vendredi 18 janvier 2019

LIVRE /// LE LAMBEAU - PHILIPPE LANÇON : un prix FEMINA de très haut niveau !

LE LAMBEAU
PHILIPPE LANÇON



Philippe Lançon a été grièvement blessé lors de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Il a eu notamment la mâchoire arrachée par une balle d'arme de guerre.

Il raconte ici son vécu commençant par la journée de la veille du drame. Puis c'est l'attentat décrit avec minutie et le séjour à l'hôpital (282 jours) avec les nombreuses opérations. La reconstruction tant physique que psychologique sera très longue et douloureuse.

Dans ce récit autobiographique, Philippe Lançon se livre à un travail d'introspection minutieux et détaillé pendant 500 pages.

C'est bouleversant, parfois difficile à lire tant c'est poignant, plein d'humanité et sans esprit de haine, ce qui est presque incroyable.




Pour survivre à tout cela (le souvenir de l'attentat, les morts, son aspect de "gueule cassée", les multiples opérations), le soutien de sa famille, de ses amis, de l'équipe médicale sera capital mais pas suffisant, il lui faudra aussi l'Art.

Ainsi, il relira à de nombreuses reprises (avant ses opérations) la mort de la grand-mère dans Proust. Il y aura aussi Bach (il écoutera souvent "l'art de la fugue"), "La montagne magique" de Thomas Mann, la correspondance de Kafka à Milena, des peintres etc. Puis, dès qu'il le put, il écrivit des articles pour Charlie.

Ce récit autobiographique est d'une grande qualité littéraire, ce qui décuple l'intérêt que l'on prend à le lire et qui justifie amplement le prix Femina.

Je ne cacherai pas que c'est parfois dur à lire (sans doute pas le livre de chevet pour passer une nuit apaisée...) mais  l'intime du corps et de l'âme est décrit tellement magistralement que c'en est admirable.

Extrait : "Un soir, une fois la piqûre faite et Christian sorti, la cervelle s'est transformée en anémone et les morts en sont sortis. Je me suis adressé à eux, un par un puis tous ensemble, comme s'ils étaient vivants ou comme si moi je ne l'étais plus. Je leur parlais de ce que nous avions vécu, je leur demandais ce qu'ils vivaient, je leur expliquais où je me trouvais. Je n'avais pas de chagrin : j'étais le chagrin. Insensiblement, passant d'une rêverie profonde à un moment de double clarté, j'ai commencé à les voir à distance, tels qu'ils étaient, tout à fait morts, et simultanément tels qu'ils avaient été, bien vivants. En les regardant d'un peu plus loin, de haut, détachés de l'anémone, j'ai séché le chagrin. J'ai commencé à leur murmurer une sorte de prière que ma bouche à une lèvre et mon absence de canule fenêtrée m'interdisaient de prononcer. Je ne savais pas où je pourrais l'envoyer, je n'y pensais pas. L'important était de la dire. (...)

Bonne et belle lecture
18/01/2019

PS : Une lecture en amenant un autre, j'ai acquis "Soumission" de Houellebecq, qui revient souvent dans ce récit car l'attentat survint alors que ce livre suscitait des débats y compris parmi l'équipe de Charlie Hebdo.



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