soixante quinze ans, des contes dans lesquels les animaux sont dotés de la parole et parlent avec les hommes.
 
 Je vous recommande aussi le film "La jument verte" (1959) de Claude Autant Lara avec un Bourvil dans un de ses meilleurs rôles, pour cette adaptation d'un roman de Marcel Aymé.
 
 
Vous souhaitant de belles lectures, bien à vous.
 
 JC Togrège
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 





















































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































 

dimanche 9 juillet 2017

CHANSON /// MA PETITE ENTREPRISE DE BASHUNG /// une chanson à double lecture que je viens seulement de comprendre !

MA PETITE ENTREPRISE
BASHUNG

Paroles ; Jean Fauque et Alain Bashung
Musique : Alain Bashung

Alors que cette chanson est sortie en 1994, je viens seulement d'en comprendre la signification suite à une remarque entendue à la radio.

Que Bashung chante la vie d'un petit entrepreneur qui se bat pour la survie de sa société, travaillant sans relâche, m'avait surpris. Cela ne collait pas avec l'image que j'avais des thèmes habituels du chanteur. Cette interprétation très premier degré avait été corroborée par le fait qu'elle avait servi de générique en 1999 pour le film réalisé par Pierre Jolivet "Ma petite entreprise" avec Vincent Lindon dans le rôle du chef d'entreprise broyé qui prend la tasse.

Tout d'un coup, tout s'est éclairé !

Au second degré, ce n'est pas d'une petite entreprise dont il est question mais d'un phallus, toujours partant, toujours actif...C'est lui qui ne connait pas la crise dans son activité sexuelle.

Ce décodage révélé, les paroles prennent tout leur sens !

C'est comme une énigme sur laquelle l'on sèche jusqu'à la révélation de la clef qui nous fait nous exclamer : Ah mais bien sûr  ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ?

Et mes doigts de palper
Palper là cet épiderme
Qui fait que je me dresse
Qui fait que je bosse
Le lundi
Le mardi
Le mercredi
Le jeudi
Le vendredi
De l'aube à l'aube
Une partie de la matinée
Et les vacances
Abstinence


Le clip lui-même se comprend mieux ainsi.
A l'époque, celui-ci m'avait surpris, il n'y avait aucune référence au monde de l'entreprise. Une créature sulfureuse y paraissait. Mais ce n'était pas le premier à être sans rapport avec le texte, alors j'en étais resté là, en bon naïf.

Tant pis, si vous gaussez de moi; l'on dira que je me trouve dans la posture de France Gall quand, ingénue, elle chantait "les sucettes" de Gainsbourg qui était déjà une sacrée canaille.

Musicalement vôtre

JC Togrège
09/07/2017

jeudi 6 juillet 2017

CONCERT LECTURE /// UN HUMOUR DE PROUST

UN HUMOUR DE PROUST
CONCERT LECTURE


Plongé (certes avec intermittence) comme je suis dans "La recherche du temps perdu", je ne pouvais pas manquer ce concert-lecture programmé par les Flâneries musicales de Reims.

Le concept est le suivant : des lectures faites par Lambert Wilson alternées de pièces jouées au piano par Jean-Philippe Collard, autant dire deux grands talents au service de Marcel Proust, dans un décor digne d'un salon d'une mondaine du fin XIXème siècle, début XXème.

Alors l'humour chez Proust, cela vous surprend peut-être, tant il est vrai que ce n'est pas ce qui vient spontanément à l'esprit quand on évoque son œuvre, dont la lecture semble parfois ardue. Et pourtant, cet humour est bien présent et c'est une très bonne idée d'en avoir rassemblé le florilège dans ce spectacle musical.

Proust égratigne notamment les mondains oisifs pérorant dans leurs salons, leurs propos regorgeant de bêtises, de calomnies et de méchanceté. Son arme, c'est l'humour pour en faire ressortir les défauts que je viens d'énoncer. Alors, bien sûr, c'est un humour qu'il faut débusquer, ce n'est pas de la grosse gaudriole dans laquelle nous baignons à notre époque, c'est plus subtil. Les gens du peuple ne sont pas épargnés non plus, tant ils sont gagnés également par une société corsetée par les pensées de la "haute société" et le bien-paraître des convenances hypocrites.

Lambert Wilson est un lecteur-conteur formidable qui a su mettre en valeur les extraits judicieusement choisis, ce qui déclencha à maintes reprises le rire de la salle de l'opéra de Reims.
S'il est vrai qu'il y a des rires qui élèvent et d'autres qui avilissent, aucun doute n'est permis sur la nature de celui qui gagna les spectateurs hier soir.

Et puis, nous eûmes l'autre bonheur d'entendre le pianiste exceller dans des musiques de Claude Debussy, Gabriel Fauré, Frédéric Chopin, Eric Satie, Domenico Scarlatti et Erik Satie, autant de compositeurs présents dans les romans de Proust.

Une soirée procurant un double plaisir et ainsi le décuplant : l'écriture hors pair de Proust lue par Lambert Wilson et la musicalité d'un grand pianiste, en la personne de Jean-Philippe Collard.

Bien que rentré tardivement, je n'ai pu m'empêcher de parcourir quelques pages de "Sodome et Gomorrhe", le 4ème roman de "La recherche du temps perdu".

Extrait :

" - Ce pauvre général, il a encore été battu aux élections, dit la princesse de Parme pour changer de conversation.
- Oh ! ce n'est pas grave, ce n'est que la septième fois, dit le duc, qui ayant dû lui-même renoncer à la politique, aimait asses les insuccès électoraux des autres.
- Il s'est consolé en voulant faire un nouvel enfant à sa femme.
- Comment ! Cette pauvre Mme de Monserfeuil est encore enceinte, s'écria la princesse.
- Mais, parfaitement, répondit la duchesse, c'est le seul arrondissement où le pauvre général n'a jamais échoué."

Bravo à cette alchimie qui vit convoler la lecture et la musique !

JC Togrège
07/07/2017