PETIT PAYS
GAËL FAYE
Un roman nous mène souvent vers un autre livre, un autre auteur (voire plusieurs), c'est le cas avec "Petit Pays" qui cite un poème de Jacques Roumain :
"Si l'on est d'un pays, si l'on y est né, eh bien, on l'a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c'est une présence, dans le cœur, ineffaçable, comme une fille comme aime : on connait la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystères, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence."
Ce poème fut offert à Gaby lors de son départ du Burundi alors plongé dans la guerre civile. Il fut remis à l'enfant qu'il était par une femme qui lui ouvrit sa bibliothèque, lui donnant ainsi accès au plaisir incommensurable de la lecture. Ce sont des choses qui ne s'oublient pas !
Si j'ai commencé par cet aspect du livre, c'est qu'il fut déjà dit tant et tant de choses sur ce roman que cela n'aurait été que de la redite.
Gaby, c'est cet enfant insouciant vivant au Burundi avec son père français, sa mère réfugiée rwandaise et sa sœur. Il vit heureux avec sa famille et ses copains jusqu'à ce que son monde se disloque peu à peu avec la montée de la violence qui aboutira au massacre des Tutsis.
C'est joliment raconté avec fraicheur et sensibilité à travers le regard de ce jeune garçon qui découvrira que l'on classe les gens selon leur origine et leur couleur de peau. Gaël Faye sait décrire les ambiances, la nature, les sensations, sa langue est belle. L'auteur ne s’appesantit pas sur les scènes de violence hormis l'une qui implique Gaby et qui est terrible à lire.
Ce n'est pas un livre historique et politique avec moult détails sur les raisons de haine entre les Tutsis et les Hutus, c'est l'irruption du monde haineux des adultes dans la vie d'un jeune garçon de 12/13 ans qui n'aura d'autre choix que de fuir son pays pour ne pas mourir.
L'on sait qu'il s'agit d'un roman en partie autobiographique.
Extrait : (...) Cet après-midi là, pour la première fois de ma vie, je suis entré dans la réalité profonde de ce pays. J'ai découvert l'antagonisme hutu et tutsi, infranchissable ligne de démarcation qui obligeait chacun à être d'un camp ou d'un autre. Ce camp, tel un prénom qu'on attribue à un enfant, on naissait avec, et il nous poursuivait à jamais. Hutu ou tutsi. C'était soit l'un soit l'autre. Pile ou face. Comme un aveugle qui recouvre la vue, j'ai alors commencé à comprendre les gestes et les regards, les non-dits et les manières qui m'échappaient depuis toujours.
La guerre, sans qu'on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. Moi qui souhaitais rester neutre, je n'ai pas pu. J'étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais."
Bonne et belle lecture
JC Togrège
26/04/2019
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