jeudi 31 octobre 2019

LIVRE /// CADAVRE EXQUIS : un livre horrible, dérangeant et prenant !

CADAVRE EXQUIS
D'AGUSTINA BAZTERRICA


Une fois ce livre plein d'horreur et dérangeant commencé, j'en fus comme captif !

Nous sommes dans un monde où les animaux n'existent quasiment plus, suite à un virus qui les a contaminés.

Pour continuer à consommer de la viande, les hommes ont alors l'idée de créer une sous-espèce humaine destinée à la consommation.

L'un des premières choses faites, c'est de les priver de la parole en leur coupant les cordes vocales(...ce qui existe d'ailleurs aujourd'hui dans certains laboratoires qui font de l'expérimentation sur les animaux !)

Le vocabulaire dans cette société a aussi son importance.  Ainsi l'on parlera de vente d'extrémité supérieure pour désigner les mains.


Nous suivons le parcours de Marco Tejos qui travaille dans un abattoir. C'est un homme qui a vécu des drames dans sa vie. Il a un travail bien rémunéré qui lui permet de vivre correctement. Cependant, il se pose tout de même des questions sur la façon dont ils traitent ces "têtes" (terme utilisé pour parler de ces humains consommés).

Il va lui être offert une "femelle d'élevage" qu'il va progressivement regarder sous un angle différent...


Bien sûr, l'on comprend bien le propos de l'écrivaine qui en remplaçant les animaux d'élevage par des "sous-humains" veut nous faire réfléchir sur nos rapports avec les espèces animales.

Et alors, rien ne nous est épargné sur la maltraitance et les conditions d'abattage, ce qui rend certaines scènes difficilement soutenables.

C'est aussi un moyen de montrer comment l'inacceptable peut devenir acceptable dans une société, comment le vocabulaire peut aider à cela...

Extrait :

"Chacun sait que, dans les maisons de retraite publiques, la plupart des vieux, lorsqu'ils meurent ou qu'on les laisse mourir, sont ensuite conduits au marché noir. C'est la viande la moins chère qu'on puisse trouver, parce qu'elle est sèche et malade, gavée de produits pharmaceutiques. De la viande avec un nom et un prénom. Dans certains cas, que ce soit dans les institutions publiques ou privées, les membres de la famille autorisent la vente du corps et paient leurs dettes grâce à cela."

Quant à la fin totalement inattendue, elle m'a complétement saisi d'effroi !

Pour conclure, voilà un 1er livre réussi pour cette romancière argentine, un livre qui ne s'oublie pas et pose des questions.

Bonne lecture !

J-C Togrège
31/10/2019


samedi 26 octobre 2019

LIVRE /// LE BAL DES FOLLES - Victoria MAS

LE BAL DES FOLLES
VICTORIA MAS



Ce roman place le cadre de son action à la fin du XIXème siècle à l'hôpital de la Salpêtrière où l'on enfermait alors les "folles". Un neurologue très célèbre, Jean-Martin Charcot, y fit des études sur malades en recourant à l'hypnose pour comprendre l'hystérie.

Le concept de folie, toujours difficile à cerner de nos jours, était très large à cette époque où tout comportement déviant car non conforme aux règles de la société pouvait y être assimilé.

Et puis, rappelons-nous que c'est le code Napoléon qui régit alors la situation juridique des femmes, les plaçant sous l'autorité du père ou du mari, à même de demander un placement.

Gare à celles qui ne rentraient pas dans le rang !


Victoria Mas nous fait fréquenter un certain nombre de femmes vivant dans cet hôpital : Louise, une jeune fille traumatisée suite à un viol, Eugénie qui communique avec les esprits, Thérèse une prostituée qui a jeté à l'eau son souteneur, autant de femmes considérées comme folles...

Un autre personnage féminin très intéressant est Geneviève, une intendante-infirmière totalement éblouie par la science du grand homme Charcot, qui peu à peu va avoir un regard différent sur les "aliénées".

Le titre est en rapport avec un bal qui était organisé chaque année pour assouvir les bas instincts des gens du monde. Ils pouvaient alors côtoyer au son de la musique ces folles qu'ils regardaient avec dénigrement et mépris. C'était pour eux un moment de fête, comme s'ils étaient dans un zoo.

L'écriture est fluide et agréable, le récit bien mené et passionnant au point que j'ai été tenté de regarder les dernières pages tant le devenir des personnages me passionnait. Heureusement, j'y ai résisté car cela m'aurait gâché la lecture !

Voilà un bon roman sur la condition des femmes au XIXème siècle qui m'a fait ensuite chercher des informations sur internet au sujet  de Charcot, la Salpêtrière, le code napoléon, etc.

L'on peut aussi y voir une ode à la liberté et à la différence.

Pour finir, si le patronyme de l'autrice vous dit quelque chose, alors oui, il s'agit bien de la fille de l'interprète de "Toute première fois" et "En rouge et noir"

Extrait " Une fois qu'une fille a passé les portes de la Salpêtrière, plus personne, encore moins la famille, ne souhaite en entendre parler. Le père Cléry ne fait pas exception. Sa fille maintenant aliénée, évoquer même son prénom reviendrait à le déshonorer. Dans ce monde, maintenir la réputation d'un patronyme importe plus que de gardes ses filles. Chez les Cléry, seul le fils constitue encore un espoir" .

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
26/10/2019

vendredi 25 octobre 2019

JEUNESSE /// DES TROUS DANS LE VENT : poèmes en promenade

DES TROUS DANS LE VENT
Poèmes en promenade

Auteurs : Bernard Friot et Aurélie Guillerey
Illustrations : Aurélie Guillerey



La poésie c'est un souffle frais sur notre vie, une autre vision du monde, plus aérienne, plus aérée.

La poésie, c'est jouer avec les mots, les images, c'est n'en faire qu'à sa tête, et ça fait du bien.

La poésie c'est pour tout le monde, enfants comme adultes.

La poésie, ce serait tout de même dommage de s'en passer !



Ce livre jeunesse est magnifique tant par ses poèmes que par les illustrations sur des tons rosés-mauves.  Les enfants s'y retrouveront par les thèmes du quotidien qui y sont abordés avec une grande légèreté dans l'écriture. Quant aux illustrations, elles ont la beauté de la simplicité qui fait mouche.

Les grands enfants que sont les adultes y trouveront aussi une fraîcheur toute poétique qui les touchera également.

Un bien beau livre plein de charme !

Extrait :

"Je suis un arbre, dit l'enfant, et j'ai des branches
pour faire chanter le vent.

Je suis un chemin, dit l'enfant, et je sème des cailloux
pour faire trébucher les géants.

Je suis un lac, dit l'enfant, et j'attends la pluie
pour dessiner un soleil en pointillé (...)


Bonne promenade en poésie.

J-C Togrège
25/10/2019



 




CINE /// DEUX MOI : un film de Klapisch d'une grande sensibilité

DEUX MOI
DE CEDRIC KLAPISCH
 
avec François Civi, Ana Girardot, Eve Haïdara, François Berléand



C'est l'histoire de deux trentenaires célibataires vivant à Paris et mal dans leur peau. Ils souffrent tous deux de la solitude.

Très vite, j'ai pensé à la chanson d'Alain Souchon, "l'ultra moderne solitude" qui date déjà de  1988. Autant dire que cela ne s'est pas arrangé dans un monde connecté avec les réseaux sociaux, la géolocalisation, les sites de rencontres et autres.

A quoi tient-il que les relations humaines soient devenues aussi difficiles dans notre monde ?

Pourquoi est-il devenu plus facile de parler à un inconnu sur le net plutôt qu'à son voisin ?




A travers cette très jolie histoire, Cédric Klapisch a fait un film d'une grande sensibilité admirablement servi par François Civi et Ana Girardot. L'on est pris de sympathie pour ces deux jeunes gens qui se débattent dans un monde se déshumanisant et se robotisant.

Ne pensez-pas que ce soit un film triste, même si le constat sociétal peut l'être car il y a aussi beaucoup d'humour et de tendresse. L'humain demeure malgré tout l'Inhumain qui nous entoure.
Au final, le message reste positif.

En résumé, j'ai beaucoup aimé cette comédie romantique qui prend le temps de s'installer et qui nous surprend, le tout avec le regard d'un cinéaste également sociologue.

Cinéphilement vôtre

J-C Togrège
25/10/2019


dimanche 20 octobre 2019

LE CRI DES ARBRES : J-C Togrège -

LE CRI DES ARBRES



Leurs cris couvriraient le bruit des moteurs
s'ils pouvaient crier.
Ils crieraient de ne pas être respectés
et abattus en masse.
Ils ne crieraient pas de douleur mais d’effroi
pour alerter les hommes.
Ils crieraient que c’est grande erreur
de saccager la planète.

Leurs cris couvriraient le bruit du monde
s’ils pouvaient crier.
Une longue lamentation pleine d’accablement
à l’idée d’une terre sans forêt.
Leurs cris deviendraient des hurlements,
un tapage si tonitruant
Que quelqu’un les entendrait enfin peut-être…



Ils crieraient pour que les hommes les voient
dans toute leur splendeur
Et cessent de les réduire en charpie
Sans considération.
Ils crieraient de colère devant cette bêtise
à leur préférer le béton.
lls crieraient pour rappeler leur présence
depuis la nuit des temps.

Les arbres crieraient
à s’en exploser les cordes vocales
Si seulement ils le pouvaient !

JC Togrège
19/12/2018

extrait du recueil "En éveil" 
contact : jctogrege@gmail.com

PS : recueil disponible à la librairie rémoise "Guerlin, Rougier et Plé" (place d'Erlon), au Carrefour de Bazancourt et par correspondance

vendredi 18 octobre 2019

JEUNESSE /// ECOUTE LES ARBRES PARLER

ECOUTE LES ARBRES PARLER
PETER WEHLLEBEN


Comment un arbre se tient-il droit ? 

De quoi les arbres ont-ils peur ?

Comment boivent les arbres ?

Comment les arbres s'aperçoivent-ils de l'arrivée du printemps ?

Les arbres peuvent-ils parler ? 


Est-ce qu'il y a internet dans la forêt

Que font les arbres la nuit ?


Des questions de ce type, ce livre très bien fait en regorge et ne peut que mener au respect de l'arbre et de la nature.

Des chapitres sont également consacrés aux animaux qui peuplent les forêts. Chacun y a sa place, il n'y a pas de nuisibles contrairement à certaines classifications dépassées qui mènent au déséquilibre.

L'auteur, Peter Wohlleben, s'adresse aux enfants avec des phrases simples mais nullement mièvres,en y associant des petits jeux et des quiz. L'on peut même parler d'un ouvrage de vulgarisation scientifique à portée de la jeunesse, espérant qu'ainsi elle saccagera moins son environnement que les générations précédentes.

Peter Wohlleben, qui fut forestier en Allemagne pendant plus de 20 ans, s'est fait connaitre en France grâce à son livre "La vie secrète des arbres". Voilà un homme qui a observé la nature, qui l'a aimée et qui nous montre les arbres avec une vision beaucoup plus large que celle que l'on a habituellement.

Lire ce livre, c'est se promener en forêt avec un regard respectueux, une envie de voir, d'entendre, de comprendre, sans l'idée de domination ou d'exploitation.

Bien qu'il s'agisse d'un ouvrage à destination des enfants, je peux vous assurer que j'y ai appris plein de choses.

L'Arbre est un être vivant !
L'Arbre est magnifique, il faut le respecter !

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
18/10/2019




mercredi 9 octobre 2019

LIVRE /// LA MORT AU BOUT DES FILS

LA MORT AU BOUT DES FILS
VIRGINIE LAUBY



Aller à la rencontre d'un auteur invité par une médiathèque, quand on ne le connait pas, c'est partir à l'aventure.

Comme toute aventure, cela suppose une certaine curiosité, avec le risque d'être déçu ou l'avantage d'être charmé.

Il se trouve que l'échange qu'eut Virginie Laubry avec les lecteurs fut très intéressant, ouvert, sympathique, et que cela me donna l'envie de poursuivre cette aventure en la lisant.

Et cela se transforma en une belle découverte littéraire, la romancière ayant une belle écriture et le sens du récit !

Ce roman, c'est deux histoires en parallèle distantes de plus d'un siècle puisque l'une se déroule en 1868 et l'autre de nos jours. Ce qui les relie, c'est le mode opératoire de meurtres qui ont la particularité de vider les victimes de leur masse cérébrale.

D'un côté, nous suivons Isabelle dont le fiancé a été tué et qui se met à la recherche d'anneaux à travers les Ardennes au XIXème siècle.
De l'autre, aujourd'hui lors d'une année impaire, un policier enquête à Charleville-Mézières pendant le festival des marionnettes.

Ah oui, j'ai oublié de préciser qu'il s'agit d'une autrice ardennaise, ce qui explique le cadre de son histoire, et ce pour notre plus grand plaisir, les Ardennes étant une magnifique région.


Extrait : " Sans un mot, il finit de soulever le drap fin et découvrit le haut du corps qui avait été nettoyé. La jeune fille eut un haut-le-cœur en découvrant la plaie béante aux bords déjà racornis balafrant le visage blafard. Une partie de la mâchoire inférieure du jeune homme avait disparu et une plaie béante laissait apercevoir l'intérieur du crâne, un os blanc, une cavité vide."

Précisons qu'il s'agit d'un thriller teinté de fantastique...

Bonnes et belles lectures

J-C Togrège
09/10/2019

PS: Mon épouse est en train de lire un autre livre de l'auteur (Hantise) qu'elle trouve très prenant.







CINE /// J'IRAI OU TU IRAS : du bon cinéma "grand public"

J'IRAI OU TU IRAS
GERALDINE NAKACHE

avec Géraldine Nakache, Leïla Bekhti, Philippe Timsit, Pascale Arbillot etc.



J'irai où tu iras, mais oui on la connait par cœur cette chanson composée par Goldman et chantée par Céline Dion !

Si elle en est le titre, c'est que cette comédie se déroule en partie autour du milieu des fans de Céline Dion, l'une des sœurs du film étant en route pour auditionner en tant que choriste de la chanteuse.

Rien que voir Géraldine Nakache chantant ce tube dans un mariage vaut le déplacement !



Derrière le propos apparent frivole, ce film aborde des thèmes importants avec une grande sensibilité, tels que les non-dits familiaux, le sens que l'on veut donner à sa vie, l'amour familial plus fort que les différences, la paternité (pas si anodin que cela en ce moment...)

Mais revenons au propos du film.

Géraldine Nakache et Leïla jouent deux sœurs très différentes avec une trajectoire bien éloignée l'une de l'autre, d'ailleurs elles ne se voient pas souvent, n'ont pas grand chose à se dire.

Ces deux sœurs ont un père, ou plutôt un papa poule joué par un Patrick Timsit veuf, débonnaire, farceur, un peu largué par la technologie. Devant subir un traitement médical, il ne pourra pas accompagner sa fille ainée à Paris pour une audition et charge alors son autre fille de le remplacer...
 
La complicité des deux actrices contribue à la réussite de leur face à face qui fonctionne si bien, et cela depuis "Tout ce qui brille". Rappelez-vous la reprise de la chanson de Véronique Sanson "Drôle de vie" !


J'ai beaucoup aimé aussi un petit rôle joué par Pascale Arbillot dont le personnage cache difficilement la fêlure de l'éloignement de ses filles. Sa manière d'en parler sans se plaindre en dit beaucoup.

C'est rythmé, c'est drôle, les dialogues font mouche sans être lourdingues, c'est touchant, c'est émouvant, bref du bon cinéma grand public !

A déconseiller toutefois pour ceux qui n'aiment pas les "bons sentiments".

Cinéphilement vôtre

J-C Togrège
09/10/2019







vendredi 4 octobre 2019

LIVRE /// NOS VIES de Marie-Hélène Lafon

NOS VIES
MARIE-HELENE LAFON


Si vous avez déjà, dans un train, un métro, une salle de spectacle, laissé courir votre imagination sur la vie de tous les inconnus à portée de regard, alors vous avez un peu de Jeanne en vous, la narratrice de ce roman.

Simple amusement, esprit curieux, intérêt pour autrui ou manière de passer le temps ?

Qui sont-ils tous ces gens qui nous entourent et dont nous ne saurons sans doute jamais rien ?



Jeanne vient d'être en retraite. Elle vit seule, va à jours réguliers dans sa supérette, toujours à la même caisse et se demande qui est cette caissière qui se prénomme Gordana.

Elle lui imagine un passé, une vie, des pensées,  à partir de deux photos entre aperçues. Entre dans cette histoire qu'elle se raconte une autre personne qui passe toujours à cette caisse, un homme se nommant Horacia Fortunato.

Tout en leur inventant une vie, Jeanne nous raconte la sienne par petites touches sensibles.

Nous passons d'un paragraphe écrit au conditionnel à un autre à l'indicatif, l'aller retour entre ce qu'elle a vécu et ce qu'elle imagine pour Gordana et Horacio, et tout cela est très bien agencé.

J'aime beaucoup le style et la petite musique de Marie-Hélène Lafon et sa manière de raconter les existences.

Extrait :

" La capacité de recommencement des femmes, et des hommes parfois, me terrasse, et m’émeut. C’est là, c’est donné, il suffit de regarder et d’écouter. Les femmes surtout, certaines, comme elles sont vaillantes, comme elles veulent y croire, et paient de leur personne, de tout leur corps qui fabrique les enfants, et les nourrit ; et elles se penchent, vêtent, nouent les écharpes, ajustent les manteaux, consolent vérifient admonestent caressent, ça ne finit pas. Comme elles sont dévorées et y consentent ou n’y consentent pas ou n’y consentent plus mais peuvent encore, font encore, parce qu’il le faut et que quelque chose en elles résiste, continue. C’est chaque jour et au bout des jours ça fait une vie. 

Bonnes et belles lectures !

J-C Togrège
04/10/2019