SALINA
LAURENT GAUDE
Laurent Gaudé est un écrivain que j'admire pour la qualité de son style, pour son sens de la narration (souvent proche du conte) et pour la diversité de ses sujets. Avec lui, le mot "littéraire" n'est pas usurpé et prend tout son sens.
C'est le contraire de l'auteur à succès qui exploite un filon avec les mêmes recettes année après année.
Ce roman raconte l'histoire de Salina, une femme à la vie difficile, abandonnée dès sa naissance et recueillie par Mamambala après que les hyènes l'eurent épargnée.
La tâche de son troisième fils sera de raconter cette histoire afin que le cimetière ouvre ses portes et accepte la dépouille de sa mère.
Les thèmes de la transmission, de la vengeance, du refus de se soumettre sont présents dans ce texte également teinté d'humanisme.
Extrait : "Moi Malaka, fils élevé dans le désert par une mère qui parlait aux pierres, je vais raconter Salina, la femme aux trois exils. Je vais dire ma mère qui gît là, au fond de la barque, et le monde qui apparaîtra sera fait de poussière et de cris. A l'époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait des soleils qui faisaient saigner la peau et un désir de vengeance sauvage. A l'époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait une enfant venue de nulle part. Elle est née loin, Salina, si loin que personne ne connaît le lieu exact ni de qui elle fut l'enfant, pas même elle. Moi Malika, qui dois faire le récit de sa vie pour que le cimetière décide de s'ouvrir ou pas, je choisis de commencer par ce jour de marche, à l'autre bout de sa vie, car c'est là que tout débute."
Ce roman m'a tant enchanté pour la beauté du verbe et le sujet que je me suis replongé dans son œuvre.
J'ai d'abord relu ce qui est sans doute son chef d’œuvre : "Le soleil des Scorta" dans lequel
l'on suit l'histoire d'une famille à Montepuccio, petit village d'Italie du Sud de 1870 nos jours. L'on y retrouve le thème de la transmission, chaque membre de cette famille devant un jour laisser à un descendant ce qu'il a appris de la vie. La fierté d'être un Scorta habite les générations les unes après les autres, leur permettant de faire face au village.
Ce livre obtint le prix Goncourt 2004.
Extrait "Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur, nous l'avons en nous. D'aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons.(...)"
Et puis j'ai découvert "Pour seul cortège" paru en 2012, roman d'une grande originalité nous ramenant au temps des derniers jours d'Alexandre le Grand. Il y a dans ce récit quelque chose d'étrange se rapprochant de l'épopée antique. Roman choral nous faisant entendre les voix d'Alexandre mort, de la tête décapitée d'un émissaire et de la fille d'un roi déchu appelée au chevet du roi.
A chaque roman, Laurent Gaudé sait magnifier les mots et se faire conteur !
Bonnes et belles lectures
JC Togrège
08/02/2019
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